Minos Biosciences révolutionne la recherche biomédicale avec la microfluidique

Minos Biosciences est une start-up innovante qui se spécialise dans l’analyse d’échantillons cellulaires, en combinant des technologies avancées de microfluidique, de biologie moléculaire et cellulaire et d’analyse de données. Son président, Pierre Le Ber (X83), nous en dit plus sur cette technologie de rupture, cruciale pour la recherche en biologie et en médecine.
Pouvez-vous nous présenter Minos Biosciences ?
Minos est un spin-off de l’ESPCI créée en 2020, issue des travaux de thèse des deux cofondateurs, Hubert Geisler et Gaël Blivet-Bailly. J’aimerais ici souligner que l’ESPCI Paris – PSL offre un environnement pluridisciplinaire très propice au transfert de technologie et à l’entrepreneuriat. Andrew Griffiths, professeur internationalement reconnu à l’ESPCI et co-directeur de thèse de Gaël Blivet-Bailly, est d’ailleurs à l’origine de plusieurs start-ups, dont Minos.
Aujourd’hui forte d’une équipe de dix personnes, Minos développe une plateforme intégrée, visant à révolutionner la R&D en sciences du vivant, notamment biomédicale. L’objectif est d’apporter aux chercheurs, cliniciens et sociétés biotechnologiques des données nouvelles et d’une richesse inédite pour accélérer le développement de médicaments et de nouvelles stratégies thérapeutiques. Notre solution est particulièrement pertinente pour l’étude de l’immunologie des pathologies complexes comme les cancers ou encore des maladies infectieuses et nous envisageons à long terme des applications potentielles dans la biologie environnementale et les biotechnologies industrielles.
Quels sont les avantages de votre technologie microfluidique ?
Notre technologie utilise une chambre microfluidique comprenant des dizaines de milliers de microcages et permettant d’observer de façon dynamique des cellules ou petits groupes de cellules par microscopie, sur plusieurs heures ou jours. Grâce à ces microcages, et c’est là la rupture technologique, nous pouvons ensuite isoler les cellules et analyser individuellement leurs profils moléculaires (ce qu’on appelle le profilage « omique » : séquençage génomique, transcriptomique ou épigénomique). En associant ces profils aux fonctions observées, nous pouvons, pour la première fois, relier des comportements cellulaires à leurs origines moléculaires – c’est comme associer un code source à son interface. Par exemple, l’Institut Pasteur utilise notre solution pour suivre l’infection par des salmonelles et analyser les mécanismes moléculaires responsables de la résistance aux traitements antimicrobiens.
En résumé, notre solution relie la biologie cellulaire et la biologie moléculaire, générant des données couplées de séquençage et d’imagerie fonctionnelle. Le système microfluidique et le couplage moléculaire sont au cœur de notre innovation, et sont intégrés au sein d’un instrument pour automatiser et fiabiliser l’ensemble du processus. Une couche logicielle, infusée à l’IA, est spécifiquement développée pour traiter et manipuler aisément les grandes quantités de données que nous générons.
Quel rôle votre technologie joue-t-elle dans le développement de nouveaux médicaments ou l’innovation thérapeutique ?
Les possibilités sont nombreuses dans ce domaine : découverte de nouvelles cibles, caractérisation des mécanismes d’action, identification de biomarqueurs et stratification des essais cliniques. En oncologie, nous collaborons avec le Centre de Recherche des Cordeliers sur le cancer colorectal : dans ce cancer, les cellules sont capables de passer d’un état sensible à un état résistant, sans que rien ne soit modifié au niveau du génome. Ce sont des mécanismes très complexes qu’on appelle « épigénétiques », qui modifient l’expression des gènes et sous la pression du traitement, la cellule est capable de devenir résistante.
Avoir accès aux mécanismes moléculaires qui expliquent ce changement d’un phénotype sensible à un phénotype résistant va permettre de profiler, de catégoriser les tumeurs et de décider quel traitement sera le plus adapté. Cela permettra aussi, à nouveau, de développer de nouvelles thérapies, des médicaments qui vont cibler les voies métaboliques impliquées dans ces apparitions de résistance. Minos ne développe pas de médicaments, mais nous fournissons les outils pour expliquer, identifier de nouvelles cibles et imaginer de nouvelles approches thérapeutiques. Nous sommes des « solution providers », nous fournissons des solutions.
“Notre solution jette un pont entre la biologie cellulaire et moléculaire, générant des données inédites pour accélérer le développement de médicaments.”
Nous démarrons également une collaboration avec un grand hôpital parisien, qui travaille avec des médicaments radiopharmaceutiques qui ciblent les tumeurs et émettent localement de la radioactivité pour tuer les cellules cancéreuses. Des résistances peuvent être observées, dont nous cherchons à comprendre les mécanismes, probablement liés aux voies métaboliques impliquées dans la réparation de l’ADN.
En immunothérapie des cancers enfin, nous développons une approche pionnière pour identifier des cibles tumorales spécifiques et développer des thérapies cellulaires ou des vaccins anticancéreux.
De plus en plus, les stratégies thérapeutiques contre les cancers peuvent associer plusieurs traitements, incluant certains plus ciblés pour éradiquer les résistances. Notre technologie, associant analyses fonctionnelles des cellules et mécanismes moléculaires, aura un réel impact pour identifier de nouvelles cibles et développer ces stratégies. Nous cherchons à installer entre 5 et 8 plateformes d’ici mi-2026 chez des partenaires, en France et à l’international. Ils testeront la machine, la puce, les logiciels, nous ferons des retours, développerons leurs propres applications et publierons leurs résultats. Les publications scientifiques sont cruciales pour faire connaître notre solution. Nous recherchons également des partenariats avec des sociétés pharmaceutiques, pour développer des applications customisées.
Quels sont les défis techniques ou scientifiques rencontrés dans l’optimisation de votre technologie microfluidique ?
Sur le plan technologique, nous n’avons plus de risques majeurs. Nous disposons d’un prototype complet qui fonctionne bien et qui suscite l’intérêt de nombreux partenaires potentiels. Notre principal défi est de trouver des financements pour accélérer le développement et la commercialisation de notre produit, prévue pour 2027. Le domaine dans lequel nous évoluons est extrêmement dynamique et compétitif, et la rapidité avec laquelle nous pourrons mettre notre produit sur le marché est déterminante. Nous commencerons à générer nos premiers revenus cette année grâce à notre programme d’accès anticipé. Pour réussir notre lancement commercial, nous cherchons des collaborations avec de grandes sociétés d’instrumentation et des partenariats industriels en Europe et aux USA.
Quelles perspectives voyez-vous pour Minos Biosciences ?
Nous avons de nombreuses idées et applications pour notre technologie, mais nous nous concentrons d’abord sur la commercialisation rapide de notre premier produit. Nous prévoyons d’y intégrer de nouvelles fonctionnalités et d’explorer des applications comme le criblage de micro-organismes pour les biotechnologies industrielles. Actuellement, notre solution vise principalement la recherche, fondamentale ou translationnelle, et pharmaceutique, mais notre technologie pourrait à terme devenir également un outil diagnostique. En résumé, nous visons une diversification des applications qui nous ouvrira de nouveaux marchés.
Quelles sont vos ambitions pour Minos Biosciences ?
Mes ambitions pour Minos sont que notre solution arrive sur le marché et puisse ainsi servir la recherche biomédicale, accélérer le développement de médicaments et avoir un impact significatif sur la recherche fondamentale et translationnelle. Mon objectif est de développer des solutions qui vont révolutionner le domaine, permettre des découvertes inimaginables il y a quelques années. Cela inclut de nouvelles façons de répondre à des questions biologiques et la capacité de se poser des questions que nous ne pouvions même pas envisager auparavant.
Je souhaite que la France et l’Europe développent des sociétés spécialisées dans les technologies pour les sciences du vivant, afin de rivaliser avec les grandes entreprises américaines.
Ce qui me fascine dans ce domaine, c’est l’interaction étroite entre l’évolution des technologies et les questions scientifiques qui émergent : les questions scientifiques stimulent le développement technologique, et les technologies permettent de poser de nouvelles questions scientifiques. Cette progression main dans la main entre les avancées scientifiques et technologiques est particulièrement remarquable.
Un dernier mot à ajouter ?
Si certains lecteurs de La Jaune et La Rouge souhaitent investir dans ce domaine en forte croissance, qu’ils n’hésitent pas à nous contacter !