Mehdi Movassaghi (05), des rivages de la Caspienne à la Riviera en passant par l’X

Dossier : AtypiXMagazine N°Mehdi Movassaghi (05), des rivages de la Caspienne à la Riviera en passant par l’X
Par Mehdi MOVASSAGHI (05)

Meh­di est né en 1984 au bord de la Mer Cas­pienne. Le bac en poche, en 2002, il part pour Téhé­ran, à Poly­tech­nique de Téhé­ran, à 5 heures de bus. Pre­mier déra­ci­ne­ment. Deux ans plus tard, alors qu’il est loin d’avoir ache­vé sa licence, il entend par­ler par deux amis de l’École Poly­tech­nique et de la France. Il est ten­té de suivre leurs conseils. Mais ses pro­fes­seurs l’en dis­suadent : le must, ce sont les États-Unis.

Meh­di ne parle pas un mot de fran­çais. Il est encore un peu juste au niveau des études. Il tente quand même le coup et est pris.

En sep­tembre 2005, Meh­di débarque en France. Nou­veau déra­ci­ne­ment. Famille d’accueil à Per­pi­gnan, copains étran­gers comme lui (beau­coup de Chi­nois), plon­gée dans le grand bain linguistique.

A Noël, l’École Poly­tech­nique l’accueille avec ses cama­rades à Paris où ils suivent des cours inten­sifs de fran­çais. Enfin, en mars 2006, il découvre ses cama­rades de pro­mo français.

« Ce contact fut pour moi très éprou­vant, pour trois rai­sons au moins. D’abord, la langue ; mais aus­si, la manière de s’exprimer des Fran­çais : moi qui tâchais de par­ler leur langue, j’étais per­du dans leur ver­lan (NB : il a depuis lors acquis une aisance stu­pé­fiante dans ce domaine) ; et plus ennuyeux, je ne savais jamais, à les écou­ter, s’ils étaient sérieux ou s’ils blaguaient.

Ensuite, les rela­tions de cama­ra­de­rie : les Fran­çais se connais­saient déjà, ils venaient des mêmes lycées, venaient de faire leurs classes ensemble : les étran­gers comme moi devaient d’urgence recol­ler au pelo­ton. Enfin, le sys­tème sco­laire : au contraire de l’Iran, où les matières uni­ver­si­taires rele­vant de l’ingénierie, comme le génie méca­nique qui était ma spé­cia­li­té, étaient consi­dé­rées à l’égal des maths, la France cultive les matières les plus théo­riques ; je me sou­viens avoir mis plus d’une heure et demie à déchif­frer ma pre­mière page de maths. »

Meh­di n’est pas décou­ra­gé, mais il réa­lise qu’il doit faire ses preuves. Il consulte ses jeunes anciens, étran­gers comme lui, qui se sont avant lui sor­tis de cette galère. Fina­le­ment, il s’accroche.

A pos­te­rio­ri, Meh­di garde de l’X le sen­ti­ment flat­teur qu’elle l’a mis en confiance. « C’est à l’X que j’ai appris que tout est pos­sible, qu’on peut, en en sor­tant, aller sans peur vers n’importe quel chal­lenge. » Mais le diplôme le place devant un autre mur : l’entrée dans la vie active.

Sa natio­na­li­té, dans un Occi­dent qui se méfie de l’Iran, ne fut pas l’obstacle prin­ci­pal. Certes, les employeurs des sec­teurs de la défense et de l’énergie étaient un peu méfiants. Mais la crise qui affec­tait les grands groupes fran­çais pesa d’un poids plus lourd encore : on lui a même dit qu’il était trop gra­dé pour les postes proposés…

Fina­le­ment, sans espoir, il tente sa chance et entre dans le conseil, chez Bea­ring­Point. Un an plus tard, après avoir fait le tour de la ques­tion, il en rejoint l’équipe Stra­té­gie et Trans­for­ma­tion et s’y s’épanouit.

A 30 ans, Meh­di a déci­dé de choi­sir son futur. A l’heure où son pays natal revient dans la com­mu­nau­té des nations et s’apprête à libé­rer tout son poten­tiel, dans un Moyen-Orient en mou­ve­ment, il est ten­té de jeter des ponts entre ces deux uni­vers qu’il connaît bien.

Avec deux amis dont un cama­rade de pro­mo­tion, il a déci­dé de se lan­cer dans le busi­ness deve­lop­ment entre l’Occident et le Moyen-Orient. « Les oppor­tu­ni­tés sont là, et elles sont énormes, mais nos entre­prises passent à côté car elles n’arrivent pas à ins­tal­ler une véri­table com­mu­ni­ca­tion et manquent de com­pré­hen­sion des spé­ci­fi­ci­tés locales. »

Il voit les Fran­çais comme d’excellents ingé­nieurs mais de mau­vais com­mer­çants. Il déplore le tra­vers bien fran­çais qui consiste à trop peser le pour et le contre avant de s’engager, qui fait que la France est sur­clas­sée au Moyen-Orient par l’Allemagne, le Royaume-Uni et même l’Italie.

Il invite la France à s’appuyer sur les élites locales, bien édu­quées. Pour s’adonner à fond à sa nou­velle entre­prise, Meh­di a quit­té son employeur à la fin 2014. Il a sui­vi son amie polo­naise au soleil de la Rivie­ra où, grâce à Skype et à Face­Time, il écha­faude avec ses deux copains les plans de sa nou­velle activité.

Mais comme l’élue de son cœur, il reste pro­fon­dé­ment atta­ché à la France qui l’a accueilli il y a 10 ans.

Nul doute que le « guide » qui l’inspire depuis sa nais­sance sau­ra l’aider à faire pros­pé­rer son pro­jet, au car­re­four de deux civi­li­sa­tions qui ont tout pour réus­sir ensemble.

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