Alphand (1835), nommé par Haussmann ingénieur en chef au service des Promenades et Plantations de Paris

Moderniser la France

Dossier : L'année 1865Magazine N°707 Septembre 2015Par : la rédaction

Au milieu du siè­cle, les liens entre l’École poly­tech­nique et le secteur fer­rovi­aire sont déjà étroits, puisque, en 1845, cinq des six grandes com­pag­nies de chemin de fer français­es ont à leur tête des X, qui ont pour inter­locu­teurs priv­ilégiés au gou­verne­ment nom­bre de leurs pairs en charge de la ques­tion du rail.

REPÈRES

D’inspiration saint-simonienne, la politique économique menée au lendemain du coup d’État du 2 décembre 1851 a pour objectif la relance de la croissance et la modernisation des structures, autour de deux grands axes : la multiplication des sources de crédit bon marché (mise en place des réseaux de banques d’affaires puis de banques de dépôt), et les grands travaux publics, tout spécialement la construction de chemins de fer et la rénovation urbaine.

Ingénieurs et cheminots

  • Legrand (1809) trace les plans du pre­mier réseau français (en étoile, dit « Étoile de Legrand »).
  • Enfan­tin (1813) est le pro­mo­teur de « L’union pour les chemins de fer de Paris à Lyon ».
  • Clapey­ron (1816) par­ticipe aux études et à la con­struc­tion des lignes Paris à Saint-Ger­main, Ver­sailles, du Nord et du Midi.
  • “ Cinq des six grandes compagnies de chemin de fer françaises ont des X à leur tête ”

    Tal­abot (1819) dirige la com­pag­nie PLM de 1862 à 1882.

  • Per­don­net (1821) con­stru­it la ligne de Paris à Saint- Ger­main et dirige le matériel de la ligne Ver­sailles-Rive gauche.
  • Cheva­lier (1823), inspi­ra­teur de la poli­tique indus­trielle de Napoléon III, est con­seiller tech­nique de la com­pag­nie de chemin de fer des frères Pereire.
  • Fran­quet de Fran­queville (1827), directeur général des Ponts et Chaussées et des Chemins de fer en 1855, jusqu’à sa mort en 1876, à 67 ans, prend en main l’aménagement du chemin de fer français, à tra­vers le développe­ment du réseau et la con­cen­tra­tion des com­pag­nies concessionnaires.
  • Goüin (1834) fonde en 1846 sa pro­pre entre­prise, Ernest Goüin et Cie, qui con­stru­it loco­mo­tives, puis ponts et voies fer­rées. Dev­enue en 1871 la Société de con­struc­tion des Batig­nolles, c’est l’ancêtre du groupe Spie Batignolles.
  • Freycinet (1846), chef d’exploitation de la Com­pag­nie des Chemins de fer du Midi de 1856 à 1861, est notam­ment min­istre des Travaux publics de 1877 à 1879, où son nom est attaché au plan de mul­ti­pli­ca­tion de lignes de chemin de fer pour l’aménagement du ter­ri­toire. Il sera, plus tard, plusieurs fois prési­dent du Conseil.

Une formation adaptée

DES MILLIERS DE KILOMÈTRES

De 3 500 km de voies ferrées en 1850 à près de 20 000 en 1870, en vingt ans le pays s’est doté d’infrastructures modernes, et a rattrapé son retard industriel sur le Royaume-Uni.
« On a pu dire que le système ferroviaire français a été l’œuvre des polytechniciens – et aussi certains réseaux étrangers (dans les années 1850 et 1860, une centaine d’entre eux étaient en congé pour construire des chemins de fer à l’étranger)1. »

La préémi­nence des X dans ce secteur n’est pas étrangère à la nou­velle place accordée aux sci­ences de l’ingénieur dans l’enseignement de l’École poly­tech­nique en 1865.

Les X vont égale­ment con­tribuer au développe­ment des tech­nolo­gies alors essen­tielles à ce secteur. Hen­ry (1865) améliore con­sid­érable­ment le frein West­ing­house. Péchot (1869) crée une loco­mo­tive à dou­ble foy­er ain­si qu’un ensem­ble d’infrastructures et de matériels qui seront employés par l’armée lors de la Pre­mière Guerre mon­di­ale, le « sys­tème Péchot ».

Changer la ville

Avec la col­lab­o­ra­tion de préfets dynamiques comme Hauss­mann à Paris ou Vaïsse à Lyon, Napoléon III entre­prend de trans­former les grandes villes et de les adapter au développe­ment du cap­i­tal­isme mod­erne, avec ses grands mag­a­sins, ses expo­si­tions nationales ou inter­na­tionales, ses grandes ban­ques et surtout ses gares qui sécrè­tent impérieuse­ment le besoin de voies de cir­cu­la­tion aisées.

Paris, Lyon, Rouen, Dijon, Angers, Lille, Toulouse, Avi­gnon, Mont­pel­li­er, Toulon, Nîmes et Mar­seille changent de phy­s­ionomie. Alger est pro­fondé­ment remaniée.

Lyon se modernise

Bon­net (1828) est devenu le maître d’œuvre de l’urbanisme lyon­nais durant seize ans, sous les ordres du préfet Vaïsse.

“ Transformer les villes et les adapter au capitalisme moderne ”

Il mène les travaux de la rue de la République, de la rue Impéra­trice et lutte con­tre l’inondation de 1856.

Ingénieur en chef du Ser­vice munic­i­pal et respon­s­able des espaces verts de la ville, il est directeur du Jardin botanique entre 1859 et 1870. Il amé­nage le parc de la Tête‑d’or et en devient le directeur.

De l’eau pour tous

Bel­grand (1829)2, ini­ti­a­teur de la poli­tique de l’eau saine pour tous, sur les instruc­tions d’Haussmann – qui veut des eaux de source pour Paris – réalise les aque­ducs de la Dhuys (mis en ser­vice en 1865) et de la Vanne (mis en ser­vice en 1874 après inter­rup­tion des travaux pen­dant la guerre).

Nom­mé directeur des Eaux et Égouts de Paris, il dirige la réal­i­sa­tion de ce grand réseau for­mé de vastes galeries vis­ita­bles, for­mi­da­ble­ment utiles pour les très nom­breux usages com­plé­men­taires ren­dus pos­si­bles, jusques et y com­pris la fibre optique aujourd’hui.

Promenades et plantations

Alphan​d (1835) est respon­s­able des grands travaux d’assainissement et d’embellissement de Paris. CLAUDE GONDARD (65)

Alp­hand (1835) est nom­mé par Hauss­mann ingénieur en chef au ser­vice des Prom­e­nades et des Plan­ta­tions pour par­ticiper à la trans­for­ma­tion de Paris, en com­pag­nie de Bel­grand et du jar­dinier Barillet-Deschamps.

En 1867, il se voit con­fi­er la direc­tion de la Voie publique, des Prom­e­nades et de l’Éclairage.

Il est respon­s­able des grands travaux d’assainissement et d’embellissement : prom­e­nades et jardins (bois de Boulogne, bois de Vin­cennes, parc Mon­ceau, parc Montsouris, Buttes- Chau­mont, jardins du Ranelagh, des Champs-Élysées, jardins du Tro­cadéro et parc du Cham­pde- Mars, boule­vard Richard-Lenoir, avenue de l’Observatoire, boule­vard Saint-Ger­main, avenue de l’Opéra, et même parc Bore­ly à Marseille).

Nom­mé directeur des Eaux à la mort de Bel­grand en 1878, on lui doit l’épuration des eaux d’égout par le sol ain­si que le sys­tème du tout-à‑l’égout et l’amélioration de l’enlèvement des ordures ménagères. Il défend aus­si un pro­jet de métropolitain.

Directeur de l’Exposition uni­verselle de 1889, il est un fer­vent sou­tien de la tour Eiffel.

Grands travaux

Il est intéres­sant à ce sujet d’établir un par­al­lèle avec l’époque Pom­pi­dou, entre Mil­li­er (1938) et Alp­hand (1835). « Deux pre­miers postes de vraies réal­i­sa­tions : la Côte‑d’Ivoire pour l’un, le Bor­de­lais pour l’autre. Deux sec­onds postes parisiens d’ambition nationale, l’aménagement de La Défense ou les grands travaux (hauss­man­niens) : le remod­e­lage com­plet d’une aggloméra­tion, soutenu par un gou­verne­ment fort et éclairé, aux côtés d’un per­son­nage vision­naire, Delou­vri­er ou Haussmann.

Et, au soir de leur vie pro­fes­sion­nelle, une ouver­ture de plus en plus grande vers la dimen­sion artis­tique […] : les expo­si­tions uni­verselles et notam­ment 1889 pour Alp­hand, fer­vent sou­tien de la tour de Gus­tave Eif­fel, le Cen­tre Pom­pi­dou pour Mil­li­er3. »

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1. Michèle Merg­er et Dominique Bar­jot, Les Entre­pris­es et leurs réseaux (…) : Mélanges en l’honneur de François Caron, Press­es Paris Sor­bonne, 1998.
2. La Jaune et la Rouge n° 660, décem­bre 2010 :
Le bicen­te­naire dis­cret d’un prophète, Eugène Bel­grand (1829)
Eugène Bel­grand (1829), ingénieur, hydro­logue et géologue
3. Chris­t­ian Mar­bach (56), Por­traits de poly­tech­ni­ciens, éd. Sabix, 2015.

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19630197répondre
10 septembre 2015 à 12 h 01 min

Vie d’un X 68

Un cousin de cousin (très) éloigné, Paul Rabel (X 1868), proche col­lab­o­ra­teur de Freycinet :

” Le 8 décem­bre 1892, Paul Rabel, 5 rue de Logel­bach à Paris, père d’André Rabel, dépose un brevet français pour un sys­tème de pont à arc à culass­es com­pen­satri­ces ancrées dans les culées (enreg­istrement n° 226264).

Le pont Mirabeau est un chef-d’œu­vre de tech­nique et d’élé­gance archi­tec­turale. Il fut con­stru­it entre 1893 et 1896 pour reli­er directe­ment les quartiers d’Au­teuil et de Passy, rive droite, avec ceux de Jav­el et de Grenelle, rive gauche.

Conçu par l’ingénieur Rabel, respon­s­able des ponts de Paris, assisté des ingénieurs Jean Résal et Amédée Alby, c’est le pre­mier pont métallique en arcs à culass­es, com­posé de deux ossa­t­ures symétriques qui, en s’arc-boutant, don­nent à la struc­ture son équilibre ”

Biogra­phie de Paul Rabel extraite d’un arbre généalogique établi par un loin­tain cousin :

http://gw.geneanet.org/lbaratte?lang=fr;m=D;p=marc+louis;n=henry&siblings=on&notes=on&t=T&v=6&image=on&marriage=on&full=on

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