Norbert Coulanges (72) à l'École polytechnique

Norbert COULANGE (72), un hymne à la vie

Dossier : TrajectoiresMagazine N°722 Février 2017Par : Christophe Brackman (72) et François Paillusseau (72)

Norbert Cou­lange est né le 19 juillet 1952 à Mar­seille où il a vécu sa jeu­nesse. De la pro­mo­tion 72, il a com­plé­té ses études à l’École des mines, puis est entré dans le groupe Total : Mina­tome en Aus­tra­lie dans une mine d’uranium (1978), Peñar­roya à Saint-Sal­vy comme ingé­nieur de fond dans la mine de zinc, argent et ger­ma­nium (1980) et le siège à Paris (1982).

Il rejoint ensuite BPB (Pla­co­plâtre) comme direc­teur du Plan et du Déve­lop­pe­ment (1986) et enfin la Finan­cière de Cour­celles en tant qu’associé (2000), où il réa­lise des mis­sions de fusion-acquisition. 

Une vie « nor­male » avec sa femme Éli­sa­beth et leurs trois filles jusqu’à l’été 2005 durant lequel Nor­bert com­mence à avoir du mal à tenir une bou­teille de la main droite. Exa­mens à la ren­trée et la sen­tence tombe début jan­vier 2006 : mala­die de Charcot. 

Nor­bert est condam­né par la méde­cine qui ne peut rien pour lui. Médiane de sur­vie : trois ans ! Pre­mière pen­sée de Nor­bert : « Je ne ver­rai pas gran­dir mes petits-enfants… » 

UNE ATTITUDE POSITIVE

Mal­gré le choc extrême de cette annonce, Nor­bert se cale rapi­de­ment dans une atti­tude posi­tive : pas de déni et « faire de toutes ses forces ce que l’on peut encore faire ». Avec un cou­rage incroyable, il accepte sa mala­die et déve­loppe tout ce qu’il peut pour « vivre avec ». 

La mala­die se déve­loppe rapidement 

2007 : tétra­plé­gie totale, plus de bras puis plus de jambes, et donc fau­teuil à jamais. Il doit arrê­ter défi­ni­ti­ve­ment sa vie professionnelle. 

UNE MALADIE NEUROLOGIQUE

La maladie de Charcot ou sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie neurologique qui atteint sélectivement les cellules nerveuses qui assurent notre motricité volontaire : d’une part, les neurones moteurs centraux, situés dans le cortex moteur, qui sont activés sur notre commande et transmettent cet ordre jusqu’à la moelle épinière ; et d’autre part, les neurones moteurs périphériques, ou motoneurones, situés dans la moelle épinière, qui transmettent la commande motrice jusqu’aux muscles, par l’intermédiaire des nerfs.

2008 : gas­tro­sto­mie, adieu aux bons petits plats, mais au revoir aux « fausses routes » dou­lou­reuses et dan­ge­reuses qui auront pour­tant duré plus de 6 mois… En paral­lèle, ses cordes vocales ne sont plus aptes, il perd la parole. 

2010 : tra­chéo­to­mie car le dia­phragme ne répond plus et il faut faire appel à un res­pi­ra­teur. Un corps trans­per­cé, mais vivant. 

Depuis 2008, Nor­bert ne peut plus bou­ger ni par­ler. Seuls ses yeux lui per­mettent de com­mu­ni­quer avec le monde extérieur. 

Para­ly­sé, confron­té à l’inacceptable qui recro­que­ville les malades sur eux-mêmes, Nor­bert se tourne réso­lu­ment vers les autres. Sa réfé­rence : le com­bat exem­plaire du père jésuite Pierre-Marie Hoog. 

En 1983, à 55 ans, celui-ci fut frap­pé par une para­ly­sie bru­tale qui dura dix mois. « L’enfer dans la mala­die, c’est l’absence des autres », confiait alors le reli­gieux qui, par la suite, réap­prit à vivre et marcher. 

INVENTER DE NOUVEAUX MOYENS DE COMMUNIQUER

Nor­bert se consacre au défi de la com­mu­ni­ca­tion avec les autres. Il met au point au début de sa mala­die un lan­gage codé pour dia­lo­guer avec sa famille, ses proches et ses soi­gnants, en orien­tant ses beaux yeux bleus vers un des six angles : en deux posi­tions, il exprime une lettre ou un chiffre. Il a bap­ti­sé ce lan­gage « le Norbert ». 

“ Faire de toutes ses forces ce que l’on peut encore faire ”

Un de ses amis décrit la scène ain­si : « Il disait les lettres dans l’espace avec ses yeux sur sa grille vir­tuelle… un moment excep­tion­nel. » Il a aus­si créé une ver­sion « bridge » pour com­mu­ni­quer avec son par­te­naire – annonces, choix de la carte à jouer – : très bon joueur, il a conti­nué à jouer plu­sieurs fois par semaine, ses cartes étant pla­cées non triées devant lui sur un chevalet. 

Et puis, grâce à la géné­ro­si­té d’une de ses cama­rades de pro­mo­tion et de l’AX, il acquiert un ordi­na­teur à com­mande ocu­laire : révo­lu­tion dans le cours de la mala­die, bon­heur infi­ni de retrou­ver une com­mu­ni­ca­tion par mail « comme avant ». Ce dis­po­si­tif a « chan­gé ma vie » confie Norbert. 

Grâce à ce sys­tème, Nor­bert peut pro­fi­ter tota­le­ment de l’affection de toute sa famille et de tous ses amis avec qui il com­mu­nique régu­liè­re­ment : « Les échanges de cour­rier par mail ren­forcent sa farouche volon­té de vivre », assure son épouse Élisabeth. 

UNE VIE TRÈS REMPLIE

Son emploi du temps reste ain­si très actif : lec­tures, bridge, mots croi­sés, dépla­ce­ments en vacances à Mar­seille, à Bar­ce­lon­nette et à Cabourg, ou encore à Tou­lon, en Corse, en pèle­ri­nage à Lourdes accom­pa­gné par un cor­tège de famille et d’amis. Ses filles vont se char­ger de le ras­su­rer rapi­de­ment sur son inquié­tude initiale. 

“ Les échanges de courrier par mail renforcent sa farouche volonté de vivre ”

Elles se marient suc­ces­si­ve­ment, Nor­bert condui­sant cha­cune d’entre elles à l’autel. Et pour chaque nais­sance d’un petit-enfant, il tient à leur rendre une visite post­na­tale à la clinique ! 

Rien n’est impos­sible pour Nor­bert qui puise dans sa foi et son cou­rage une volon­té de vivre hors du com­mun. Tout cela est ren­du pos­sible grâce au dévoue­ment et à l’énergie de son épouse Éli­sa­beth qui le sou­tient et l’accompagne dans toutes ses ini­tia­tives et sou­lève des mon­tagnes pour qu’il puisse accom­plir ses rêves. 

Non contents de conti­nuer à vivre inten­sé­ment la vie, de la plus belle manière pos­sible, Nor­bert et Éli­sa­beth ont la grande géné­ro­si­té d’aider ceux qui sont tou­chés par cette mala­die, et qui ont moins de chance avec leur éner­gie per­son­nelle et leur entou­rage. Ils créent l’opération « Com­mu­ni­quer à tout prix » avec l’organisation d’un concert pour recueillir des fonds en vue d’acheter des ordi­na­teurs à com­mande ocu­laire pour les malades. 

UN GROUPE X DÉDIÉ AUX MALADIES NEUROLOGIQUES

LE PROJET ICM D’INTERFACE CERVEAU MACHINE

Le groupe XMN apporte son soutien à la deuxième phase du projet ICM (système composé d’un casque électroencéphalographique et d’un logiciel) développé par Maureen Clerc (90) à l’INRIA de Sophia-Antipolis. Il s’agit d’améliorer le système pour mettre à disposition des patients un outil encore plus ergonomique, portable et intégré, qui puisse leur assurer une autonomie effective et confortable. http://www.polytechnique.net/XMN

Et pour pour­suivre cette action, Nor­bert réunit plu­sieurs cama­rades pour créer le groupe XMN (X‑Maladies Neu­ro­lo­giques). Deux ans après sa créa­tion, le groupe XMN compte une qua­ran­taine de membres, a orga­ni­sé une confé­rence sur la SLA à la mai­son des X, trou­vé un pro­jet à sou­te­nir et levé le finan­ce­ment correspondant. 

Mal­heu­reu­se­ment, Nor­bert ne ver­ra pas l’aboutissement de ce pro­jet auquel il tenait beau­coup. La mala­die a conti­nué sa pro­gres­sion et Nor­bert nous a quit­tés le 18 décembre 2016, entou­ré de toute sa famille. 

Ses amis et cama­rades membres du groupe XMN ont l’ambition de conti­nuer l’œuvre de Nor­bert en sa mémoire. Nor­bert Cou­lange nous lais­se­ra l’exemple d’un homme accro­ché à la vie, non seule­ment à la sienne, et aus­si à celles de tous les malades ne pou­vant plus dia­lo­guer avec leurs proches.

2 Commentaires

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Claude Beau­mont, ex PDG de Mina­tome (1978÷81, répondre
7 février 2017 à 18 h 28 min

Mon sou­ve­nir de N Cou­lange
PDG de Mina­tome au moment où N Cou­lange com­men­çait sa car­rière pro­fes­sion­nelle, j’ai conser­vé de lui le meilleur sou­ve­nir, très pré­cis, d’une per­son­na­li­té excep­tion­nelle. A ses qua­li­tés pro­fes­sion­nelles, il ajou­tait la cha­leur de ses contacts et était esti­mé de tous. Je l’ai ensuite per­du de vue et j’ap­prends par cette publi­ca­tion la suite de sa vie, sa mala­die, son extra­or­di­naire cou­rage, et la stu­pé­fiante réac­tion posi­tive qui lui a per­mis de domi­ner l’adversité.

Ber­nard Crumeyrollerépondre
9 mars 2017 à 11 h 35 min

Vous pou­vez trou­ver le

Vous pou­vez trou­ver le témoi­gnage du jésuite Pierre-Marie Hoog dans le livre « au-fil-des-jours-blesses » 

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