OphtAI au cœur de la révolution de l’intelligence artificielle en ophtalmologie

Alexandre Le Guilcher, directeur Recherche & Innovation du groupe Evolucare Technologies, dévoile les coulisses d’une entreprise française pionnière dans l’informatique pour établissements de santé. Entre solutions de gestion d’activité et innovations basées sur l’intelligence artificielle, Evolucare se positionne comme un acteur clé pour accompagner les évolutions du secteur médical.
Pouvez-vous nous présenter en quelques mots votre entreprise et votre parcours ?
Je suis ingénieur de formation, diplômé de l’INPG. En 2007, j’ai rejoint Evolucare, l’entreprise familiale fondée il y a plus de 25 ans par mon père, Elie, dans laquelle nous ont depuis rejoints mon frère Romain (directeur adjoint) et ma sœur Morgane (DRH & Direction Qualité). De mon côté, après avoir occupé différents postes de directeur, j’ai créé en 2015 Evolucare Labs, un service dédié aux projets innovants collaboratifs. Nous avions anticipé l’essor de l’intelligence artificielle, son impact et donc ses opportunités sur notre marché.
Quels sont les principaux domaines d’intervention d’Evolucare ?
Evolucare, c’est plus de 25 ans d’expérience, 450 collaborateurs principalement en France, mais aussi en Belgique, en Allemagne et en Espagne.
Nous proposons des solutions informatiques transversales pour les établissements de santé (hôpitaux et cliniques) et médico-sociaux (maisons de retraite, établissement pour personnes handicapées) notamment dans la gestion du dossier patient/résident/usager informatisé, dans l’organisation des soins, la gestion administrative, la gestion des stocks. Nous avons étendu notre gamme par des acquisitions externes et proposons des solutions expertes en soins critiques (bloc opératoire, anesthésie, réanimation) et en imagerie médicale (RIS, PACS). Ce qui nous distingue, c’est notre capacité à couvrir l’ensemble du parcours patient, avec des solutions adaptées à chaque étape et à chaque besoin. Evolucare appartient depuis mi 2023 au groupe italien GPI qui a de nombreuses filiales dans le monde, ce qui va nous permettre d’accélérer notre déploiement à l’international.
Comment l’innovation s’intègre-t-elle dans votre stratégie ?
L’innovation est essentielle pour répondre aux défis d’un secteur aussi complexe que la santé. Nous avons créé Evolucare Labs, notre laboratoire de recherche, pour explorer les technologies émergentes comme l’intelligence artificielle (IA). Notre objectif était de s’entourer des meilleurs, nous travaillons en partenariat avec des institutions publiques de référence dans le cadre de Projets collaboratifs. Nous avons de cette manière accès aux expertises nécessaires qu’elles soient médicales ou technologiques.
C’est dans ce cadre que la solution OphtAI a été créée ?
Oui, OphtAI, est une intelligence artificielle capable de détecter les principales pathologies de la rétine à partir d’une photo faite par un rétinographe. Cette solution a été créée en partenariat avec l’AP-HP et son réseau Ophdiat, le plus grand réseau français de télé-dépistage de la rétinopathie diabétique. Ils nous ont apporté la base de photos de rétines avec les annotations faites par des rétinologues de l’Hôpital Lariboisière. L’architecture neuronale et le modèle entraîné ont quant à eux été
réalisés avec le LATIM un laboratoire public de R&D (UBO/INSERM) spécialisé en analyse d’images médicales.
Le modèle d’intelligence artificielle, résultat du Projet, est très performant, il reproduit l’expertise des meilleurs spécialistes.
Pouvez-vous en détailler les avantages ?
OphtAI répond à un enjeu majeur : le dépistage de la rétinopathie diabétique. Cette complication du diabète peut entraîner une perte de vision irréversible si elle n’est pas détectée à temps. L’OMS recommande un examen de dépistage annuel pour les patients diabétiques, mais en France, comme partout dans le monde, le manque d’ophtalmologues au regard du nombre croissant de diabétiques complique les choses.
Notre solution permet à des non-spécialistes d’identifier les patients nécessitant une prise en charge prioritaire, et réduit ainsi la charge de travail des ophtalmologues qui se concentrent sur la prise en charge thérapeutique.
La solution est-elle suffisamment sûre pour un tel usage ?
L’intelligence artificielle soulève plusieurs défis dans le secteur médical. Ses outils doivent respecter des normes élevées en matière de sécurité et d’éthique, comme le marquage CE pour les dispositifs médicaux en Europe mais aussi la protection des données, un sujet crucial en santé (RGPD). Nous avons de plus prouvé l’efficacité de cette technologie en remportant plusieurs concours internationaux.
Qu’en est-il de l’acceptation par les professionnels de santé ?
Une nouvelle technologie peut être perçue comme complexe ou intrusive. C’est pourquoi nous investissons dans la sensibilisation en participant à de nombreux congrès pour que les médecins et autres professionnels comprennent et adoptent nos outils. L’idée est de rapprocher les diagnostics des patients, pour éviter les déplacements inutiles et surtout raccourcir les délais pour détecter au plus tôt et de façon globale. Ces initiatives nécessitent des technologies robustes et accessibles, mais aussi une refonte des parcours de soins. Notre rôle est d’accompagner cette transition en développant des outils innovants, tout en restant en phase avec les besoins du terrain.
Quels autres projets menez-vous actuellement ?
Nous avons déjà, avec les mêmes partenaires dans le cadre d’un laboratoire commun, fait évoluer la solution depuis sa sortie en 2019. Nous y avons ajouté la détection de la DMLA et la suspicion de glaucome. Nous avons aussi mis en point une cartographie des lésions pour donner de l’explicabilité. Nous travaillons actuellement sur la sortie d’une version contenant 12 nouveaux détecteurs avec pour objectif de pouvoir dire si la rétine est saine ou s’il y a un besoin d’aller consulter un ophtalmologue.
Nous allons aussi sortir des modèles prédictifs, permettant d’anticiper l’évolution d’une pathologie.
Où en êtes-vous dans le déploiement de cette solution ?
OphtAI est une nouvelle activité, complémentaire pour notre groupe, qui peut être lente à déployer massivement car selon les pays une adaptation réglementaire peut être nécessaire. Nous menons plusieurs expérimentations régionales, en testant le dépistage chez le médecin généraliste ou en pharmacie et avons déposé auprès de la Haute Autorité de Santé une demande de création d’un nouvel acte de dépistage à l’aide de l’IA.
En dehors de la France et de l’Europe, nos marchés principaux, elle est déjà utilisée dans de nombreux pays allant du Canada, au Chili, en passant par l’Afrique jusqu’à Hong Kong. Grâce à son fonctionnement sous forme de service hébergé dans le cloud, son déploiement est rapide et efficace. Nous passons par un réseau de partenaires internationaux qui intègrent le service à leurs solutions en plus d’avoir une version en ligne accessible de partout (my.ophtai.com).
Un mot pour conclure ?
Nous croyons fermement chez Evolucare que l’avenir de la santé passe par une meilleure synergie entre la technologie et l’humain. L’innovation n’a de sens que si elle répond aux besoins concrets des soignants et des patients. Chez Evolucare, nous mettons tout en œuvre pour que nos solutions soient performantes, accessibles et, surtout, utiles.