Monde du vivant, Agriculture et société

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°541 Janvier 1999Par : René GROUSSARD et Pierre MARSALRédacteur : Gérard FEYTE (54)

Dans cet ouvrage nova­teur, les deux auteurs, que leur car­rière a con­duits à des fonc­tions de haute respon­s­abil­ité admin­is­tra­tive, tech­nique et poli­tique dans le secteur de l’agriculture et dans le milieu rur­al français, présen­tent un essai remar­quable sur les per­spec­tives que ne man­quera pas d’ouvrir la général­i­sa­tion qui s’annonce de la “pen­sée biologique” à qua­si­ment tous les secteurs de l’activité humaine.

Par­tant de la sit­u­a­tion de crise de la société con­tem­po­raine, les auteurs diag­nos­tiquent que l’humanité est en train de pass­er de l’ère de la mécanique et de la matière inan­imée à celle de la biolo­gie et du vivant ; elle n’a pas inté­gré, ni dans ses com­porte­ments ni dans ses insti­tu­tions, la prise en compte de “l’incommensurable valeur de la Vie”.

Une pre­mière par­tie de l’ouvrage, inti­t­ulée “Penser”, rap­proche des événe­ments récents et a pri­ori indépen­dants sur­venus dans le monde et brosse un con­stat pes­simiste de la société dont elle ébauche ensuite une recon­struc­tion autour de “l’ère du vivant”, après avoir passé en revue les véri­ta­bles pio­nniers (de Berg­son à aujourd’hui) de la “biolo­gie en tant que mode de pen­sée”.

Suit une “appli­ca­tion” de ces réflex­ions, la plus immé­di­ate car déjà traduite en actes pour par­tie, à l’agriculture et à l’évolution du monde agri­cole comme aus­si du milieu rur­al, lesquels con­stituent ain­si un mod­èle où la dimen­sion biologique rejoint les aspects spa­ti­aux, tem­porels, rela­tion­nels qui con­di­tion­nent notre exis­tence et notre devenir. Toute cette par­tie se con­clut sur l’émergence d’une nou­velle éthique respectueuse de la Vie organisée.

Enfin, une sec­onde par­tie, inti­t­ulée “Agir”, qui cou­vre la moitié du livre, témoigne com­bi­en l’approche biologique peut appréhen­der sinon déjà résoudre les grands prob­lèmes actuels. Elle se fonde sur l’idée, déjà très répan­due, que le mod­èle de société libérale d’aujourd’hui, s’il est plus accept­able que tous les total­i­tarismes de ce siè­cle, n’est pas à même de résoudre les défis du monde de demain, qu’il les aggrave même (il est antibi­ologique, “autode­struc­teur de l’homme”) et qu’il est urgent mais malaisé de trou­ver d’autres voies. Sont ain­si décryp­tés dans cette prob­lé­ma­tique, notamment :

les sol­i­dar­ités nou­velles et le devoir d’ingérence, l’idéologie com­péti­tiviste dans un con­trat mon­di­al, les mod­èles de développe­ment et l’économie de marché, la Valeur et les ressources rares, les lim­ites de la liber­té, le coût de la crois­sance et le gou­verne­ment de la Cité.

Au total, sous un titre quelque peu réduc­teur et dans un texte dense, les auteurs n’offrent pas une doc­trine élaborée mais, comme ils le dis­ent eux-mêmes, posent les bases d’une démarche qui mérit­erait d’être reprise et appro­fondie. Les pistes ouvertes à l’action comme à la réflex­ion sont en effet mul­ti­ples et rich­es de promess­es, fon­dant un véri­ta­ble développe­ment souten­able sur une cul­ture élargie, un nou­v­el human­isme. Bref, un livre qui s’adresse à l’honnête homme autant qu’au décideur.

Poster un commentaire