Oncovita innove dans le traitement du cancer

Oncovita, fondée en 2016 comme spin-off de l’Institut Pasteur, se distingue par ses avancées remarquables dans le domaine des immunothérapies contre le cancer. Avec le soutien de partenariats stratégiques, Oncovita vise à transformer la prise en charge du cancer en combinant innovation scientifique et expertise clinique.
Interview de son directeur général, Stéphane Altaba.
Pourriez-vous présenter Oncovita, ses missions principales et les raisons pour lesquelles vous avez récemment rejoint cette aventure en tant que CEO ?
Oncovita, fondée en 2016 comme spin-off de l’Institut Pasteur, développe des immunothérapies contre le cancer basées sur le vaccin de la rougeole. La plateforme Measovir® du Pr Frédéric Tangy permet de reprogrammer le virus de la rougeole pour cibler et détruire les cellules cancéreuses. Le virus MVdeltaC, notre candidat-médicament, a réussi les essais précliniques et entrera en phase clinique l’année prochaine. Nous nous concentrons sur le mésothéliome, aussi appelé « cancer de l’amiante », et le cancer du sein triple négatif, forme agressive de cancer. Nos efforts actuels portent sur la production des lots cliniques de virus MVdeltaC nécessaires pour les premiers essais chez l’humain et la préparation de l’essai clinique en collaboration avec l’Institut Gustave Roussy, qui s’est montré très intéressé par notre projet. Nous discutons aussi en parallèle avec les autorités de santé afin de préparer au mieux notre essai clinique.
Lorsque Jean-François le Bigot et le Pr Frédéric Tangy m’ont proposé de diriger Oncovita pour développer le virus MVdeltaC, j’ai accepté sans hésiter. Contribuer à un produit potentiellement capable de guérir le cancer était une opportunité inestimable. La solidité scientifique du projet, ses résultats prometteurs et la valeur prouvée de la plateforme Measovir® m’ont convaincu. La technologie a déjà permis le développement de vaccins acquis par Merck, ce qui a été décisif pour moi.
Les ARN viraux défectifs interférents (DI-ARN) représentent une autre de vos innovations. Pouvez-vous nous détailler cette technologie ?
Oui absolument, les ARN viraux défectifs sont des séquences tronquées d’ARN produites par la réplication virale. Le virus vaccinal de la rougeole modifié par Oncovita en produit beaucoup. Leur rôle exact n’est pas totalement élucidé, mais ils déclenchent une réponse antivirale en activant les récepteurs RIG I et MDA 5, réactivant ainsi la mort des cellules tumorales infectées et initiant une réponse immunitaire par la production d’interféron 1, signal d’alarme pour les cellules avoisinantes.
Ce mécanisme d’action démontré pour notre virus oncolytique MVdeltaC est sans doute un élément particulièrement efficace pour booster le système immunitaire. Il est aussi l’objet de recherches dans le laboratoire commun que nous avons monté avec l’Institut Pasteur en 2024 où l’une des pistes serait de sélectionner des séquences d’ARN défectifs spécifiques qui auraient un effet antitumoral.
En tant que spin-off de l’Institut Pasteur, comment cette relation influence-t-elle vos travaux de recherche et assure-t-elle l’excellence scientifique de vos développements ?
L’Institut Pasteur excelle dans les domaines des virus et des vaccins. Oncovita bénéficie de cette expertise grâce à Frédéric Tangy, spécialiste en génomique virale et vaccinologie. Cette collaboration nous a permis d’obtenir une licence exclusive sur les brevets de cette technologie. Nous avons aussi des liens privilégiés avec l’Institut Gustave Roussy, essentiel pour notre premier essai clinique en 2026. Oncovita a récemment obtenu le label du PSCC (Paris Saclay Cancer Cluster), confirmant la solidité de notre approche et notre mission de proposer des solutions thérapeutiques novatrices.
Concernant notre objectif d’administrer le virus MVdeltaC à des patients dès 2026, un cas inspirant est celui de la virologue croate, le Dr Beata Halassy. En juillet 2024, un article dans Vaccines* a relaté qu’elle s’était injecté le vaccin rougeole pour traiter son cancer du sein, aboutissant à une rémission complète depuis plus de quatre ans. Bien que cet essai soit isolé et informel, il nous motive à accélérer le développement de notre virus, illustrant le potentiel thérapeutique de la plateforme rougeole.
Votre collaboration avec l’Institut Pasteur pour la création d’un laboratoire commun est une avancée majeure.
Toute notre recherche se fait à l’Institut Pasteur dans notre laboratoire commun, profitant de l’expertise des chercheurs pour divers problèmes, dont les essais sur souris et la production de lots cliniques. Nous nous concentrons sur le développement de MVdeltaC pour le cancer du sein et le mésothéliome, tout en ayant d’autres produits en développement comme MV-HPV pour les cancers causés par le papillomavirus. Frédéric Tangy travaille aussi sur des vaccins prophylactiques rougeole-rubéole et rougeole-rubéole-oreillons, avec des brevets déposés en 2024, permettant une production simplifiée et moins coûteuse.
Quels projets de recherche et développement allez-vous prioriser et quelles sont vos principales cibles thérapeutiques ?
Chez Oncovita, notre mission est claire : mettre rapidement sur le marché des traitements sûrs et efficaces capables de guérir des cancers particulièrement difficiles à traiter avec les approches classiques comme la chimiothérapie, la radiothérapie ou encore la chirurgie. Nous restons également ouverts à des approches combinées, intégrant notre thérapie avec ces traitements traditionnels, afin d’optimiser les résultats pour les patients. Notre objectif principal est d’apporter une transformation profonde dans la prise en charge du cancer.
Aujourd’hui, la totalité de nos ressources est consacrée au développement de MVdeltaC, notamment pour :
- produire les lots GMP (Good Manufacturing Practice) nécessaires aux essais cliniques ;
- engager des discussions avec les autorités de santé pour préparer l’autorisation des essais ;
- organiser et mettre en place le premier essai clinique de phase 1.
Concernant nos projets liés aux vaccins, nous sommes en discussion avec des entreprises spécialisées intéressées par leur développement, notamment pour une utilisation dans les pays en voie de développement. Bien que nous ne fermions pas la porte à des projets de vaccins, nous privilégions un modèle collaboratif dès le début de ces initiatives. En établissant des partenariats avec des acteurs capables de prendre en charge le développement de ces produits, nous pouvons concentrer nos efforts sur notre priorité absolue : lutter contre le cancer.
Avec votre expérience, quelles sont vos priorités pour Oncovita ?
J’ai eu la chance d’être témoin des progrès impressionnants réalisés dans le domaine de l’oncologie, notamment lors de mes premières années chez Sanofi, où j’ai mis en place des accords de licences pour des produits qui n’avaient pas pu être développés en Europe. Mon expérience de plus de dix ans au sein d’une big pharma m’a permis d’acquérir une connaissance approfondie sur les fonctionnements des multinationales. Cependant, en 2015, j’ai découvert l’univers des biotechnologies et les entrepreneurs passionnés qui en font partie.
Cela me permet aujourd’hui de bien comprendre ce qu’une société peut faire et ce qu’elle ne peut pas faire ou ce qu’une autre société pourrait faire mieux qu’elle. Ce que j’envisage pour Oncovita ? Préparer un produit avec les preuves de son efficacité, de sa bonne tolérance et de ce qu’il peut apporter à des patients dans une impasse thérapeutique.
Pour cela, rien ne vaut un partenariat comme j’ai pu en tisser tout au long de ma carrière, qui permettra de passer le relais à un spécialiste du développement clinique et pharmaceutique. Une Big Pharma par exemple !
* Peric’-Balja, M. ; Kurtovic´, T. ; Ramic´, S. ; Silovski, T.; Pedišic´, I. ; Milas, I.; Halassy, B. An Unconventional Case Study of Neoadjuvant Oncolytic Virotherapy for Recurrent Breast Cancer. Vaccines 2024, 12, 958.