Oncovita innove dans le traitement du cancer

Oncovita innove dans le traitement du cancer

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°804 Avril 2025
Par Stéphane ALTABA

Onco­vi­ta, fon­dée en 2016 comme spin-off de l’Institut Pas­teur, se dis­tingue par ses avan­cées remar­quables dans le domaine des immu­no­thé­ra­pies contre le can­cer. Avec le sou­tien de par­te­na­riats stra­té­giques, Onco­vi­ta vise à trans­for­mer la prise en charge du can­cer en com­bi­nant inno­va­tion scien­ti­fique et exper­tise clinique. 

Inter­view de son direc­teur géné­ral, Sté­phane Alta­ba.

Pourriez-vous présenter Oncovita, ses missions principales et les raisons pour lesquelles vous avez récemment rejoint cette aventure en tant que CEO ?

Onco­vi­ta, fon­dée en 2016 comme spin-off de l’Institut Pas­teur, déve­loppe des immu­no­thé­ra­pies contre le can­cer basées sur le vac­cin de la rou­geole. La pla­te­forme Mea­so­vir® du Pr Fré­dé­ric Tan­gy per­met de repro­gram­mer le virus de la rou­geole pour cibler et détruire les cel­lules can­cé­reuses. Le virus MVdel­taC, notre can­di­dat-médi­ca­ment, a réus­si les essais pré­cli­niques et entre­ra en phase cli­nique l’année pro­chaine. Nous nous concen­trons sur le méso­thé­liome, aus­si appe­lé « can­cer de l’amiante », et le can­cer du sein triple néga­tif, forme agres­sive de can­cer. Nos efforts actuels portent sur la pro­duc­tion des lots cli­niques de virus MVdel­taC néces­saires pour les pre­miers essais chez l’humain et la pré­pa­ra­tion de l’essai cli­nique en col­la­bo­ra­tion avec l’Institut Gus­tave Rous­sy, qui s’est mon­tré très inté­res­sé par notre pro­jet. Nous dis­cu­tons aus­si en paral­lèle avec les auto­ri­tés de san­té afin de pré­pa­rer au mieux notre essai clinique.

Lorsque Jean-Fran­çois le Bigot et le Pr Fré­dé­ric Tan­gy m’ont pro­po­sé de diri­ger Onco­vi­ta pour déve­lop­per le virus MVdel­taC, j’ai accep­té sans hési­ter. Contri­buer à un pro­duit poten­tiel­le­ment capable de gué­rir le can­cer était une oppor­tu­ni­té ines­ti­mable. La soli­di­té scien­ti­fique du pro­jet, ses résul­tats pro­met­teurs et la valeur prou­vée de la pla­te­forme Mea­so­vir® m’ont convain­cu. La tech­no­lo­gie a déjà per­mis le déve­lop­pe­ment de vac­cins acquis par Merck, ce qui a été déci­sif pour moi.

Les ARN viraux défectifs interférents (DI-ARN) représentent une autre de vos innovations. Pouvez-vous nous détailler cette technologie ?

Oui abso­lu­ment, les ARN viraux défec­tifs sont des séquences tron­quées d’ARN pro­duites par la répli­ca­tion virale. Le virus vac­ci­nal de la rou­geole modi­fié par Onco­vi­ta en pro­duit beau­coup. Leur rôle exact n’est pas tota­le­ment élu­ci­dé, mais ils déclenchent une réponse anti­vi­rale en acti­vant les récep­teurs RIG I et MDA 5, réac­ti­vant ain­si la mort des cel­lules tumo­rales infec­tées et ini­tiant une réponse immu­ni­taire par la pro­duc­tion d’interféron 1, signal d’alarme pour les cel­lules avoisinantes.

Ce méca­nisme d’action démon­tré pour notre virus onco­ly­tique MVdel­taC est sans doute un élé­ment par­ti­cu­liè­re­ment effi­cace pour boos­ter le sys­tème immu­ni­taire. Il est aus­si l’objet de recherches dans le labo­ra­toire com­mun que nous avons mon­té avec l’Institut Pas­teur en 2024 où l’une des pistes serait de sélec­tion­ner des séquences d’ARN défec­tifs spé­ci­fiques qui auraient un effet antitumoral.

En tant que spin-off de l’Institut Pasteur, comment cette relation influence-t-elle vos travaux de recherche et assure-t-elle l’excellence scientifique de vos développements ?

L’Institut Pas­teur excelle dans les domaines des virus et des vac­cins. Onco­vi­ta béné­fi­cie de cette exper­tise grâce à Fré­dé­ric Tan­gy, spé­cia­liste en géno­mique virale et vac­ci­no­lo­gie. Cette col­la­boration nous a per­mis d’obtenir une licence exclu­sive sur les bre­vets de cette tech­no­lo­gie. Nous avons aus­si des liens pri­vi­lé­giés avec l’Institut Gus­tave Rous­sy, essen­tiel pour notre pre­mier essai cli­nique en 2026. Onco­vi­ta a récem­ment obte­nu le label du PSCC (Paris Saclay Can­cer Clus­ter), confir­mant la soli­di­té de notre approche et notre mis­sion de pro­po­ser des solu­tions thé­ra­peu­tiques novatrices.

Concer­nant notre objec­tif d’administrer le virus MVdel­taC à des patients dès 2026, un cas ins­pi­rant est celui de la viro­logue croate, le Dr Bea­ta Halas­sy. En juillet 2024, un article dans Vac­cines* a rela­té qu’elle s’était injec­té le vac­cin rou­geole pour trai­ter son can­cer du sein, abou­tis­sant à une rémis­sion com­plète depuis plus de quatre ans. Bien que cet essai soit iso­lé et infor­mel, il nous motive à accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment de notre virus, illus­trant le poten­tiel thé­ra­peu­tique de la pla­te­forme rougeole.

Votre collaboration avec l’Institut Pasteur pour la création d’un laboratoire commun est une avancée majeure. 

Toute notre recherche se fait à l’Institut Pas­teur dans notre labo­ra­toire com­mun, pro­fi­tant de l’expertise des cher­cheurs pour divers pro­blèmes, dont les essais sur sou­ris et la pro­duc­tion de lots cli­niques. Nous nous concen­trons sur le déve­lop­pe­ment de MVdel­taC pour le can­cer du sein et le méso­thé­liome, tout en ayant d’autres pro­duits en déve­lop­pe­ment comme MV-HPV pour les can­cers cau­sés par le papil­lo­ma­vi­rus. Fré­dé­ric Tan­gy tra­vaille aus­si sur des vac­cins pro­phy­lac­tiques rou­geole-rubéole et rou­geole-rubéole-oreillons, avec des bre­vets dépo­sés en 2024, per­met­tant une pro­duc­tion sim­pli­fiée et moins coûteuse.

Quels projets de recherche et développement allez-vous prioriser et quelles sont vos principales cibles thérapeutiques ?

Chez Onco­vi­ta, notre mis­sion est claire : mettre rapi­de­ment sur le mar­ché des trai­te­ments sûrs et effi­caces capables de gué­rir des can­cers par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­ciles à trai­ter avec les approches clas­siques comme la chi­mio­thé­ra­pie, la radio­thé­ra­pie ou encore la chi­rur­gie. Nous res­tons éga­le­ment ouverts à des approches com­bi­nées, inté­grant notre thé­ra­pie avec ces trai­te­ments tra­di­tion­nels, afin d’optimiser les résul­tats pour les patients. Notre objec­tif prin­ci­pal est d’apporter une trans­for­ma­tion pro­fonde dans la prise en charge du cancer.

Aujourd’hui, la tota­li­té de nos res­sources est consa­crée au déve­lop­pe­ment de MVdel­taC, notam­ment pour :

  • pro­duire les lots GMP (Good Manu­fac­tu­ring Prac­tice) néces­saires aux essais cliniques ;
  • enga­ger des dis­cus­sions avec les auto­ri­tés de san­té pour pré­pa­rer l’autorisation des essais ;
  • orga­ni­ser et mettre en place le pre­mier essai cli­nique de phase 1.

Concer­nant nos pro­jets liés aux vac­cins, nous sommes en dis­cus­sion avec des entre­prises spé­cia­li­sées inté­res­sées par leur déve­lop­pe­ment, notam­ment pour une uti­li­sa­tion dans les pays en voie de déve­lop­pe­ment. Bien que nous ne fer­mions pas la porte à des pro­jets de vac­cins, nous pri­vi­lé­gions un modèle col­la­bo­ra­tif dès le début de ces ini­tia­tives. En éta­blis­sant des par­te­na­riats avec des acteurs capables de prendre en charge le déve­lop­pe­ment de ces pro­duits, nous pou­vons concen­trer nos efforts sur notre prio­ri­té abso­lue : lut­ter contre le cancer.

Avec votre expérience, quelles sont vos priorités pour Oncovita ?

J’ai eu la chance d’être témoin des pro­grès impres­sion­nants réa­li­sés dans le domaine de l’oncologie, notam­ment lors de mes pre­mières années chez Sano­fi, où j’ai mis en place des accords de licences pour des pro­duits qui n’avaient pas pu être déve­lop­pés en Europe. Mon expé­rience de plus de dix ans au sein d’une big phar­ma m’a per­mis d’acquérir une connais­sance appro­fon­die sur les fonc­tion­ne­ments des mul­ti­na­tio­nales. Cepen­dant, en 2015, j’ai décou­vert l’univers des bio­tech­no­lo­gies et les entre­pre­neurs pas­sion­nés qui en font partie.

Cela me per­met aujourd’hui de bien com­prendre ce qu’une socié­té peut faire et ce qu’elle ne peut pas faire ou ce qu’une autre socié­té pour­rait faire mieux qu’elle. Ce que j’envisage pour Onco­vi­ta ? Pré­pa­rer un pro­duit avec les preuves de son effi­ca­ci­té, de sa bonne tolé­rance et de ce qu’il peut appor­ter à des patients dans une impasse thérapeutique.

Pour cela, rien ne vaut un par­te­na­riat comme j’ai pu en tis­ser tout au long de ma car­rière, qui per­met­tra de pas­ser le relais à un spé­cia­liste du déve­lop­pe­ment cli­nique et phar­ma­ceu­tique. Une Big Phar­ma par exemple ! 

Pour en savoir plus


* Peric’-Balja, M. ; Kur­to­vic´, T. ; Ramic´, S. ; Silovs­ki, T.; Pedišic´, I. ; Milas, I.; Halas­sy, B. An Uncon­ven­tio­nal Case Stu­dy of Neoad­ju­vant Onco­ly­tic Viro­the­ra­py for Recur­rent Breast Can­cer. Vac­cines 2024, 12, 958.

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