Pierre BERGER (86), un patron s’en est allé

Dossier : TrajectoiresMagazine N°709 Novembre 2015Par : Bruno ANGLES (84), président de l’AX, avec un encadré de Julia Mouzon (04)
Par Bruno ANGLES (84)
Par Julia MOUZON (04)

Bache­lier à quinze ans, poly­tech­ni­cien à dix-huit ans, Pierre Ber­ger intègre le Corps des ponts et chaus­sées dont il démis­sionne en 1991 pour créer un bureau d’études géo­tech­nique, Sig­ma­tec Ingénierie.

En 1995, il revend celui-ci à Ménard Sol­trai­te­ment (Freys­si­net), et rejoint la filiale Sefi, dont il devient direc­teur général.

Sa car­rière connaît alors une accé­lé­ra­tion ful­gu­rante. En 1999, il est nom­mé à la tête de Ménard avant de prendre les rênes, cinq ans plus tard, de Vin­ci Construc­tion Grands Pro­jets (VCGP) .

“ Passionné de réalisations extraordinaires et de prouesses collectives ”

En jan­vier 2010, il intègre, à qua­rante et un ans, le comi­té exé­cu­tif du géant de la construction.

Il rejoint moins d’un an plus tard le groupe Eif­fage, où il accepte le défi de suc­cé­der à Jean-Fran­çois Rove­ra­to, patron his­to­rique et emblé­ma­tique. Début 2011, le fon­da­teur du groupe Eif­fage l’appelle en effet à ses côtés en qua­li­té de direc­teur géné­ral délégué.

Pierre Ber­ger est nom­mé direc­teur géné­ral en juillet 2011, puis P.-D.G. en août 2012, suc­cé­dant ain­si à Jean- Fran­çois Roverato.

Du tempérament et de l’assurance

Du tem­pé­ra­ment et de l’assurance, Pierre n’en a jamais man­qué. Eif­fage a tra­ver­sé la crise du BTP en pré­ser­vant ses marges – et en res­ser­rant les bou­lons, y com­pris côté effectifs.

Comme l’a écrit le conseil d’administration d’Eiffage : « Ses excep­tion­nelles qua­li­tés humaines et pro­fes­sion­nelles ont été déter­mi­nantes pour le déve­lop­pe­ment du Groupe, l’amélioration de sa ren­ta­bi­li­té et la pro­gres­sion de l’action Eiffage. »


UN CAMARADE ET UN AMI

J’ai connu Pierre il y a plus de dix ans lorsque nous étions col­lègues chez Vin­ci. Depuis, nous nous étions retrou­vés comme par­te­naires dans Auto­routes Paris-Rhin-Rhône, inves­tis­se­ment com­mun d’Eiffage et de Mac­qua­rie. Mais Pierre était bien sûr plus qu’un col­lègue ou un par­te­naire, c’était un cama­rade et un ami.


La passion des grands chantiers

Pierre avait la pas­sion des grands chan­tiers, notam­ment la LGV Bre­tagne-Pays de la Loire. Il venait de réunir l’ensemble des équipes d’Eiffage dans un nou­veau siège ultra­mo­derne à Véli­zy, dont il était par­ti­cu­liè­re­ment fier.

Un concentré d’énergie

Pierre était un concen­tré d’énergie et un très grand tra­vailleur, qui dor­mait peu. C’était aus­si un spor­tif accom­pli, aus­si bien en course à pied qu’en vélo, où il excel­lait que ce soit sur Paris-Deau­ville ou dans la mon­tée de L’Alpe d’Huez.

Avec ce départ aus­si bru­tal qu’inattendu, la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne perd l’un de ses élé­ments les plus brillants. Elle ne l’oubliera pas.


La solidité et la beauté du monde

Trop peu de gens ont eu la chance de faire la connais­sance de Pierre Ber­ger. Pierre était moins connu que beau­coup d’autres grands patrons et peu d’articles de jour­naux ont sou­li­gné à son décès la géné­ro­si­té de sa personnalité.

Simplicité et sérénité

J’ai eu la chance de ren­con­trer Pierre à deux reprises, deux ren­dez-vous pro­fes­sion­nels et ami­caux qui m’ont fait décou­vrir sa sim­pli­ci­té et sa séré­ni­té, dans les res­pon­sa­bi­li­tés qui étaient les siennes. Des ren­contres qui m’avaient don­né l’occasion d’échanger avec lui sur l’engagement d’Eiffage auprès des col­lec­ti­vi­tés. J’avais décou­vert un homme pas­sion­né par son tra­vail, admi­ra­tif du tra­vail de nos élus locaux, atta­ché à une poli­tique de ter­rain, et dési­reux de posi­tion­ner son groupe comme un par­te­naire solide et trans­pa­rent auprès de ces acteurs.

Courage, intégrité, transparence

Il devait inter­ve­nir, quelques semaines plus tard, lors des Jour­nées natio­nales des femmes élues que ma socié­té orga­nise, auprès de 500 femmes élues de toute la France. Le cré­neau était blo­qué dans son agen­da et j’avais noté sur mon car­net, en résu­mé de son inter­ven­tion à venir, les trois mots qu’il m’avait don­nés pour résu­mer sa vision de la poli­tique du XXIe siècle : « cou­rage, inté­gri­té, trans­pa­rence ». Nous avions pour­sui­vi nos échanges par la visite du nou­veau cam­pus d’Eiffage à Véli­zy. Toute ma vie, je le rever­rai, posant sa main sur un bloc de béton cof­fré à côté de son bureau, me décrire com­bien il était dif­fi­cile de construire des blocs de béton aus­si par­faits, que ceux que l’on uti­li­sait pour les chan­tiers sor­taient des coffres cou­verts d’imperfections, et que ces blocs, simples en appa­rence, repré­sen­taient à eux seuls un exploit technique.

Embellir le monde

C’est le sou­ve­nir que je gar­de­rai de lui parce que c’est celui qui parle le mieux de l’homme qu’il a été, pas­sion­né de réa­li­sa­tions extra­or­di­naires et des prouesses col­lec­tives qu’elles néces­sitent. Toute la soli­di­té et la beau­té du monde réunies sous la paume d’une main.

Pierre nous laisse en par­tant le sou­ve­nir lumi­neux d’un modèle simple et humain, exi­geant, cou­ra­geux, et pas­sion­né. Puisse ce sou­ve­nir nous aider à rele­ver le défi qu’il nous confie aujourd’hui à sa suite : trans­mettre ce qu’il nous a géné­reu­se­ment lais­sé et faire du monde un endroit un peu plus beau.

Julia Mou­zon (04)


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