Miroirs no 3 / Pris au piège / En première ligne / Fils de / Connemara

Des attentes ont déçu (Le Roi Soleil de M. Cardona et Sirāt d’O. Laxe). On a vu deux pièges temporels approximatifs (En boucle de J. Yamaguchi et Exit 8 de G. Kawamura). On a déprimé (À feu doux de S. Friedland). On s’est noyé dans les bons sentiments (Une place pour Pierrot d’H. Médigue) et un peu ennuyé (Ciudad sin sueño de G. Galoe). On a trouvé des qualités à Alpha (J. Ducournau, bousculant) comme à L’épreuve du feu (A. Peyre, doux-amer). On a jugé enfin Valeur sentimentale (J. Trier) trop inégal.

Miroirs n° 3
Réalisateur : Christian Petzold – 1 h 26
Un quatuor d’acteurs excellents et Paula Beer magnétique. Déroulement tendu et dense où le mystère des comportements s’éclaire progressivement, pour aller vers l’émergence d’une reconstruction appuyée sur l’étançonnement des désarrois individuels. On avance à pas lents dans l’épaisseur des blessures. Un couple, le fils, trio disloqué par le suicide de leur fille et sœur. Un accident de voiture. Une miraculée qui s’agrège pour quelques jours dans l’incompréhension de l’espoir qui tâtonne. L’échec ? Une fin ouverte. C’est un beau film et Miroirs n° 3 renvoie à une pièce pour piano de Ravel.

Pris au piège
Réalisateur : Darren Aronofsky – 1 h 47
Emballé ! Un film de genre (thriller noir) qui coche toutes les cases et en passant celle de l’humour derrière l’attachant Austin Butler. Côté féminin, on savoure Zoë Kravitz, délicieusement piquante. Le scénario est aux petits oignons, avec figures classiques, surprises et clins d’œil (dont une inattendue relation mère-fils). C’est typé, rythmé, enlevé. On partage, dans la montée d’adrénaline et la jubilation, la cavale et les découvertes d’un héros fragile, indestructible, ordinaire et surdoué. Plongé malgré lui dans l’affrontement sanglant de pourris de tous bords à la poursuite d’un magot dont on lui a confié la clef en même temps que la garde d’un matou à la dent leste, il nous offre cent belles minutes de plaisir, tous soucis oubliés !

En première ligne
Réalisatrice : Petra Biondina Volpe – 1 h 32
Leonie Benesch, excellente dans La salle des profs (printemps 2024), est ici extraordinaire d’investissement et d’efficacité dans un rôle d’infirmière d’un hôpital suisse en sous-service. L’inflation des tâches, la pression des malades, la dureté des situations, la course contre le temps et sa déshumanisation, le mouvement brownien des sollicitations, tout se montre et s’enchaîne dans un mécanisme affolant à la précision horlogère. Le climat de tension du film est permanent. La performance de l’actrice est « bluffante ». Le scénario, dans la variété de ses approches, intègre réellement le spectateur à ce microcosme hospitalier tissé d’appels constants, d’angoisses, de gestes techniques et d’attentes désespérées. On y est. Un magnifique coup de poing.

Fils de
Réalisateur : Carlos Abascal Peiró – 1 h 45
Maelström d’idées, foisonnement de plans, virtuosité du montage, répliques à la mitraillette, acteurs survoltés et, malgré ou à cause de cela, du gâchis ! On perd au moins 15 % des dialogues, on se noie dans des complexités tarabiscotées, on peine un temps à savoir qui fait quoi, qui veut quoi, puis on comprend. On comprend qu’il n’y a rien à comprendre puisque le but c’est l’agitation, le mouvement, les cris, la crise, l’excès. Tout là-dedans fourmille d’intentions et court au ratage. On en fait trop. Et trop c’est trop. Pourtant, en se repassant mentalement le film scène par scène, en marquant entre chaque scène une pause, on sent un beau mécanisme, on regoûte des dialogues et des inventions. Las, au rythme imposé, on en perd beaucoup. Mais quel casting et quels acteurs !

Connemara
Réalisateur : Alex Lutz – 1 h 55
Bastien Bouillon et Mélanie Thierry sont absolument parfaits, lui formidablement crédible, vrai, et elle éclatante, lumineuse. L’envoûtement du film, réel, leur doit l’essentiel. La faille psychologique en forme de prise de conscience de leur différence de classe qui éloigne finalement l’héroïne de son amour de jeunesse, retrouvé vingt ans plus tard alors qu’un burn-out professionnel l’a ramenée dans ses Vosges natales, est beaucoup moins perceptible ici que dans le gros roman de Nicolas Mathieu dont le film est tiré. Mais on est emporté par cette histoire finement tissée, joliment montée, solidement servie en arrière-plan par Jacques Gamblin, Clémentine Célarié et Grégory Montel, où tout sonne juste. Les thèmes secondaires s’organisent efficacement autour de la rencontre fondamentale et l’ensemble, à la conclusion douce-amère, nous laisse sous le charme des deux héros et justifie qu’on parle de beau film.





