Métiers de l’air et de l’espace : l’expérience de Lionel Montocchio (X76)


AX carrières continue d’explorer les carrières de nos camarades dirigeants et propose, pour ce numéro consacré à l’aéronautique et l’espace, de découvrir la carrière et les conseils de notre camarade Lionel Montocchio (X76).
Lionel, peux-tu me rappeler qui tu es, ton parcours et ce qui t’a mené dans le métier de l’aéronautique puis de l’espace ? Ou doit-on parler des métiers ?
Merci Isabelle de me permettre de partager mon expérience. Tout d’abord, je suis un insulaire dont la famille est implantée à l’Île Maurice depuis près de trois siècles. Française au XVIIIe siècle, dans l’Empire britannique en 1810, l’île Maurice est indépendante depuis 1968 et essaie d’offrir un modèle de « vivre ensemble » dans le grand Océan indien ; nous avons toujours été marqués par les relations internationales, l’importance de la mer, puis de l’aviation au XXe siècle.
J’ai fait mes études au lycée Louis-le-Grand, à qui je dois beaucoup, avant d’intégrer l’X en 1976 et de choisir l’ENAC comme école d’application (possible à l’époque, sinon j’aurais choisi SupAéro). Très vite, se dessinaient les deux faces de ma vie professionnelle : l’aéronautique et les aspects financiers indispensables au développement de toute activité.
Mon premier poste fut de préparer l’autonomie financière de la Navigation aérienne française avec la mise en place d’un budget annexe, puis j’ai été appelé pour créer la cellule aéronautique du ministère de la Coopération, qui couvrait une trentaine de pays essentiellement en Afrique. Dans la continuité, je fus à l’origine de la création de la compagnie aérienne nationale de Guinée équatoriale (directeur général / chef de projet), compagnie qui était vitale pour le pays sortant alors d’une dictature sanguinaire et venant de rejoindre la zone franc. J’ai été ensuite chargé de mission « Airbus et gros moteurs » à la direction des programmes aéronautiques civils, avec la chance de côtoyer de grands entrepreneurs comme Henri Martre (X47) et Jean Pierson, et de vivre une période clé de l’industrie aéronautique française et européenne.
Mais tu étais attiré par l’entreprise ?
Souhaitant en effet poursuivre en entreprise, je décide alors de faire un Executive MBA (HEC) avant de développer les premiers montages de titrisation en France ; j’ai ainsi conduit une quinzaine de transactions majeures (sur actifs ou en PPP) – qui ont toutes tenu malgré la crise financière de 2008 et ont souvent permis le sauvetage d’entreprises ou le développement d’activités stratégiques.
J’ai fait cela pendant dix ans, avant de reprendre des fonctions aéronautiques et rapidement exercer la représentation de la DGAC en Océan indien (mon « rêve d’enfant ») avec une fonction d’autorité sur l’aviation civile (sécurité, régulation et sûreté), de gestion de crises (et il y a eu de nombreuses !) et d’orientation stratégique avec la mise en place d’une filière aéronautique et spatiale ; j’ai eu la chance de développer une amitié avec Jean-Jacques Favier, physicien et astronaute, ce qui m’a donné l’idée ensuite de créer un programme destiné à former des administrateurs pour la filière aéronautique et spatiale au sens large en Europe.
Par ailleurs, j’ai toujours eu un tropisme pour les questions de défense et d’intelligence économique (réserve de la Marine nationale) et j’ai exercé de nombreux mandats d’administrateur, ce à divers titres. On voit ainsi que, tout en passant une grande partie de vie opérationnelle dans l’aéronautique, on peut exercer plusieurs métiers très divers.
Quelle est la spécificité de ces métiers, quels sont les enjeux notamment face à la transition écologique ? Quelles compétences faut-il avoir ou développer ?
Pour moi, la spécificité de ces métiers reste un fondamental autour de la sécurité (normes internationales, transparence, gestion de la complexité) ; mais c’est aussi un aspect international et géostratégique très marqué (tant pour rapprocher les peuples que les territoires ou maintenir sa souveraineté dans le domaine militaire) ; l’importance de l’innovation et d’une pensée à long terme – tout en restant proche des opérations.
Les enjeux liés à la transition écologique, qui sont structurants pour la filière, demandent des approches pluridisciplinaires et particulièrement complexes (opérations, énergies, propulsion…) tout au long de la chaîne de valeur. Si des résultats significatifs ont déjà été atteints, l’essentiel reste à venir, avec des investissements massifs (SAF, recherche sur la propulsion, aérodynamique) ; il faudra trouver les ressources et schémas de financement adaptés. Issu d’une île fragile sur le plan écologique (la disparition du dodo a inspiré Darwin), je suis particulièrement sensible aux questions climatiques ; le tout est de suivre la voie du juste milieu, mû par une volonté ferme et constante.
Et, en tant que dirigeant, quel conseil donnerais-tu à un X qui voudrait s’engager dans cette voie ? Quelles perspectives de carrière peut-il avoir ?
Les métiers de l’air et de l’espace sont particulièrement variés (recherche, conception, industrie, marketing, vente, opérations, maintenance, surveillance, financement…) ; une vraie dualité existe (civil et militaire) et les besoins globaux au niveau mondial sont immenses, en particulier pour les nations émergentes. La France a la chance d’avoir une très forte tradition dans ce domaine, qui représente un secteur d’excellence avec en 2023 un CA supérieur à 100 milliards d’euros et plus de 300 000 emplois.
La filière tient tout au long de la chaîne avec environ 30 milliards d’euros d’excédents commerciaux, 4,5 % du PIB français et 7 % de la valeur ajoutée industrielle. On y trouve toutes les tailles d’entreprise et de gouvernance. Mon principal conseil serait de suivre son instinct et sa vocation, tout en se remettant constamment en question, notamment pour préparer les évolutions de carrière, et de regarder ce qui se passe dans les secteurs structurants du numérique et de l’IA.
« Suivre son instinct et sa vocation. »
As-tu d’autres points que tu voudrais évoquer ?
Je crois réellement à une grande filière (aéronautique, spatial et transport aérien) avec les métiers de l’air et de l’espace et mon expérience (j’ai connu plusieurs secteurs notamment par la finance) m’a convaincu que la qualité humaine y était relativement remarquable, car souvent issue de vocations profondes.





