Nouveaux modes de paiement : quatre prévisions pour 2012

Dossier : Économie numérique : Les succèsMagazine N°675 Mai 2012
Par Alexandre HOFFMANN

REPÈRES

REPÈRES
Jour après jour, nous sommes témoins de nou­veaux com­por­te­ments des consom­ma­teurs et décou­vrons de nou­velles inno­va­tions tech­no­lo­giques pour y répondre, mais il est sou­vent dif­fi­cile de dis­tin­guer les effets de mode des réelles inno­va­tions. Cette ten­dance géné­rale s’affirme en par­ti­cu­lier dans l’industrie des paie­ments : les ini­tia­tives se mul­ti­plient, venant d’horizons les plus divers. Si beau­coup d’idées paraissent sédui­santes à pre­mière vue, peu pos­sèdent la com­bi­nai­son gagnante pour sus­ci­ter rapi­de­ment l’adoption d’une masse cri­tique d’acheteurs et de vendeurs.

Ache­ter et payer avec son appa­reil mobile est deve­nu simple et sécurisé

Dif­fi­cile de se faire une idée pré­cise de ce qui façon­ne­ra l’avenir du paie­ment, et avec lui de notre quo­ti­dien. Il est tou­te­fois pos­sible d’en pré­ci­ser les contours, en étu­diant en pro­fon­deur les « grappes d’innovation », ces points d’intersection entre nou­velles tech­no­lo­gies et sim­pli­ci­té d’utilisation. Ces signes tan­gibles qui montrent que l’innovation du paie­ment est prête à occu­per le devant de la scène.

L’ascension fulgurante des paiements mobiles

L’industrie du mobile est en train de pas­ser un nou­veau cap, avec l’adoption mas­sive des télé­phones intel­li­gents, appe­lés à deve­nir en quelques années le péri­phé­rique connec­té domi­nant pour plus de deux mil­liards de per­sonnes dans le monde.

2011, année clé
2011 a mar­qué le démar­rage du com­merce et paie­ment sur mobile à une échelle indus­trielle : plus de 17 mil­lions d’utilisateurs ont payé sur leur mobile avec Pay­Pal en 2011 (géné­rant un volume de 4 mil­liards de dol­lars). Rien qu’en France, c’est plus de 3500 com­mer­çants qui ont ven­du sur le mobile grâce à Pay­Pal l’an der­nier. Pour des e‑commerçants comme eBay ou ShowroomPrivé.com, le « m‑commerce » repré­sente désor­mais près de 10% des ventes. Cette ten­dance va encore s’accélérer en 2012 : Pay­Pal pré­voit de pra­ti­que­ment dou­bler son volume de paie­ment sur mobile, visant 7 mil­liards de dollars.

Le véri­table pou­voir des appa­reils mobiles connec­tés réside dans la manière dont ils changent radi­ca­le­ment le com­por­te­ment d’achat des consom­ma­teurs, qui désor­mais sai­sissent la vente flash de leur marque pré­fé­rée dans le métro mati­nal, achètent leur ticket de ciné­ma au café, ou paient leur repas avant même de péné­trer dans leur fast food favo­ri. Grâce à son ergo­no­mie revue et flui­di­fiée, le paie­ment mobile contri­bue au cercle ver­tueux de l’innovation : ache­ter et payer avec son appa­reil mobile est deve­nu simple et sécu­ri­sé, aug­men­tant le taux de conver­sion pour le marchand.

Plus fon­da­men­ta­le­ment, le m‑commerce se révèle être un puis­sant cata­ly­seur pour fami­lia­ri­ser à brève échéance des mil­lions de consom­ma­teurs avec l’utilisation de leur mobile pour payer à dis­tance – vec­teur de l’indispensable confiance pour ensuite sus­ci­ter l’utilisation de ce même por­table pour ache­ter et payer dans le monde physique.

Un « portefeuille dans le nuage »

Nou­veaux « terminaux »
Nous assis­tons à un véri­table foi­son­ne­ment de nou­veaux appa­reils connec­tés : l’iPad d’Apple, le réfri­gé­ra­teur Wifi de Sam­sung, les voi­tures connec­tées conçues par Audi ou Cadillac sont des exemples bien réels. Et nous obser­vons éga­le­ment des pro­jets nova­teurs qui repensent entiè­re­ment la chaîne de valeur, comme ces machines à laver pro­po­sées gra­tui­te­ment et qui « fac­turent » le consom­ma­teur à chaque les­sive (à l’instar des fabri­cants de pho­to­co­pieurs qui se rému­nèrent sur le toner).

L’arrivée de nou­veaux appa­reils connec­tés va mul­ti­plier les oppor­tu­ni­tés de moné­ti­sa­tion et sus­ci­ter le besoin d’un « por­te­feuille dans le nuage ». La mul­ti­pli­ci­té de ter­mi­naux intel­li­gents et connec­tés favo­rise la créa­tion de nou­veaux modèles éco­no­miques, dès lors que presque tout ce qui pos­sède une adresse IP et un bou­ton marche-arrêt pour­ra inté­grer un module de paie­ment. Pour le consom­ma­teur, la ges­tion de cette mul­ti­pli­ci­té de points d’accès et de paie­ment engen­dre­ra inévi­ta­ble­ment une forte demande de solu­tions de paie­ment uni­fiées, avec un « por­te­feuille uni­ver­sel » don­nant accès à une expé­rience de paie­ment cohé­rente, simple et sécu­ri­sée dans l’ensemble de sa vie numé­rique. En 2012, les paie­ments se déplacent vers le « nuage ».

L’avènement du t‑commerce

Il n’y a qu’un pas de « per­mettre l’accès à Inter­net » à « per­mettre le paie­ment sur Inter­net ». Un pas déjà fran­chi par plu­sieurs fabri­cants de télé­vi­seurs, lan­çant du même coup l’ère du t‑commerce (com­merce élec­tro­nique depuis sa télé­vi­sion). Si l’on en parle depuis long­temps, les pièces et les acteurs du t‑commerce se met­tront en place en 2012. Dans ce contexte, eBay a récem­ment mis à jour son appli­ca­tion mobile pour iPad en don­nant la pos­si­bi­li­té de « voir avec eBay » : regar­der son équipe de foot pré­fé­rée jouer un match et ache­ter en même temps son écharpe de sup­por­ter, sans bou­ger de son cana­pé. Depuis peu, la console XboX de Micro­soft per­met éga­le­ment l’achat de biens vir­tuels tels que talis­mans magiques pour­fen­deurs de dra­gons, ou semences pour sa ferme, sans devoir quit­ter son jeu vidéo. Au mois de mai 2013, il sera pos­sible d’acheter depuis sa télé­vi­sion aus­si faci­le­ment que de chan­ger de chaîne.

Réinventer la distribution

La fron­tière entre com­merce tra­di­tion­nel et com­merce online va dis­pa­raître, for­çant la dis­tri­bu­tion à se réin­ven­ter. Les nou­velles tech­no­lo­gies mobiles, cou­plées à l’explosion des réseaux sociaux, bou­le­versent à nou­veau le para­digme de la distribution.

Com­pa­rer les prix
Depuis décembre der­nier, la « bataille du com­merce » est deve­nue une réa­li­té pour de nom­breux petits com­mer­çants face à Ama­zon et son appli­ca­tion « Ama­zon Price Check ». Le géant de l’e‑commerce n’a‑t-il pas offert à ses clients un cré­dit de 5 dol­lars s’ils uti­li­saient son appli­ca­tion pour scan­ner le prix d’un article dans un point de vente ?

Celles-ci font conver­ger les canaux jadis cloi­son­nés vers des com­por­te­ments consom­ma­teurs « mul­ti­ca­naux » : don­nant la pos­si­bi­li­té pour les consom­ma­teurs d’accéder à dis­tance au stock d’un maga­sin, de géo­lo­ca­li­ser sur iPhone les points de vente et de détec­ter les bonnes affaires, de scan­ner un pro­duit dans un maga­sin puis de l’acheter en ligne, ou encore de se prendre en pho­to dans la cabine d’essayage pour deman­der l’avis de ses amies sur Face­book. Le « social com­merce » est un bon indi­ca­teur de cette ten­dance, et plu­sieurs ini­tia­tives ont été lan­cées l’année der­nière, telle la bou­tique La Redoute sur Facebook.

Les nou­velles tech­no­lo­gies bou­le­versent à nou­veau le para­digme de la distribution

Et tout cela n’est qu’un début : les mar­chands vont devoir s’adapter vite. Est-il encore ima­gi­nable en 2012 de mettre des brouilleurs de GSM dans les maga­sins pour y empê­cher l’utilisation d’un télé­phone et com­pa­rer les prix en ligne ? Trou­ve­ra-t-on encore des ache­teurs poten­tiels pour se pré­sen­ter en maga­sin et ache­ter un télé­vi­seur à écran plas­ma sans avoir, au préa­lable ou en temps réel, com­pa­ré des offres sur leur iPad ou télé­phone ? Les marques et les dis­tri­bu­teurs qui par­le­ront direc­te­ment à leurs clients ou leurs fans, les sou­tien­dront dans leur démarche de quête d’informations et de dia­logue, gagne­ront. Ceux qui gar­de­ront la tête dans le sable, sans cher­cher à connaître leurs clients ni com­mu­ni­quer régu­liè­re­ment avec eux, ver­ront leurs marges recu­ler dans cette éco­no­mie connectée.

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