Enretien

NQT, le réseau des entreprises pour l’égalité des chances

Dossier : ExpressionsMagazine N°715 Mai 2016

Née d’une expé­ri­men­ta­tion en 2005, l’association NQT a per­mis à 30 000 jeunes diplô­més issus de milieux sociaux modestes de trou­ver emploi pérenne et qua­li­fié. La méthode est de les par­rai­ner, via des entre­prises mécènes et de leurs col­la­bo­ra­teurs, de leur redon­ner confiance en eux, dans une démarche glo­bale de trans­mis­sion des savoirs et de valo­ri­sa­tion des savoir-être et des savoir-faire.

En 2005, Yazid Chir et Ray­nald Rim­bault, alors pré­sident et délé­gué géné­ral du Medef 93 Ouest, hommes d’entreprises qui connaissent bien les spé­ci­fi­ci­tés du ter­ri­toire de la Seine-Saint-Denis, s’inquiètent de la situa­tion des jeunes diplô­més. Leur chô­mage est par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant, et sur­tout celui des jeunes diplô­més issus de quar­tiers prio­ri­taires ou de milieux sociaux modestes.

Ces jeunes diplô­més manquent de confiance et de métho­do­lo­gie, leurs connais­sances du mar­ché du tra­vail, du monde de l’entreprise et de ses codes sont insuf­fi­santes pour répondre aux exi­gences des employeurs, et le réseau pro­fes­sion­nel leur fait défaut.

C’est en réponse qu’est mise en place l’opération « Nos Quar­tiers ont des Talents », qui donne nais­sance à un accom­pa­gne­ment indi­vi­dua­li­sé des jeunes diplô­més vers l’emploi grâce au sou­tien d’un réseau d’entreprises enga­gées et de leurs collaborateurs.

Les jeunes accom­pa­gnés sont tous diplô­més d’un bac + 3 mini­mum, Île-de-France excep­tée où le mas­ter 1 est requis, au minimum.

PARRAINAGE COLLÉGIAL

LES CHIFFRES CLÉS

30 370 jeunes diplômés accompagnés depuis 2005
8 140 parrains marraines impliqués
800 partenaires-mécènes
69 % des jeunes diplômés trouvent un emploi en six mois en moyenne

LA TRAJECTOIRE

2005 : expérimentation en Seine-Saint- Denis auprès de 200 jeunes diplômés
2006 : création de l’association Nos Quartiers ont des Talents, aujourd’hui NQT
2008 : implantation complète en Île-de- France 2014 : reconnaissance d’intérêt général
2016 : implantation dans 13 régions (ancienne nomenclature) et 4 départements d’outre-mer

Dans le cadre du par­rai­nage col­lé­gial, l’entreprise pro­pose à ses col­la­bo­ra­teurs cadres ou assi­mi­lés d’accompagner béné­vo­le­ment un jeune diplô­mé. Le par­rai­nage NQT n’est pos­sible que si l’entreprise sou­tient l’association.

Les par­rains et mar­raines font béné­fi­cier de leur expé­rience les « filleuls » qu’ils accom­pagnent dans leur recherche, coachent et aident à la consti­tu­tion de leur réseau. NQT veille à faire cor­res­pondre le domaine de for­ma­tion des filleuls et le domaine d’expertise des par­rains ou des marraines.

ANIMATIONS RH

Ces actions per­mettent aux entre­prises mécènes de sen­si­bi­li­ser les jeunes diplô­més aux métiers et réa­li­tés des entre­prises et des sec­teurs d’activité, tout en ins­cri­vant leur action dans une démarche glo­bale de trans­mis­sion des savoirs et de valo­ri­sa­tion des savoir-être et des savoir-faire.

De dif­fé­rents for­mats, elles sont ani­mées par des col­la­bo­ra­teurs RH ou métiers : ate­liers coa­ching, décou­vertes des métiers ou d’un sec­teur d’activité, visites de sites ou de ser­vices, actions en faveur de la trans­fé­ra­bi­li­té de com­pé­tences, ou encore after­works.

UN REGARD DE CHERCHEURS

« Nous vous pro­po­sons de contri­buer au livre blanc que va édi­ter l’association NQT à l’occasion des dix ans de son expé­ri­men­ta­tion fon­da­trice, et qui sera pré­sen­té au pré­sident de la Répu­blique. » Telle était l’offre faite au Centre de recherche en ges­tion de l’X (CRG), et qui a ras­sem­blé quatre cher­cheurs de l’École et un de Neo­ma Busi­ness School.

“ Singulière, la relation de parrainage véhicule des attentes particulières ”

Dès les pre­miers contacts, NQT a frap­pé par l’énergie qu’elle véhi­cu­lait, un atout pré­cieux pour des jeunes diplô­més, sou­vent décou­ra­gés, qui arri­vaient dans le giron de l’association après de nom­breux échecs.

Ensuite, c’est l’originalité du dis­po­si­tif qui sur­prend, par l’articulation qu’il réa­lise entre deux mondes aus­si éloi­gnés que celui de l’entreprise, repré­sen­tée par des cadres diri­geants de haut niveau, et celui de jeunes diplô­més qui viennent soit de quar­tiers prio­ri­taires, soit de caté­go­ries sociales défavorisées.

Enfin, NQT se dis­tingue aus­si par sa réussite.

UNE RELATION SINGULIÈRE MAIS REPRODUCTIBLE

Sin­gu­lière, la rela­tion de par­rai­nage véhi­cule des attentes par­ti­cu­lières, l’un des enjeux étant de réus­sir à créer ce nœud entre les dif­fé­rentes par­ties pre­nantes. Pour le par­rain, il s’agit de déga­ger quelques heures pour ren­con­trer le jeune diplômé.

Moti­vés par l’envie d’aider la jeune géné­ra­tion, de refu­ser l’injustice et l’exclusion, ou encore de rendre le coup de pouce qu’ils ont reçu, les par­rains revi­sitent un CV, aident à pré­pa­rer un entre­tien, ouvrent un réseau, tra­vaillent sur la confiance en soi du jeune diplômé.

Pour le jeune diplô­mé, le simple accès à l’entreprise et à un cadre de haut niveau est déjà un pre­mier pas vers cette confiance.


Le tra­vail de NQT est de créer la « bonne » ren­contre entre par­rain et jeune. © ANDREY POPOV / FOTOLIA.COM

DES ENTREPRISES ENGAGÉES POUR L’ÉGALITÉ DES CHANCES

Les entreprises sont au cœur de l’association. Outre les grands groupes, des ETI, PME et TPE sont toujours plus nombreuses à rejoindre les rangs des partenaires-mécènes de NQT.
De même, la mobilisation des collaborateurs est un enjeu décisif. Il est essentiel que le nombre de parrains et marraines croisse dans une proportion similaire à celui des jeunes diplômés. En 2015, plus de 220 entreprises adhérentes sont des PME, près de 120 sont des ETI et plus de 20 sont des grands groupes, dont 13 ont plus de 20 000 salariés.
En 2015, NQT s’est lancé un grand défi : accompagner 100 000 jeunes d’ici à 2025.

CRÉER LA BONNE RENCONTRE

Il se peut que, d’un côté comme de l’autre, cela ne fonc­tionne pas. Le tra­vail de NQT est alors de réai­guiller, de réajus­ter, de créer la « bonne » ren­contre entre par­rain et jeune. De rela­ti­vi­ser aus­si cer­taines attentes : ain­si, les jeunes ne doivent pas voir dans la rela­tion de par­rai­nage l’occasion de trou­ver un emploi dans l’entreprise du parrain.

On le voit, le res­pect de la sin­gu­la­ri­té et de la rela­tion per­son­nelle est une pré­oc­cu­pa­tion constante de NQT. Mais com­ment faire pour conci­lier cette exi­gence avec le fonc­tion­ne­ment à grande échelle de l’association ?

Côté par­rains, c’est un sui­vi détaillé du par­cours du par­rain qui est réa­li­sé, grâce à des ren­contres et appels régu­liers. Mais c’est aus­si grâce au lien avec les entre­prises que se fait ce tra­vail à plus grande échelle.

Des « bilans de par­rai­nage » sont régu­liè­re­ment orga­ni­sés dans les entre­prises. De manière plus quo­ti­dienne, les per­sonnes réfé­rentes dans les entre­prises sont un relais pour trou­ver de nou­veaux par­rains et sou­te­nir les par­rains existants.

Côté jeunes, l’un des défis est celui du sour­cing des jeunes, qui ren­voie à la néces­si­té de mieux faire connaître le dis­po­si­tif. Com­ment faire savoir et dif­fu­ser au plus grand nombre le ser­vice offert tout en essayant de nouer un contact direct et per­son­na­li­sé avec le jeune diplômé ?

La prise en charge indi­vi­dua­li­sée repose ensuite lar­ge­ment sur le par­rain et sur des contacts régu­liers avec NQT, ain­si que sur la par­ti­ci­pa­tion à des acti­vi­tés pro­po­sées par l’association.

UN ESPACE DES POSSIBLES

Au-delà du prin­cipe simple et effi­cace du par­rai­nage, l’association en est venue à déve­lop­per avec ses par­te­naires-mécènes un ensemble d’autres « outils » et dis­po­si­tifs. Il y a par exemple les ses­sions d’accompagnement col­lec­tif, où se ren­contrent un groupe de jeunes et un groupe de sala­riés de la même entre­prise (sou­vent une équipe), pour un ate­lier sur les CV, une pré­sen­ta­tion de l’entreprise.

Il y a aus­si, avec les par­te­naires publics comme les col­lec­ti­vi­tés ou les uni­ver­si­tés, l’organisation de ren­contres ras­sem­blant les jeunes d’un ter­ri­toire don­né, pour dyna­mi­ser les actions d’insertion locale vers l’emploi.

Du seul dis­po­si­tif du par­rai­nage, qui tire en par­tie son évi­dence de sa sim­pli­ci­té, on est pas­sé à un ensemble de dis­po­si­tifs ras­sem­blés dans le cadre d’un partenariat.

Session d'accompagnement collectif
Lors des ses­sions d’accompagnement col­lec­tif se ren­contrent un groupe de jeunes et un groupe de sala­riés de la même entre­prise pour un ate­lier sur les CV, une pré­sen­ta­tion de l’entreprise.
© MONKEY BUSINESS IMAGES / SHUTTERSTOCK

RÉFLÉCHIR À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE

La démultiplication de l’action implique aussi une réflexion à l’échelle du territoire. En effet, chaque territoire a ses spécificités et la capacité d’adaptation de NQT passe par la prise en compte de ces différences.
Sur tel territoire, il y a plus de parrains que de jeunes, alors que l’inverse sera vrai sur tel autre. Ici on traitera avec Pôle emploi, là avec une association locale.
Toutes ces spécificités impliquent un ajustement permanent et un réagencement du dispositif, grâce à une connaissance documentée des problématiques locales de l’emploi propres à chaque territoire.

UN LABORATOIRE PERMANENT

Qu’est-ce qui carac­té­rise ces par­te­na­riats ? Ils per­mettent un fonc­tion­ne­ment à deux niveaux, puisqu’ils favo­risent la par­ti­ci­pa­tion des indi­vi­dus tout en garan­tis­sant une place à l’institution.

C’est une des clés de l’image de labo­ra­toire per­ma­nent ren­voyée par NQT : en fonc­tion­nant comme un meuble à mul­tiples tiroirs, lais­sant chaque acteur, pri­vé ou public, indi­vi­duel ou ins­ti­tu­tion­nel, trou­ver une place dans l’action asso­cia­tive, elle favo­rise les ren­contres, les inter­ac­tions, les sur­prises, les idées.

Les par­te­na­riats offrent un espace rela­tion­nel sta­bi­li­sé à l’intérieur duquel une diver­si­té d’actions est possible.

TRANSMETTRE DES ÉNERGIES

Toutes les actions évo­quées pré­cé­dem­ment ne seraient pas aus­si effi­caces sans la for­mi­dable éner­gie qui cir­cule dans le réseau NQT. Tel un cou­rant élec­trique, celle-ci vient ali­men­ter, nour­rir et démul­ti­plier les ini­tia­tives et les actions engagées.

“ Tel un courant électrique, l’énergie alimente, nourrit et démultiplie les actions engagées ”

Cette éner­gie, qui sus­cite l’engagement des acteurs, passe géné­ra­le­ment par des ren­contres par­ti­cu­lières – entre tel diri­geant d’entreprise sou­cieux et l’un des membres de l’association, entre tel par­rain et tel jeune sur un ensemble d’actions à mener conjoin­te­ment –, mais aus­si (et sur­tout) par des évé­ne­ments col­lec­tifs créés par NQT.

CRÉER DES LIENS

Les lan­ce­ments et autres bilans de par­rai­nage, les évé­ne­ments fes­tifs orga­ni­sés par l’association, les séances d’information orga­ni­sées chez les par­te­naires publics en direc­tion des jeunes diplô­més, les réunions d’intégration à des­ti­na­tion des jeunes nou­vel­le­ment entrés dans le dis­po­si­tif, les remises de tro­phées NQT consti­tuent autant d’événements fédé­ra­teurs et mobi­li­sa­teurs qui per­mettent de créer des liens, de sen­si­bi­li­ser les acteurs, de sus­ci­ter des voca­tions (de par­rains ou mar­raines), de déve­lop­per le sen­ti­ment d’appartenance à la com­mu­nau­té NQT et de don­ner du sens à l’action collective.

Ces évé­ne­ments per­mettent aus­si de faire naître chez les par­ti­ci­pants un cer­tain nombre d’émotions et de sen­ti­ments posi­tifs qui sont des leviers puis­sants sur le plan de l’engagement et de la motivation.

Cette force, cette éner­gie impal­pable et dif­fi­cile à objec­ti­ver consti­tue un actif imma­té­riel, une sorte de « capi­tal social » qui est l’une des sources de la per­for­mance de NQT.

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Tru Dô-Khacrépondre
12 mai 2016 à 9 h 37 min

Trem­plin
Bra­vo à NQT et bonne continuation !

Avant le diplôme, pour aider ces jeunes issus de milieux sociaux modestes, on peut contri­buer aux acti­vi­tés de l’as­so­cia­tion Trem­plin, créée en 2000 par des camarades.

Sur La Jaune et La rouge, avril 2012 : Trem­plin diver­si­fie ses actions, par Arnaud PASSALACQUA (98)
http://www.lajauneetlarouge.com/article/tremplin-diversifie-ses-actions#.VzRMDeQk560

Bien cor­dia­le­ment
Tru Do-Khac (79)

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