Minos Biosciences Visualisation des microcages de la puce microfluidique développée par Minos Biosciences (microscopie 20x).

Minos Biosciences révolutionne la recherche biomédicale avec la microfluidique

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°804 Avril 2025
Par Pierre LE BER (X83)

Minos Bios­ciences est une start-up inno­vante qui se spé­cia­lise dans l’analyse d’échantillons cel­lu­laires, en com­bi­nant des tech­no­lo­gies avan­cées de micro­flui­dique, de bio­lo­gie molé­cu­laire et cel­lu­laire et d’analyse de don­nées. Son pré­sident, Pierre Le Ber (X83), nous en dit plus sur cette tech­no­lo­gie de rup­ture, cru­ciale pour la recherche en bio­lo­gie et en méde­cine.

Pouvez-vous nous présenter Minos Biosciences ?

Minos est un spin-off de l’ESPCI créée en 2020, issue des tra­vaux de thèse des deux cofon­da­teurs, Hubert Geis­ler et Gaël Bli­vet-Bailly. J’aimerais ici sou­li­gner que l’ESPCI Paris – PSL offre un envi­ron­ne­ment plu­ri­dis­ci­pli­naire très pro­pice au trans­fert de tech­no­lo­gie et à l’entrepreneuriat. Andrew Grif­fiths, pro­fes­seur inter­na­tio­na­le­ment recon­nu à l’ESPCI et co-direc­teur de thèse de Gaël Bli­vet-Bailly, est d’ailleurs à l’origine de plu­sieurs start-ups, dont Minos.

Aujourd’hui forte d’une équipe de dix per­sonnes, Minos déve­loppe une pla­te­forme inté­grée, visant à révo­lu­tion­ner la R&D en sciences du vivant, notam­ment bio­mé­di­cale. L’objectif est d’apporter aux cher­cheurs, cli­ni­ciens et socié­tés bio­tech­no­lo­giques des don­nées nou­velles et d’une richesse inédite pour accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment de médi­ca­ments et de nou­velles stra­té­gies thé­ra­peu­tiques. Notre solu­tion est par­ti­cu­liè­re­ment per­ti­nente pour l’étude de l’immunologie des patho­lo­gies com­plexes comme les can­cers ou encore des mala­dies infec­tieuses et nous envi­sa­geons à long terme des appli­ca­tions poten­tielles dans la bio­lo­gie envi­ron­ne­men­tale et les bio­tech­no­lo­gies industrielles.

Quels sont les avantages de votre technologie microfluidique ?

Notre tech­no­lo­gie uti­lise une chambre micro­flui­dique com­pre­nant des dizaines de mil­liers de micro­cages et per­met­tant d’observer de façon dyna­mique des cel­lules ou petits groupes de cel­lules par micro­sco­pie, sur plu­sieurs heures ou jours. Grâce à ces micro­cages, et c’est là la rup­ture tech­no­lo­gique, nous pou­vons ensuite iso­ler les cel­lules et ana­ly­ser indi­vi­duel­le­ment leurs pro­fils molé­cu­laires (ce qu’on appelle le pro­fi­lage « omique » : séquen­çage géno­mique, trans­crip­to­mique ou épi­gé­no­mique). En asso­ciant ces pro­fils aux fonc­tions obser­vées, nous pou­vons, pour la pre­mière fois, relier des com­por­te­ments cel­lu­laires à leurs ori­gines molé­cu­laires – c’est comme asso­cier un code source à son inter­face. Par exemple, l’Institut Pas­teur uti­lise notre solu­tion pour suivre l’infection par des sal­mo­nelles et ana­ly­ser les méca­nismes molé­cu­laires res­pon­sables de la résis­tance aux trai­te­ments antimicrobiens.

En résu­mé, notre solu­tion relie la bio­lo­gie cel­lu­laire et la bio­lo­gie molé­cu­laire, géné­rant des don­nées cou­plées de séquen­çage et d’imagerie fonc­tion­nelle. Le sys­tème micro­flui­dique et le cou­plage molé­cu­laire sont au cœur de notre inno­va­tion, et sont inté­grés au sein d’un ins­tru­ment pour auto­ma­ti­ser et fia­bi­li­ser l’ensemble du pro­ces­sus. Une couche logi­cielle, infu­sée à l’IA, est spé­ci­fi­que­ment déve­lop­pée pour trai­ter et mani­pu­ler aisé­ment les grandes quan­ti­tés de don­nées que nous générons.

Quel rôle votre technologie joue-t-elle dans le développement de nouveaux médicaments ou l’innovation thérapeutique ?

Les pos­si­bi­li­tés sont nom­breuses dans ce domaine : décou­verte de nou­velles cibles, carac­té­ri­sa­tion des méca­nismes d’action, iden­ti­fi­ca­tion de bio­mar­queurs et stra­ti­fi­ca­tion des essais cli­niques. En onco­lo­gie, nous col­la­bo­rons avec le Centre de Recherche des Cor­de­liers sur le can­cer colo­rec­tal : dans ce can­cer, les cel­lules sont capables de pas­ser d’un état sen­sible à un état résis­tant, sans que rien ne soit modi­fié au niveau du génome. Ce sont des méca­nismes très com­plexes qu’on appelle « épi­gé­né­tiques », qui modi­fient l’expression des gènes et sous la pres­sion du trai­te­ment, la cel­lule est capable de deve­nir résistante.

Avoir accès aux méca­nismes molé­cu­laires qui expliquent ce chan­ge­ment d’un phé­no­type sen­sible à un phé­no­type résis­tant va per­mettre de pro­fi­ler, de caté­go­ri­ser les tumeurs et de déci­der quel trai­te­ment sera le plus adap­té. Cela per­met­tra aus­si, à nou­veau, de déve­lop­per de nou­velles thé­ra­pies, des médi­ca­ments qui vont cibler les voies méta­bo­liques impli­quées dans ces appa­ri­tions de résis­tance. Minos ne déve­loppe pas de médi­ca­ments, mais nous four­nis­sons les outils pour expli­quer, iden­ti­fier de nou­velles cibles et ima­gi­ner de nou­velles approches thé­ra­peu­tiques. Nous sommes des « solu­tion pro­vi­ders », nous four­nis­sons des solutions.

“Notre solution jette un pont entre la biologie cellulaire et moléculaire, générant des données inédites pour accélérer le développement de médicaments.”

Nous démar­rons éga­le­ment une col­la­bo­ra­tion avec un grand hôpi­tal pari­sien, qui tra­vaille avec des médi­ca­ments radio­phar­ma­ceu­tiques qui ciblent les tumeurs et émettent loca­le­ment de la radio­ac­ti­vi­té pour tuer les cel­lules can­cé­reuses. Des résis­tances peuvent être obser­vées, dont nous cher­chons à com­prendre les méca­nismes, pro­ba­ble­ment liés aux voies méta­bo­liques impli­quées dans la répa­ra­tion de l’ADN.

En immu­no­thé­ra­pie des can­cers enfin, nous déve­lop­pons une approche pion­nière pour iden­ti­fier des cibles tumo­rales spé­ci­fiques et déve­lop­per des thé­ra­pies cel­lu­laires ou des vac­cins anticancéreux.

De plus en plus, les stra­té­gies thé­ra­peu­tiques contre les can­cers peuvent asso­cier plu­sieurs trai­te­ments, incluant cer­tains plus ciblés pour éra­di­quer les résis­tances. Notre tech­no­lo­gie, asso­ciant ana­lyses fonc­tion­nelles des cel­lules et méca­nismes molé­cu­laires, aura un réel impact pour iden­ti­fier de nou­velles cibles et déve­lop­per ces stra­té­gies. Nous cher­chons à ins­tal­ler entre 5 et 8 pla­te­formes d’ici mi-2026 chez des par­te­naires, en France et à l’international. Ils tes­te­ront la machine, la puce, les logi­ciels, nous ferons des retours, déve­lop­pe­rons leurs propres appli­ca­tions et publie­rons leurs résul­tats. Les publi­ca­tions scien­ti­fiques sont cru­ciales pour faire connaître notre solu­tion. Nous recher­chons éga­le­ment des par­te­na­riats avec des socié­tés phar­ma­ceu­tiques, pour déve­lop­per des appli­ca­tions customisées.

Quels sont les défis techniques ou scientifiques rencontrés dans l’optimisation de votre technologie microfluidique ?

Sur le plan tech­no­lo­gique, nous n’avons plus de risques majeurs. Nous dis­po­sons d’un pro­to­type com­plet qui fonc­tionne bien et qui sus­cite l’intérêt de nom­breux par­te­naires poten­tiels. Notre prin­ci­pal défi est de trou­ver des finan­ce­ments pour accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment et la com­mer­cia­li­sa­tion de notre pro­duit, pré­vue pour 2027. Le domaine dans lequel nous évo­luons est extrê­me­ment dyna­mique et com­pé­ti­tif, et la rapi­di­té avec laquelle nous pour­rons mettre notre pro­duit sur le mar­ché est déter­mi­nante. Nous com­men­ce­rons à géné­rer nos pre­miers reve­nus cette année grâce à notre pro­gramme d’accès anti­ci­pé. Pour réus­sir notre lan­ce­ment com­mer­cial, nous cher­chons des col­la­bo­ra­tions avec de grandes socié­tés d’instrumentation et des par­te­na­riats indus­triels en Europe et aux USA.

Quelles perspectives voyez-vous pour Minos Biosciences ?

Nous avons de nom­breuses idées et appli­ca­tions pour notre tech­no­lo­gie, mais nous nous concen­trons d’abord sur la com­mer­cia­li­sa­tion rapide de notre pre­mier pro­duit. Nous pré­voyons d’y inté­grer de nou­velles fonc­tion­na­li­tés et d’explorer des appli­ca­tions comme le cri­blage de micro-orga­nismes pour les bio­tech­no­lo­gies indus­trielles. Actuel­le­ment, notre solu­tion vise prin­ci­pa­le­ment la recherche, fon­da­men­tale ou trans­la­tion­nelle, et phar­ma­ceu­tique, mais notre tech­no­lo­gie pour­rait à terme deve­nir éga­le­ment un outil diag­nos­tique. En résu­mé, nous visons une diver­si­fi­ca­tion des appli­ca­tions qui nous ouvri­ra de nou­veaux marchés.

Quelles sont vos ambitions pour Minos Biosciences ?

Mes ambi­tions pour Minos sont que notre solu­tion arrive sur le mar­ché et puisse ain­si ser­vir la recherche bio­mé­di­cale, accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment de médi­ca­ments et avoir un impact signi­fi­ca­tif sur la recherche fon­da­men­tale et trans­la­tion­nelle. Mon objec­tif est de déve­lop­per des solu­tions qui vont révo­lu­tion­ner le domaine, per­mettre des décou­vertes inima­gi­nables il y a quelques années. Cela inclut de nou­velles façons de répondre à des ques­tions bio­lo­giques et la capa­ci­té de se poser des ques­tions que nous ne pou­vions même pas envi­sa­ger auparavant.

Je sou­haite que la France et l’Europe déve­loppent des socié­tés spé­cia­li­sées dans les tech­no­lo­gies pour les sciences du vivant, afin de riva­li­ser avec les grandes entre­prises américaines.

Ce qui me fas­cine dans ce domaine, c’est l’interaction étroite entre l’évolution des tech­no­lo­gies et les ques­tions scien­ti­fiques qui émergent : les ques­tions scien­ti­fiques sti­mulent le déve­lop­pe­ment tech­no­lo­gique, et les tech­no­lo­gies per­mettent de poser de nou­velles ques­tions scien­ti­fiques. Cette pro­gres­sion main dans la main entre les avan­cées scien­ti­fiques et tech­no­lo­giques est par­ti­cu­liè­re­ment remarquable.

Un dernier mot à ajouter ?

Si cer­tains lec­teurs de La Jaune et La Rouge sou­haitent inves­tir dans ce domaine en forte crois­sance, qu’ils n’hésitent pas à nous contacter ! 

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