Pompier de Paris, secourir les citoyens en détresse

Dossier : Formation humaine et militaire à l’XMagazine N°708 Octobre 2015
Par Grégoire GENEST (13)

La BSPP réu­nit des hommes qui ont choisi de dédi­er leur car­rière au sec­ours des citoyens en détresse. Que ce soit dans un feu d’immeuble pen­dant lequel ils met­tent leur vie en dan­ger ou qu’il s’agisse du rel­e­vage d’une per­son­ne impo­tente, l’essence est la même : quelqu’un a besoin d’aide.

“ Un niveau d’excellence indispensable pour intervenir partout ”

Grâce à une for­ma­tion d’excellence, les sapeurs-pom­piers gèrent les sit­u­a­tions de crise. Ils font preuve de sang-froid et de pro­fes­sion­nal­isme en toute circonstance.

Dans les flammes, ils pren­nent des risques pour le sauve­tage et la défense des biens : c’est Sauver ou Périr.

Lors des sec­ours à vic­time, ils sont à l’écoute des gens pour les aider à tra­vers­er des moments dif­fi­ciles. Si, au fil du temps, beau­coup de pom­piers sont usés par ce méti­er c’est qu’ils côtoient quo­ti­di­en­nement des per­son­nes qui souffrent.

REPÈRES

La Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est une institution vieille de plus de deux cents ans et forte de plus de 10 000 hommes. Créée par Napoléon Ier à la suite de l’incendie de l’ambassade d’Autriche en 1811, elle a pour rôle d’assurer la protection des personnes et des biens de la mégapole parisienne.

Être toujours prêt

La BSPP, c’est aus­si une pré­pa­ra­tion. L’entraînement quo­ti­di­en per­met de main­tenir tout au long des car­rières des sapeurs-pom­piers un niveau d’excellence indis­pens­able pour inter­venir dans n’importe quelle sit­u­a­tion, même raris­sime : une attaque ter­ror­iste, un acci­dent dans un entre­pôt chim­ique, une crue de la Seine, une chute d’aéronef, etc.

Et puis la Brigade, c’est aus­si une vie de caserne. Une trentaine d’hommes qui chaque jour arment les engins et vivent ensem­ble dans la caserne. Il s’y crée une cohé­sion qui leur per­met non seule­ment d’agir en sym­biose lorsqu’ils sont amenés à « décaler1 » mais aus­si de mieux endur­er les chocs qui survi­en­nent suite à des inter­ven­tions dif­fi­ciles. La vie de caserne varie en fonc­tion des secteurs.

Deux mois de formation initiale

Mon stage a débuté à Vil­leneuve-Saint- Georges, au cen­tre de for­ma­tion ini­tiale (CFI), avec les 23 autres X faisant leur stage à la BSPP. Pen­dant deux mois, nous avons suivi une for­ma­tion intense de secourisme.

“ Comprendre la souffrance des victimes mais ne pas souffrir avec elles ”

Sans don­ner une liste exhaus­tive des tech­niques que j’y ai appris­es, elles inclu­ent : coor­don­ner une immo­bil­i­sa­tion générale d’un trau­ma­tisé du rachis, exé­cuter un mas­sage car­diaque externe, pra­ti­quer une désob­struc­tion des voies aéri­ennes supérieures et gér­er un accouche­ment. Ces tech­niques me seront utiles toute ma vie.

Mais nos cours n’étaient pas seule­ment pra­tiques, ils étaient aus­si théoriques. J’ai, entre autres, appris à dis­tinguer les symp­tômes des détress­es res­pi­ra­toires, car­diaques et neu­rologiques. Cela per­met de repér­er rapi­de­ment si l’un des sys­tèmes vitaux2 d’une vic­time est défaillant.

De la sorte, nous pou­vons effectuer les gestes de sauve­g­arde et faire venir une ambu­lance de réan­i­ma­tion au plus vite.

Apprendre à vivre en équipe

J’ai aus­si beau­coup appris sur inter­ven­tion. En effet, une com­mu­ni­ca­tion effi­cace est la base d’une bonne coor­di­na­tion. Au fil des inter­ven­tions, j’ai com­pris l’importance de don­ner des ordres clairs et dénués de toute incer­ti­tude. De cette façon, mes équip­iers ne me remet­taient pas en cause et obéis­saient sans hésitation.

J’ai aus­si pris con­science de l’importance du tra­vail en équipe et du choix dans une sit­u­a­tion com­plexe. Rester calme, ne pas se pré­cip­iter, mais ne pas oubli­er la notion d’urgence, pren­dre une déci­sion qu’on préfér­erait ne pas prendre.

Voilà quelques qual­ités que ce stage m’a per­mis de développer.

Rigueur et ponctualité

Grâce à la vie à la caserne, aux qua­tre rassem­ble­ments quo­ti­di­ens, aux exi­gences ves­ti­men­taires et aux rela­tions avec les supérieurs et les sub­or­don­nés j’ai aus­si dévelop­pé ma rigueur et ma ponctualité.

Deux valeurs sous-estimées dans le monde civ­il. C’est grâce à elles que les sapeurs-pom­piers peu­vent inter­venir partout dans la méga­pole parisi­enne en moins de dix minutes.

Une première garde mouvementée

Les sapeurs-pom­piers peu­vent inter­venir partout dans la méga­pole parisi­enne en moins de dix minutes.

Le 25 novem­bre 2013 est mon pre­mier jour de garde. Dans la nuit, je suis amené à par­ticiper à l’accouchement d’une femme dont le terme n’est que de sept mois. Je suis excité et angoissé.

Une fois sur les lieux de l’intervention, la femme me fait savoir qu’elle a per­du les eaux. Je n’ai pas le temps de la trans­porter à l’hôpital. Je l’installe et effectue l’accouchement. Le bébé appa­raît avec le crâne amor­phe, les jambes dis­lo­quées et la peau ramol­lie. Pas de cris, pas de tonicité.

Je dois annon­cer le décès du bébé à la mère alors que celui-ci est encore rat­taché à elle par le cor­don ombil­i­cal que mes équip­iers s’empressent de couper. Ne pou­vant rien faire pour le bébé, je devais prin­ci­pale­ment m’occuper de la mère en atten­dant le SMUR et le SMUR pédiatrique.

Il a fal­lu être ras­sur­ant, récon­for­t­ant. Au fil de mon stage, j’ai appris que le récon­fort passe plus par le ton de la voix, par la gestuelle et par la pos­ture que par les mots.

Il faut se plac­er proche de la vic­time, à sa hau­teur, et par­ler avec une voix calme et assurée mal­gré les cris ou l’agressivité suite au traumatisme.

Développer l’empathie

Le savoir-être que j’ai le plus dévelop­pé à la brigade est l’empathie, c’est-à-dire com­pren­dre la souf­france des vic­times mais ne pas souf­frir avec elles.

DÉCIDER VITE ET AU MIEUX

Lorsque je suis intervenu sur un accident de deux-roues où une victime était en arrêt cardiaque et une autre dans le coma, j’ai été confronté à un choix draconien : laquelle secourir en premier, en attendant que d’autres engins arrivent ? J’ai alors pris la décision qui me semblait la moins mauvaise, à défaut de savoir laquelle était la meilleure.

J’en ai fait par­ti­c­ulière­ment l’expérience lorsque je suis inter­venu sur un acci­dent de cir­cu­la­tion sur les quais de Seine. Une mère très choquée pleu­rait car son fils de 18 ans et un de ses amis étaient en arrêt car­diores­pi­ra­toire (ACR).

Le grand frère de ce garçon en ACR était aus­si sur les lieux. Quand le médecin nous a indiqué que nous pou­vions arrêter le mas­sage car­diaque, la vic­time ne pou­vant être réan­imée, le frère est devenu très menaçant. C’est en lui par­lant avec dévoue­ment et bien­veil­lance qu’il a com­pris que tout avait été ten­té, et que nous auri­ons nous aus­si souhaité la réan­i­ma­tion de son frère.

Il faut enten­dre dévoue­ment au sens de générosité dans l’action, d’abnégation, et de sens du ser­vice. La bien­veil­lance ne doit pas se man­i­fester seule­ment à l’égard des vic­times mais aus­si de leurs proches.

Code d’honneur

Être pom­pi­er de Paris, c’est égale­ment adhér­er à un code de l’honneur qui com­prend rec­ti­tude, exem­plar­ité, respect, dis­ci­pline sur inter­ven­tion, hon­nêteté intel­lectuelle, rigueur, dis­cré­tion et goût de l’effort.

Com­ment résumer cela mieux que par la devise de la BSPP : Force et Hon­neur, Courage et Dévoue­ment. Ain­si le sapeur va pour Sauver ou Périr.

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1. Décaler : par­tir sur inter­ven­tion. Il y a bien longtemps, les pom­piers se déplaçaient à l’aide de char­rettes hip­po­mo­biles. Pour pou­voir par­tir plus vite, celles-ci étaient sta­tion­nées en pente grâce à des cales. Ain­si, les pom­piers « décalaient » lorsqu’ils par­taient sur intervention.
2. Il y a trois sys­tèmes vitaux : les sys­tèmes neu­rologique, car­diaque et respiratoire.

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