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Peut-on encore être heureux en France ?

Dossier : ExpressionsMagazine N°686 Juin/Juillet 2013
Par Laura CARRÈRE (96)

La science du bonheur est aujourd’hui florissante, mais c’est une discipline toute nouvelle au regard de ses disciplines mères, la psychologie et l’économie. Vous-même, comment avez-vous découvert la science du bonheur et comment en êtes-vous devenu un spécialiste ?

La science du bonheur est aujourd’hui florissante, mais c’est une discipline toute nouvelle au regard de ses disciplines mères, la psychologie et l’économie. Vous-même, comment avez-vous découvert la science du bonheur et comment en êtes-vous devenu un spécialiste ?

Comme tout le monde, par hasard. En 1989, j’ai com­mencé ma thèse avec mon directeur Andrew Oswald1. À l’époque, Andrew n’étudiait pas encore l’économie du bon­heur. Mais c’est un homme bril­lant, qui lit beau­coup et qui est très ouvert aux idées nou­velles. Ma thèse por­tait sur l’économie des négo­ci­a­tions syndicales.

Dans la lit­téra­ture sur les rela­tions indus­trielles, on savait déjà que le niveau de revenu d’un salarié par rap­port à celui de ses col­lègues était déter­mi­nant pour son niveau de sat­is­fac­tion. L’idée de com­para­i­son était déjà présente. Mais elle ne fai­sait pas l’objet d’une analyse spécifique.

Andrew et moi sommes allés tra­vailler deux ans aux États-Unis. Ensuite, je suis revenu à l’université d’Essex en 1991, au moment du lance­ment d’une grande enquête de pan­el, la British House­hold Pan­el Survey.

« Allez voir les psy­cho­logues pour leur racon­ter vos his­toires, les écon­o­mistes ne s’intéressent pas à vos déc­la­ra­tions sur le bonheur »

Cette étude prévoy­ait de suiv­re 10 000 indi­vidus sur plusieurs années. Chaque année, ils répondaient à une série de ques­tions divers­es des­tinées à éval­uer, par­mi d’autres sujets, leurs con­di­tions de vie. Une de ces ques­tions por­tait sur leur niveau de sat­is­fac­tion au tra­vail, qu’ils devaient éval­uer en don­nant une note com­prise entre 1 et 7.

Andrew m’a sug­géré d’étudier la cor­réla­tion entre le niveau de sat­is­fac­tion au tra­vail d’un indi­vidu et le revenu de ses « pairs » (c’est-à-dire des per­son­nes de sexe, d’âge, de secteur, de région et de niveau d’éducation équivalents).

Nous avons mis en évi­dence une cor­réla­tion néga­tive. Plus mes pairs gag­nent d’argent, moins je suis heureux. Nous étions très sur­pris de ce résul­tat. Depuis, de nom­breux chercheurs l’ont con­fir­mé avec d’autres expéri­ences et dans d’autres contextes.

Comment la communauté scientifique a‑t-elle accueilli ce résultat remarquable ?

Au début, par une par­faite indif­férence, pour ne pas dire une cer­taine hos­til­ité. Nous avons écrit un papi­er de recherche sur le sujet et l’avons envoyé à des revues d’économie. Mais les écon­o­mistes n’ont pas du tout appré­cié. Au mieux, ils le jugeaient inin­téres­sant, hors sujet.

Un pro­fesseur m’a même rétorqué : « C’est un sémi­naire d’économie, ici. Allez voir les psy­cho­logues pour leur racon­ter vos his­toires, les écon­o­mistes ne s’intéressent pas à vos déc­la­ra­tions sur le bon­heur. » Cinq revues ont rejeté notre papi­er. Per­son­ne ne voulait le publier.

J’ai dû per­sévér­er pen­dant cinq ans pour par­venir à le faire accepter. Aujourd’hui, il est mon arti­cle le plus cité.

Cela paraît incroyable, avec le recul. Pourtant, la psychologie positive existait déjà à l’époque, non ?

Causal­ité inverse
Dans les années 1990, les psy­cho­logues avaient de bonnes idées mais n’utilisaient pas d’outils sta­tis­tiques pro­pres à con­va­in­cre les écon­o­mistes. Leurs échan­til­lons d’étude n’étaient pas représen­tat­ifs, ils étaient en coupe trans­ver­sale (c’est-à-dire que les ques­tions étaient posées à des indi­vidus d’âges dif­férents au même moment, et pas aux mêmes indi­vidus suiv­is sur plusieurs années), ce qui ne per­me­t­tait pas d’écarter les prob­lèmes de causal­ité inverse : prenons par exem­ple le cas du mariage. Est-ce le mariage qui rend heureux ? Ou bien est-ce que les gens qui se mari­ent sont par nature des gens heureux ? C’est pour cela que la col­lab­o­ra­tion entre les psy­cho­logues et les écon­o­mistes est si intéres­sante : les psy­cho­logues four­mil­lent d’idées, et les écon­o­mistes peu­vent inven­ter des méth­odes per­ti­nentes pour tester ces idées.

C’est exact, le développe­ment de la psy­cholo­gie pos­i­tive a démar­ré plus tôt, à la fin des années 1980. À l’époque, les écon­o­mistes et les psy­cho­logues ne se par­laient pas du tout. Rap­pelons que la psy­cholo­gie pos­i­tive s’intéresse aux émo­tions et aux états psy­chologiques posi­tifs, con­traire­ment à la psy­cholo­gie clas­sique, tournée vers l’étude des patholo­gies : dépres­sions, névros­es, etc.

Le grand pio­nnier de la psy­cholo­gie pos­i­tive est Ed Diener2. Jeune étu­di­ant dans les années 1970, Ed se pas­sion­nait pour la psy­cholo­gie pos­i­tive et a souhaité en faire son sujet de thèse. Mais son départe­ment de psy­cholo­gie a refusé net. Ses directeurs de thèse ont con­sid­éré que le sujet était absol­u­ment sans intérêt. Il a donc dû chang­er de sujet de thèse. Mais il est revenu à la psy­cholo­gie pos­i­tive quelques années plus tard.

Quand vous avez commencé à vous intéresser au bonheur, vous connaissiez l’existence de la psychologie positive ?

Pas vrai­ment. À l’époque, les psy­cho­logues et les écon­o­mistes ne se croi­saient jamais et igno­raient leurs travaux respec­tifs. Seule­ment, quand j’ai com­mencé à tra­vailler sur l’économie du bon­heur, j’ai réal­isé que presque aucun écon­o­miste n’avait étudié le sujet aupar­a­vant. J’ai alors décidé d’étendre mes recherch­es à d’autres dis­ci­plines. C’est ain­si que j’ai ren­con­tré Ed pour la pre­mière fois, en 1996.

Dans votre article « Income and Hapiness : getting the debate straight » (2011) vous revenez au paradoxe d’Easterlin : malgré l’augmentation spectaculaire de la richesse des pays développés depuis la Deuxième Guerre mondiale, le score moyen de satisfaction dans ces pays est resté constant. Comment l’interprétez-vous ?

Il y a deux grandes expli­ca­tions com­porte­men­tales au para­doxe d’Easterlin.

La pre­mière, c’est la com­para­i­son : on se com­pare les uns aux autres. Si tu gagnes plus que moi, je suis moins con­tent et toi, plus. Les deux évo­lu­tions se com­pensent et donc, en net, la somme de nos deux sat­is­fac­tions est restée constante.

La sec­onde expli­ca­tion est l’accoutumance. Je m’habitue à mon niveau de revenu. C’est l’accroissement de mon niveau de revenu dans le temps qui me don­nera sat­is­fac­tion, pas ce niveau absolu.

Une troisième expli­ca­tion pour­rait être celle de la vari­able omise : on pour­rait imag­in­er qu’une vari­able (par exem­ple, la pol­lu­tion, ou encore l’accroissement des iné­gal­ités) soit la cause du para­doxe d’Easterlin : oui, l’argent fait le bon­heur, mais il fait aus­si aug­menter la pol­lu­tion, ce qui fait à son tour dimin­uer le niveau de bon­heur, et l’effet net des deux est nul. C’est une hypothèse intéres­sante, mais on n’a pas d’étude vrai­ment con­va­in­cante qui la démontre.

Toutefois, le paradoxe d’Easterlin ne se manifeste pas dans tous les pays. Dans votre article coécrit avec Claudia Senik (« La croissance rend-elle heureux ? », 2011), vous revenez sur le phénomène de comparaison et ses effets, qui peuvent être contradictoires.

Effec­tive­ment. Pour un indi­vidu don­né, la com­para­i­son de son revenu avec celui d’un groupe de pairs peut avoir deux effets opposés. L’effet dom­i­nant dépend de la struc­ture de la société à laque­lle il appartient.

C’est l’accroissement de mon niveau de revenu dans le temps qui me don­nera sat­is­fac­tion, pas ce niveau absolu

Si l’individu appar­tient à une société rigide, comme celles de la vieille Europe, alors le fait que ses pairs gag­nent plus que lui le ren­dra mal­heureux. C’est le para­doxe d’Easterlin.

Si, au con­traire, il vit dans un pays émer­gent ou aux États-Unis, alors le même fait le ren­dra plus heureux, car la com­para­i­son lui don­nera l’espoir d’une amélio­ra­tion de sa pro­pre situation.

Plus la société est flu­ide et plus on a la chance de devenir autrui dans l’avenir. Du coup, je suis con­tent que tu gagnes plus que moi. Les écon­o­mistes ont appelé ce phénomène « l’effet tunnel ».

L’effet de la com­para­i­son des revenus dépend des croy­ances sur la flu­id­ité de la société. Aux États- Unis, par exem­ple, les gens croient que la société est flu­ide, mobile, ce qui se révèle inex­act si on y regarde de plus près. Une cor­réla­tion intergénéra­tionnelle mon­tre que la posi­tion sociale des Améri­cains est plus cor­rélée à celle de leurs par­ents que celle des Européens. Mais tout le monde croit le con­traire. C’est pourquoi l’effet tun­nel est pré­dom­i­nant aux États-Unis.

Le para­doxe d’Easterlin
Le para­doxe d’Easterlin est un con­cept clé de l’économie du bon­heur. Il est ain­si nom­mé en référence à l’économiste Richard East­er­lin qui s’est penché sur les fac­teurs con­tribuant au bon­heur dans son arti­cle de 1974 : « Does Eco­nom­ic Growth Improve the Human Lot ? Some Empir­i­cal Evi­dence ». East­er­lin y mon­tre que l’accroissement de la richesse dans les pays les plus dévelop­pés entre 1946 et 1970 n’a pas été sys­té­ma­tique­ment accom­pa­g­né par un accroisse­ment du niveau de bon­heur sub­jec­tif moyen. Ces travaux ont été repris et analysés par Andrew Oswald en 1997. Des recherch­es plus récentes ont mon­tré des résul­tats similaires.
L’implication poli­tique de ce para­doxe est qu’une fois comblés les besoins de base, les gou­verne­ments devraient se con­cen­tr­er sur l’accroissement de la sat­is­fac­tion des indi­vidus, et non sur l’accroissement du PIB.

Si l’on constate que l’argent ne fait pas le bonheur, pourrait-on trouver d’autres sources de bonheur pour les individus, comme la curiosité, le désir d’apprendre, l’ouverture sur le monde ?

Effec­tive­ment, c’est une idée à laque­lle j’ai beau­coup réfléchi ces derniers temps. Il n’y a pas une seule déf­i­ni­tion du bon­heur. Quand on demande à quelqu’un s’il est heureux, se réfère-t-on au bon­heur hédonique, c’est-à-dire la prépondérance de l’affect posi­tif sur l’affect négatif ? Une bonne vie, ce n’est pas for­cé­ment cela.

Qu’est-ce qu’une bonne vie ? Est-ce d’être heureux tout le temps ? John Stu­art Mill a dit : « Il vaut mieux être un Socrate mal­heureux qu’un idiot heureux. »

On peut mesur­er un autre type de bon­heur, qu’on appelle le bon­heur « eudé­monique » et qui inclut des paramètres comme l’épanouissement, la vital­ité, la résis­tance, l’engagement, le bon fonc­tion­nement en société. Cette mesure met en avant l’autonomie et l’ouverture sur le monde.

Pour conclure, que penser de l’évolution du niveau de bonheur en France ?

« Il vaut mieux être un Socrate mal­heureux qu’un idiot heureux. »

Le prob­lème, c’est que si je gagne moins qu’hier, je me com­pare au passé et je me rem­bru­nis. Et même, la pente est plus grande vers les revenus décrois­sants que vers les revenus crois­sants, c’est-à- dire que mon bon­heur baisse plus vite quand mon revenu dimin­ue, qu’il ne croît quand mon revenu augmente.

Le prix Nobel d’économie Daniel Kah­ne­man et son coau­teur Amos Tver­sky l’ont bien mon­tré : les indi­vidus ont une aver­sion au risque, et ils sont beau­coup plus sen­si­bles aux pertes qu’aux gains. Cela explique peut-être la morosité actuelle.

Reste à espér­er que les Français adoptent une vision eudé­monique du bon­heur, et trou­vent de la sat­is­fac­tion dans la décou­verte du monde, la curiosité, l’apprentissage.

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1. Andrew Oswald est directeur de recherche à l’IZA Insti­tute à Bonn et pro­fesseur d’économie à l’université de War­wick. À l‘époque, il était chercheur à la Lon­don School of Economics.
2. Ed Diener est un psy­cho­logue améri­cain, pro­fesseur et auteur de nom­breux ouvrages sur le bon­heur. Il est recon­nu pour ses travaux sur le bon­heur qu’il con­duit depuis vingt-cinq ans.

Andrew CLARK, directeur de recherche au CNRSAndrew Clark
Andrew Clark est directeur de recherche au CNRS, mem­bre de la Paris School of Eco­nom­ics (PSE). Il a occupé des postes dans dif­férentes uni­ver­sités, à Dar­mouth, à Essex, ain­si qu’au CEPREMAP, au lab­o­ra­toire DELTA, à l’OCDE et à l’université d’Orléans. Il est l’auteur d’une thèse soutenue à la Lon­don School of Economics.
Son tra­vail est cen­tré sur l’interface entre la psy­cholo­gie, la soci­olo­gie et l’économie. En par­ti­c­uli­er, il a util­isé les mesures de sat­is­fac­tion de la vie et de sat­is­fac­tion au tra­vail comme des proxy de la mesure d’utilité.
En s’appuyant notam­ment sur l’utilité rel­a­tive et les com­para­isons (à des pairs, aux per­son­nes du même foy­er, à soi-même dans le passé), il s’est intéressé plus par­ti­c­ulière­ment aux domaines du tra­vail et du revenu. Ses travaux récents ont impliqué une étroite col­lab­o­ra­tion avec des psy­cho­logues pour com­pren­dre l’accoutumance à cer­tains événe­ments de la vie (comme la perte d’un tra­vail, le mariage ou le divorce), en procé­dant à des analy­ses de long terme sur don­nées de panels.

4 Commentaires

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Didi­er Blanchardrépondre
17 juillet 2013 à 14 h 26 min

Libre pro­pos “Peut-on encore être heureux en France ?”

Tout d’abord mer­ci pour cet arti­cle sur ce sujet pas­sion­nant qu’est la sci­ence du bonheur.


Voici quelques idées per­son­nelles suite à la lec­ture de cet arti­cle, qui j’e­spère con­tribueront à faire avancer un peu les réflex­ions. Tout d’abord, je trou­ve ras­sur­ant que le bon vieux proverbe “l’ar­gent ne fait pas le bon­heur” soit véri­fié par les récentes études men­tion­nées, et donc que le para­doxe d’East­er­lin n’en soit finale­ment pas un : il est tout a fait “nor­mal” que le seul fait d’aug­menter la richesse ne suff­ise pas aug­menter sys­té­ma­tique­ment le “niveau de bon­heur sub­jec­tif moyen”, et heureusement !


Per­son­nelle­ment, j’ai l’im­pres­sion que glob­ale­ment, le bon­heur d’un indi­vidu est pro­por­tion­nel à l’é­cart entre sa per­cep­tion de sa sit­u­a­tion réelle vécue et ses attentes. Cela cor­re­spond à peu près à la cita­tion du Dalaï Lama : “La sen­sa­tion d’être heureux ou mal­heureux dépend rarement de notre état dans l’ab­solu, mais de notre per­cep­tion de la sit­u­a­tion, de notre capac­ité à nous sat­is­faire de ce que nous avons”. Ain­si, le bon­heur ne dépend pas unique­ment de la vari­able richesse/argent, mais est une fonc­tion infin­i­ment plus com­plexe, prenant en compte énor­mé­ment d’autres paramètres, en fait toutes les dimen­sions de la vie d’un indi­vidu : la san­té, l’amour, la spir­i­tu­al­ité, etc.


En met­tant sous forme math­é­ma­tique la phrase précé­dente (ah, ces X qui veu­lent tout mod­élis­er!) , on obtient l’équa­tion du bon­heur suiv­ante : B = P(V)-A avec : B=Bonheur de l’in­di­vidu P=Perception V= sit­u­a­tion réelle Vécue A= Attentes toutes ces fonc­tions sont des fonc­tions de l’in­di­vidu i (dans toute sa com­plex­ité) à l’in­stant t. Il est intéres­sant de voir que pour agir sur le bon­heur d’un indi­vidu, on peut jouer sur 3 fonc­tions de l’individu :
— V= sa sit­u­a­tion réelle Vécue : par exem­ple son salaire, son loge­ment, son envi­ron­nement, sa san­té, etc. Il y a une infinités de dimen­sions à pren­dre en compte !
— P= sa Per­cep­tion. Cette fonc­tion varie en fonc­tion de nom­breux paramètres de l’in­di­vidu à un instant don­né : référen­tiel per­son­nel, cul­ture, vécu, humeur…
— A= ses Attentes.


Autrement dit, on voit que pour aug­menter le bon­heur de l’in­di­vidu, il y a donc 3 axes : amélior­er sa sit­u­a­tion réelle vécue, amélior­er sa per­cep­tion de la sit­u­a­tion réelle vécue, et dimin­uer ses attentes. Notons que la Per­cep­tion et les Attentes d’un indi­vidu sont des fonc­tions com­plex­es, faisant inter­venir de mul­ti­ples fac­teurs tels que sa cul­ture, ses valeurs, sa reli­gion, son his­toire, son envi­ron­nement, etc. Les hommes poli­tiques et les per­son­nes dans la pub­lic­ité et le mar­ket­ing savent très bien dans leur com­mu­ni­ca­tion jouer sur ces fac­teurs pour faire pass­er leurs messages.


On pour­rait dévelop­per longue­ment la réflex­ion en analysant les 3 fonc­tions V, P et A pour mieux com­pren­dre et utilis­er les mécan­ismes du bon­heur, mais je me con­tenterai ici d’u­tilis­er ce mod­èle pour analyser quelques points dévelop­pés dans l’ar­ti­cle au sujet de l’im­pact du “salaire” sur le bon­heur : — l’ar­ti­cle indique la com­para­i­son et l’ac­cou­tu­mance comme expli­ca­tions du para­doxe d’East­er­lin. Effec­tive­ment : — la com­para­i­son est un mécan­isme impor­tant dans la per­cep­tion P de la sit­u­a­tion : est-ce que je gagne plus ou moins que col­lègues ? — l’ac­cou­tu­mance est un mécan­isme pris en compte dans les attentes A de l’in­di­vidu. D’ailleurs, l’in­di­vidu peut s’habituer non seule­ment à un niveau de salaire, mais aus­si à son accroisse­ment (sa dérivée) si celui ci est con­stant. C’est d’ailleurs aus­si l’in­térêt des primes et parts vari­ables que de com­bat­tre l’ac­cou­tu­mance et redonner moti­va­tion. — l’ar­ti­cle mon­tre aus­si com­ment le car­ac­tère, la cul­ture de l’in­di­vidu impacte son niveau d’at­tente et donc de bonheur.


Dans la même sit­u­a­tion où l’in­di­vidu touche un salaire inférieur à ses pairs, il aura des raison­nements dif­férents selon qu’il Européen ou Améri­cain : l’Eu­ropéen aura un raison­nement plus négatif (je devrais gag­n­er autant que les autres, ce n’est pas juste) aboutis­sant à une insat­is­fac­tion puisque B = P(V) — A < 0 (je gagne moins que ce que je devrais gag­n­er), alors que l’Améri­cain tien­dra un raison­nement posi­tif (puisque les autres gag­nent plus, je devrais être aug­men­té dans l’avenir)! Voici donc les quelques réflex­ions que je souhaitais partager avec vous et qui ne deman­dent qu’à être dis­cutées, chal­lengées, développées…


En con­clu­sion, je ne résiste pas au plaisir de citer Voltaire à pro­pos du bon­heur : “J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé” !

René BOUCHET (49)répondre
19 juillet 2013 à 5 h 23 min

Mer­ci à Lau­ra Carrère

Mer­ci à Lau­ra Car­rère pour ses “Libres Pro­pos”, parus dans le numéro de juin-juil­let, dans lesquels elle nous relate son entre­tien avec Andrew Clark sur le bonheur


Quelques remar­ques. Ce qui est sur­prenant dans le para­doxe d’East­er­lin, c’est qu’il en soit un. Qui n’a perçu que l’ap­pré­ci­a­tion de la richesse est rel­a­tive ? Que l’on n’est pas totale­ment heureux d’être aug­men­té si le col­lègue de bureau ou d’ate­lier l’est davan­tage ? Ce qui est sur­prenant, en revanche, est que les recherch­es sur le bon­heur se can­ton­nent, sem­ble-t-il, au domaine de la richesse matérielle.


Le plus ancien livre de recettes du bon­heur, remon­tant à près de 3000 ans, n’est-il pas le Deutéronome ? Il y est ques­tion du bon­heur presque à chaque page. il met même en garde con­tre la société de con­som­ma­tion ! Un extrait:“Garde ces lois et ces com­man­de­ments que je te pre­scris aujour­d’hui, afin d’avoir, toi et tes fils après toi, bon­heur et longue vie sur la terre”. Plus tard, Jésus dira:” Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit par­faite”.


On pour­rait mul­ti­pli­er les cita­tions. Le bon­heur que ray­on­nent ceux qui ont fait vœu de pau­vreté n’in­ter­pelle-il-pas les chercheurs, qu’ils soient psy­cho­logues ou écon­o­mistes ? La “vari­able omise” ne se trou­verait-elle pas dans les fonds oubliés de notre héritage judéo-chrétien ?

François For­estrépondre
30 juillet 2013 à 20 h 28 min

Bon­heur : la recon­nais­sance
Il faudrait men­tion­ner l’im­por­tance de la recon­nais­sance par les autres.
Ain­si, le salaire (relatif) représente une par­tie de cette recon­nais­sance, celle de la société.

René Rupertrépondre
30 janvier 2014 à 19 h 03 min

un ami me com­mu­nique cet

un ami me com­mu­nique cet arti­cle bien con­stru­it sur un sujet assez com­plexe. Mes idées de chercheur sur le sujet me con­duisent à com­plète­ment remet­tre en cause notre mod­èle de pensée :

1) les dimen­sions de l’hu­main sont de plusieurs natures réelles, deux d’en­tre elles étant le rationnel et l’é­mo­tion­nel (cela se démon­tre facile­ment à par­tir du fonc­tion­nement de la Bourse). Le raison­nement sur ces deux natures que l’on mélange aujour­d’hui suit en gros les règles des nom­bres com­plex­es (réels et imag­i­naires) bien con­nus : une égal­ité en sup­pose deux. ça change tout.

2) La rel­a­tiv­ité s’ap­plique en plein dans la com­mu­ni­ca­tion humaine. Nous sommes autant de petits référen­tiels appré­ciant le monde de manières dif­férentes. Lorsqu’on com­bine ces deux fon­da­men­taux, qu’on sépare bien les symp­tômes des caus­es, on voit l’hu­main très différemment.

3) Il appa­raît alors le bien-être et le bien devenir, comme c’est évo­qué par Mme Car­rère. Le bon­heur, résul­tat d’une équa­tion dif­féren­tielle ?!!! Il y a vingt ans, j’en serais mort de rire que de lire cela. Pourtant…

Le résul­tat, pour l’in­stant, est fasci­nant : la mod­éli­sa­tion math­é­ma­tique me sem­ble essen­tielle et ne doit pas se lim­iter à rem­plac­er des con­cepts exis­tants par des let­tres : il faut l’u­tilis­er pour raison­ner de manière rigoureuse. Les inter­pré­ta­tions devi­en­nent sen­si­ble­ment nou­velles et lumineuses et on arrive ain­si à inté­gr­er les con­traintes du psy­chologique dans la déci­sion économique, ce qui manque dure­ment aux out­ils de ges­tion actuels. Dans cela, le bon­heur, sa déf­i­ni­tion, est un co-pro­duit. il y a encore beau­coup de tra­vail devant nous sur ce sujet. René Rupert atteignable par Google ou tout sim­ple­ment rene.rupert@gmail.com

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