« Nous révolutionnons les approches thérapeutiques des maladies neurodégénératives »

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°804 Avril 2025
Par Raphaël CERTAIN

Raphaël Cer­tain, neu­ros­cien­ti­fique et entre­pre­neur, est le fon­da­teur de Cla­ri­ty, une socié­té fran­co-amé­ri­caine qui déve­loppe des solu­tions non phar­ma­co­lo­giques pour des mala­dies comme Alz­hei­mer. Depuis sa créa­tion en 2022, Cla­ri­ty se dis­tingue par son approche inno­vante alliant neu­ros­ciences et réa­li­té vir­tuelle. Dans cet entre­tien, Raphaël Cer­tain revient sur son par­cours, les ambi­tions de sa socié­té et les pers­pec­tives d’avenir dans le domaine des thé­ra­pies non médicamenteuses.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit à fonder Clarity ?

Mon par­cours reflète un pro­fond inté­rêt pour la com­pré­hen­sion du cer­veau et un désir de trans­for­mer la science en solu­tions inno­vantes. Pen­dant mon mas­ter en neu­ros­ciences, j’ai eu l’opportunité de tra­vailler sur des approches inno­vantes pour trai­ter les mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives. C’est lors de ces recherches que j’ai obser­vé à quel point des thé­ra­pies basées sur des sti­mu­la­tions lumi­neuses et sonores pour­raient offrir une alter­na­tive pro­met­teuse aux médi­ca­ments clas­siques. Cette vision s’est concré­ti­sée par la créa­tion de Cla­ri­ty en 2022, suite à un pro­gramme conjoint entre l’École poly­tech­nique, HEC Paris et l’Université de Cali­for­nie à Berkeley.

Comment est organisée votre société aujourd’hui ?

Notre équipe inter­na­tio­nale regroupe une dizaine d’experts issus de dis­ci­plines com­plé­men­taires. Ce qui nous dis­tingue, c’est notre réseau de par­te­naires excep­tion­nels, comme l’Institut Pas­teur, l’Université d’Oxford ou l’Université de Cali­for­nie à San Fran­cis­co (UCSF), qui contri­buent au déve­lop­pe­ment de notre tech­no­lo­gie et à sa vali­da­tion cli­nique. Ins­tal­lés à Paris, au cœur de Sta­tion F, nous com­bi­nons la rigueur scien­ti­fique fran­çaise avec l’énergie entre­pre­neu­riale amé­ri­caine, grâce à notre base aux États-Unis. Cette dua­li­té nous donne l’agilité néces­saire pour avan­cer rapi­de­ment tout en res­tant connec­tés aux réa­li­tés cli­niques et régle­men­taires des deux continents.

Quelles sont les méthodes développées par Clarity ?

Nous avons conçu des méthodes de sti­mu­la­tion céré­brale basées sur l’utilisation de lumière et de sons à des fré­quences pré­cises, en par­ti­cu­lier les oscil­la­tions gam­ma à 40 Hz, qui jouent un rôle clé dans des fonc­tions cog­ni­tives telles que la mémoire. Des tra­vaux pion­niers récem­ment menés au MIT ont mon­tré que ces fré­quences dys­fonc­tion­nelles dans la mala­die d’Alzheimer pou­vaient non seule­ment être réta­blies au tra­vers de sti­mu­la­tion sous forme de flashs de lumières et de sons syn­chro­ni­sés, mais que cela avait un impact sur la pro­gres­sion de la maladie.

Chez Cla­ri­ty, nous avons choi­si d’aller plus loin en inté­grant ces sti­mu­la­tions dans des envi­ron­ne­ments immer­sifs de réa­li­té vir­tuelle. Cette inno­va­tion per­met de créer des expé­riences thé­ra­peu­tiques enga­geantes et adap­tées à chaque patient. En plon­geant l’utilisateur dans un uni­vers visuel et audi­tif spé­cia­le­ment conçu, nous maxi­mi­sons l’efficacité des sti­mu­la­tions. Cela va au-delà des approches clas­siques, en exploi­tant les der­nières avan­cées tech­no­lo­giques pour cibler des régions céré­brales spé­ci­fiques, réduire l’inflammation et main­te­nir les fonc­tions cognitives.

Pouvez-vous expliquer simplement l’effet de ces stimulations sur le cerveau ?

Ima­gi­nez un orchestre où les neu­rones jouent en har­mo­nie tels des musi­ciens. Dans le cer­veau d’un patient atteint d’Alzheimer, cet orchestre est désyn­chro­ni­sé. Nos sti­mu­la­tions, comme un chef d’orchestre, réta­blissent cette syn­chro­ni­sa­tion. Ce pro­ces­sus réac­tive les méca­nismes natu­rels de pro­tec­tion du cer­veau, aidant à éli­mi­ner les pro­téines toxiques, réduire la mort des neu­rones et à pré­ser­ver les fonc­tions cog­ni­tives. Des études récentes publiées sur des patients indiquent un poten­tiel de ralen­tis­se­ment de 77 % de la pro­gres­sion de la mala­die d’Alzheimer après 6 mois de trai­te­ment quotidien.

Où en êtes-vous dans le développement clinique de vos solutions ?

Nous venons de fran­chir une étape majeure en finis­sant la pre­mière phase d’études cli­niques démon­trant que notre tech­no­lo­gie est sans dan­ger et bien tolé­rée par des volon­taires âgés sains. En février, nous démar­rons une nou­velle étude sur des patients atteints d’Alzheimer. Cette étape est cru­ciale pour démon­trer l’efficacité thé­ra­peu­tique à long terme. Notre objec­tif est d’introduire d’ici trois ans notre pre­mier pro­duit sur le mar­ché amé­ri­cain, en ciblant l’amélioration des symp­tômes. Par la suite, nous vise­rons une recon­nais­sance comme trai­te­ment modi­fiant la pro­gres­sion de la mala­die et cher­che­rons à nous étendre en Europe.

Ces méthodes s’adressent-elles uniquement à Alzheimer ?

Alz­hei­mer est notre point de départ en rai­son de l’absence d’alternatives thé­ra­peu­tiques effi­caces et sans effets secon­daires. Mais les méca­nismes sous-jacents de nos sti­mu­la­tions, notam­ment leur capa­ci­té à resyn­chro­ni­ser l’activité céré­brale et à réduire l’inflammation, ouvrent la voie à d’autres appli­ca­tions. Nous explo­rons des patho­lo­gies comme la sclé­rose en plaques, les troubles neu­ro­lo­giques post-AVC, et d’autres mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives. Notre objec­tif est de déve­lop­per une pla­te­forme thé­ra­peu­tique uni­ver­selle et adap­table pour répondre à un large éven­tail de mala­dies neurologiques.

Quels résultats avez-vous obtenus jusqu’à présent ?

Nous avons démon­tré lors d’une pre­mière étude cli­nique que notre approche est non seule­ment sans dan­ger, mais aus­si bien tolé­rée par des volon­taires âgés sains. Cette étude était la pre­mière au monde à démon­trer la fai­sa­bi­li­té d’induire un chan­ge­ment d’activité céré­brale dans des fré­quences gam­ma grâce à de la sti­mu­la­tion sen­so­rielle déli­vrée en réa­li­té vir­tuelle. Ces résul­tats viennent de faire l’objet d’une publi­ca­tion scien­ti­fique. Cla­ri­ty est doré­na­vant en pré­pa­ra­tion d’études cli­niques d’efficacité pour démon­trer le béné­fice thé­ra­peu­tique à long terme de sa technologie.

Quels sont les défis liés à l’intégration de vos solutions dans les pratiques médicales ?

Le prin­ci­pal défi est d’assurer que ces solu­tions soient à la fois acces­sibles et com­pré­hen­sibles pour tous les acteurs du par­cours de soins. Notre dis­po­si­tif génère une quan­ti­té impor­tante de don­nées sur l’activité céré­brale et l’évolution de la mala­die, mais il est cru­cial de les tra­duire en infor­ma­tions simples et exploi­tables pour les méde­cins et les patients. Nous devons éga­le­ment sur­mon­ter les bar­rières liées à l’adoption des nou­velles tech­no­lo­gies en san­té, en créant des inter­faces intui­tives et en démon­trant leur valeur ajou­tée dans le cadre des pra­tiques médi­cales actuelles. Enfin, nous tra­vaillons à éta­blir des col­la­bo­ra­tions avec des acteurs du diag­nos­tic pré­coce pour per­mettre une inter­ven­tion avant l’apparition des symp­tômes visibles, ce qui pour­rait aug­men­ter l’efficacité de nos solutions.

Comment votre solution se positionne-t-elle par rapport aux traitements pharmacologiques ?

Les trai­te­ments phar­ma­co­lo­giques actuels offrent une amé­lio­ra­tion modeste, ralen­tis­sant la pro­gres­sion d’Alzheimer de 20 à 25 %, et s’accompagnent sou­vent d’effets secon­daires signi­fi­ca­tifs et de coûts éle­vés, pou­vant atteindre 82 000 dol­lars par patient et par an. Notre approche, en revanche, est non inva­sive, sans effets secon­daires, et vise à être plus abor­dable. Nous visons donc à être une solu­tion thé­ra­peu­tique indé­pen­dante, et à terme nous ins­crire dans une solu­tion de soin plus com­plète com­bi­nant nos thé­ra­pies avec des trai­te­ments médi­ca­men­teux effi­caces et des chan­ge­ments de mode de vie, pour offrir des résul­tats bien plus signi­fi­ca­tifs aux patients.

Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ?

Notre prio­ri­té est de fina­li­ser la deuxième phase d’essais cli­niques et déve­lop­per la pre­mière ver­sion com­mer­cia­li­sable du pro­duit. Paral­lè­le­ment, nous sou­hai­tons élar­gir nos col­la­bo­ra­tions avec des ins­ti­tu­tions aca­dé­miques et des acteurs de l’industrie phar­ma­ceu­tique pour accé­lé­rer l’application de notre tech­no­lo­gie à d’autres indi­ca­tions. Notre ambi­tion est de redé­fi­nir la manière dont nous abor­dons les mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives et pré­ve­nir leur déve­lop­pe­ment, avec des solu­tions à la fois inno­vantes, acces­sibles et cen­trées sur le patient.

Pensez-vous que Clarity invente une nouvelle forme de médecine ?

Abso­lu­ment. Cla­ri­ty est l’un des seuls acteurs au monde à déve­lop­per ces nou­velles thé­ra­pies. Notre pla­te­forme va au-delà du simple trai­te­ment en com­bi­nant une véri­table expé­rience thé­ra­peu­tique à un sui­vi per­son­na­li­sé à dis­tance pour créer un éco­sys­tème médi­cal com­plet. Cela marque une avan­cée impor­tante et démontre la com­plé­men­ta­ri­té des dis­po­si­tifs médi­caux, de la don­née de san­té et des trai­te­ments phar­ma­co­lo­giques dans l’apport d’une méde­cine de pré­ci­sion qui s’adapte aux besoins des patients. 

Nous croyons fer­me­ment que cette approche pour­ra non seule­ment trai­ter, mais aus­si à terme pré­ve­nir les mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives, per­met­tant ain­si à des cen­taines de mil­lions de per­sonnes de vivre en meilleure san­té, plus longtemps. 

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