Alphand (1835), nommé par Haussmann ingénieur en chef au service des Promenades et Plantations de Paris

Moderniser la France

Dossier : L'année 1865Magazine N°707 Septembre 2015Par : la rédaction
Portrait de Napoléon III par H. Tournier

Sou­cieux de moder­ni­ser la France, Napo­léon III lance d’ambitieux pro­jets de déve­lop­pe­ment du che­min de fer et de réno­va­tion urbaine.
Les X, ingé­nieurs et savants, jouent un rôle clef dans ces pro­jets, comme en attestent quelques por­traits de grands anciens.

Napo­léon III par H. Tour­nier, tirage à l’albumine, biblio­thèque du Congrès, Washington.

Cet article a été com­pi­lé par Gérard Cohen (70) à par­tir des tra­vaux de Chris­tian Mar­bach (56), Charles Bou­bert (13) et Alexis Gher­maoui (13).

Au milieu du siècle, les liens entre l’École poly­tech­nique et le sec­teur fer­ro­viaire sont déjà étroits, puisque, en 1845, cinq des six grandes com­pa­gnies de che­min de fer fran­çaises ont à leur tête des X, qui ont pour inter­lo­cu­teurs pri­vi­lé­giés au gou­ver­ne­ment nombre de leurs pairs en charge de la ques­tion du rail.

REPÈRES

D’inspiration saint-simonienne, la politique économique menée au lendemain du coup d’État du 2 décembre 1851 a pour objectif la relance de la croissance et la modernisation des structures, autour de deux grands axes : la multiplication des sources de crédit bon marché (mise en place des réseaux de banques d’affaires puis de banques de dépôt), et les grands travaux publics, tout spécialement la construction de chemins de fer et la rénovation urbaine.

Ingénieurs et cheminots

  • Legrand (1809) trace les plans du pre­mier réseau fran­çais (en étoile, dit « Étoile de Legrand »).
  • Enfan­tin (1813) est le pro­mo­teur de « L’union pour les che­mins de fer de Paris à Lyon ».
  • Cla­pey­ron (1816) par­ti­cipe aux études et à la construc­tion des lignes Paris à Saint-Ger­main, Ver­sailles, du Nord et du Midi.
  • “ Cinq des six grandes compagnies de chemin de fer françaises ont des X à leur tête ”

    Tala­bot (1819) dirige la com­pa­gnie PLM de 1862 à 1882.

  • Per­don­net (1821) construit la ligne de Paris à Saint- Ger­main et dirige le maté­riel de la ligne Ver­sailles-Rive gauche.
  • Che­va­lier (1823), ins­pi­ra­teur de la poli­tique indus­trielle de Napo­léon III, est conseiller tech­nique de la com­pa­gnie de che­min de fer des frères Pereire.
  • Fran­quet de Fran­que­ville (1827), direc­teur géné­ral des Ponts et Chaus­sées et des Che­mins de fer en 1855, jusqu’à sa mort en 1876, à 67 ans, prend en main l’aménagement du che­min de fer fran­çais, à tra­vers le déve­lop­pe­ment du réseau et la concen­tra­tion des com­pa­gnies concessionnaires.
  • Goüin (1834) fonde en 1846 sa propre entre­prise, Ernest Goüin et Cie, qui construit loco­mo­tives, puis ponts et voies fer­rées. Deve­nue en 1871 la Socié­té de construc­tion des Bati­gnolles, c’est l’ancêtre du groupe Spie Batignolles.
  • Frey­ci­net (1846), chef d’exploitation de la Com­pa­gnie des Che­mins de fer du Midi de 1856 à 1861, est notam­ment ministre des Tra­vaux publics de 1877 à 1879, où son nom est atta­ché au plan de mul­ti­pli­ca­tion de lignes de che­min de fer pour l’aménagement du ter­ri­toire. Il sera, plus tard, plu­sieurs fois pré­sident du Conseil.

Une formation adaptée

DES MILLIERS DE KILOMÈTRES

De 3 500 km de voies ferrées en 1850 à près de 20 000 en 1870, en vingt ans le pays s’est doté d’infrastructures modernes, et a rattrapé son retard industriel sur le Royaume-Uni.
« On a pu dire que le système ferroviaire français a été l’œuvre des polytechniciens – et aussi certains réseaux étrangers (dans les années 1850 et 1860, une centaine d’entre eux étaient en congé pour construire des chemins de fer à l’étranger)1. »

La pré­émi­nence des X dans ce sec­teur n’est pas étran­gère à la nou­velle place accor­dée aux sciences de l’ingénieur dans l’enseignement de l’École poly­tech­nique en 1865.

Les X vont éga­le­ment contri­buer au déve­lop­pe­ment des tech­no­lo­gies alors essen­tielles à ce sec­teur. Hen­ry (1865) amé­liore consi­dé­ra­ble­ment le frein Wes­tin­ghouse. Péchot (1869) crée une loco­mo­tive à double foyer ain­si qu’un ensemble d’infrastructures et de maté­riels qui seront employés par l’armée lors de la Pre­mière Guerre mon­diale, le « sys­tème Péchot ».

Changer la ville

Avec la col­la­bo­ra­tion de pré­fets dyna­miques comme Hauss­mann à Paris ou Vaïsse à Lyon, Napo­léon III entre­prend de trans­for­mer les grandes villes et de les adap­ter au déve­lop­pe­ment du capi­ta­lisme moderne, avec ses grands maga­sins, ses expo­si­tions natio­nales ou inter­na­tio­nales, ses grandes banques et sur­tout ses gares qui sécrètent impé­rieu­se­ment le besoin de voies de cir­cu­la­tion aisées.

Paris, Lyon, Rouen, Dijon, Angers, Lille, Tou­louse, Avi­gnon, Mont­pel­lier, Tou­lon, Nîmes et Mar­seille changent de phy­sio­no­mie. Alger est pro­fon­dé­ment remaniée.

Lyon se modernise

Bon­net (1828) est deve­nu le maître d’œuvre de l’urbanisme lyon­nais durant seize ans, sous les ordres du pré­fet Vaïsse.

“ Transformer les villes et les adapter au capitalisme moderne ”

Il mène les tra­vaux de la rue de la Répu­blique, de la rue Impé­ra­trice et lutte contre l’inondation de 1856.

Ingé­nieur en chef du Ser­vice muni­ci­pal et res­pon­sable des espaces verts de la ville, il est direc­teur du Jar­din bota­nique entre 1859 et 1870. Il amé­nage le parc de la Tête‑d’or et en devient le directeur.

De l’eau pour tous

Bel­grand (1829)2, ini­tia­teur de la poli­tique de l’eau saine pour tous, sur les ins­truc­tions d’Haussmann – qui veut des eaux de source pour Paris – réa­lise les aque­ducs de la Dhuys (mis en ser­vice en 1865) et de la Vanne (mis en ser­vice en 1874 après inter­rup­tion des tra­vaux pen­dant la guerre).

Nom­mé direc­teur des Eaux et Égouts de Paris, il dirige la réa­li­sa­tion de ce grand réseau for­mé de vastes gale­ries visi­tables, for­mi­da­ble­ment utiles pour les très nom­breux usages com­plé­men­taires ren­dus pos­sibles, jusques et y com­pris la fibre optique aujourd’hui.

Promenades et plantations

Alphan​d (1835) est res­pon­sable des grands tra­vaux d’assainissement et d’embellissement de Paris. CLAUDE GONDARD (65)

Alphand (1835) est nom­mé par Hauss­mann ingé­nieur en chef au ser­vice des Pro­me­nades et des Plan­ta­tions pour par­ti­ci­per à la trans­for­ma­tion de Paris, en com­pa­gnie de Bel­grand et du jar­di­nier Barillet-Deschamps.

En 1867, il se voit confier la direc­tion de la Voie publique, des Pro­me­nades et de l’Éclairage.

Il est res­pon­sable des grands tra­vaux d’assainissement et d’embellissement : pro­me­nades et jar­dins (bois de Bou­logne, bois de Vin­cennes, parc Mon­ceau, parc Mont­sou­ris, Buttes- Chau­mont, jar­dins du Rane­lagh, des Champs-Ély­sées, jar­dins du Tro­ca­dé­ro et parc du Champde- Mars, bou­le­vard Richard-Lenoir, ave­nue de l’Observatoire, bou­le­vard Saint-Ger­main, ave­nue de l’Opéra, et même parc Bore­ly à Marseille).

Nom­mé direc­teur des Eaux à la mort de Bel­grand en 1878, on lui doit l’épuration des eaux d’égout par le sol ain­si que le sys­tème du tout-à‑l’égout et l’amélioration de l’enlèvement des ordures ména­gères. Il défend aus­si un pro­jet de métropolitain.

Direc­teur de l’Exposition uni­ver­selle de 1889, il est un fervent sou­tien de la tour Eiffel.

Grands travaux

Il est inté­res­sant à ce sujet d’établir un paral­lèle avec l’époque Pom­pi­dou, entre Mil­lier (1938) et Alphand (1835). « Deux pre­miers postes de vraies réa­li­sa­tions : la Côte‑d’Ivoire pour l’un, le Bor­de­lais pour l’autre. Deux seconds postes pari­siens d’ambition natio­nale, l’aménagement de La Défense ou les grands tra­vaux (hauss­man­niens) : le remo­de­lage com­plet d’une agglo­mé­ra­tion, sou­te­nu par un gou­ver­ne­ment fort et éclai­ré, aux côtés d’un per­son­nage vision­naire, Delou­vrier ou Haussmann.

Et, au soir de leur vie pro­fes­sion­nelle, une ouver­ture de plus en plus grande vers la dimen­sion artis­tique […] : les expo­si­tions uni­ver­selles et notam­ment 1889 pour Alphand, fervent sou­tien de la tour de Gus­tave Eif­fel, le Centre Pom­pi­dou pour Mil­lier3. »

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1. Michèle Mer­ger et Domi­nique Bar­jot, Les Entre­prises et leurs réseaux (…) : Mélanges en l’honneur de Fran­çois Caron, Presses Paris Sor­bonne, 1998.
2. La Jaune et la Rouge n° 660, décembre 2010 :
Le bicen­te­naire dis­cret d’un pro­phète, Eugène Bel­grand (1829)
Eugène Bel­grand (1829), ingé­nieur, hydro­logue et géologue
3. Chris­tian Mar­bach (56), Por­traits de poly­tech­ni­ciens, éd. Sabix, 2015.

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19630197répondre
10 septembre 2015 à 12 h 01 min

Vie d’un X 68

Un cou­sin de cou­sin (très) éloi­gné, Paul Rabel (X 1868), proche col­la­bo­ra­teur de Freycinet :

» Le 8 décembre 1892, Paul Rabel, 5 rue de Logel­bach à Paris, père d’André Rabel, dépose un bre­vet fran­çais pour un sys­tème de pont à arc à culasses com­pen­sa­trices ancrées dans les culées (enre­gis­tre­ment n° 226264).

Le pont Mira­beau est un chef-d’œuvre de tech­nique et d’é­lé­gance archi­tec­tu­rale. Il fut construit entre 1893 et 1896 pour relier direc­te­ment les quar­tiers d’Au­teuil et de Pas­sy, rive droite, avec ceux de Javel et de Gre­nelle, rive gauche.

Conçu par l’in­gé­nieur Rabel, res­pon­sable des ponts de Paris, assis­té des ingé­nieurs Jean Résal et Amé­dée Alby, c’est le pre­mier pont métal­lique en arcs à culasses, com­po­sé de deux ossa­tures symé­triques qui, en s’arc-bou­tant, donnent à la struc­ture son équilibre »

Bio­gra­phie de Paul Rabel extraite d’un arbre généa­lo­gique éta­bli par un loin­tain cousin :

http://gw.geneanet.org/lbaratte?lang=fr;m=D;p=marc+louis;n=henry&siblings=on&notes=on&t=T&v=6&image=on&marriage=on&full=on

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