Prix Marius Lavet

Marius Lavet, l’archétype de l’ingénieur-inventeur

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°777 Septembre 2022

Doté par Mar­ius Lavet pour récom­penser chaque année un ingénieur français dont l’innovation con­stitue une rup­ture tech­nologique et com­mer­ciale recon­nue, le « Prix Mar­ius Lavet, Ingénieur et Inven­teur », est doté de 15 000 euros. Il entend val­oris­er le mérite de l’ingénieur inven­teur et son apti­tude à anticiper les besoins de nou­veaux marchés et sa déter­mi­na­tion. Le Prix con­tribue aus­si à dif­fuser une cul­ture de l’innovation, notam­ment auprès des jeunes publics qui se des­ti­nent aux métiers sci­en­tifiques ou d’ingénieur.

Vie et œuvres de Marius Lavet

Qui con­naît Mar­ius Lavet ? Per­son­ne ? Pas tout à fait, les ingénieurs chevron­nés en élec­tro­mag­nétisme par­lent encore du « moteur Lavet » qui est au moteur pas-à-pas ce qu’est le moteur Diesel pour les moteurs à explo­sion. Cet ingénieur diplômé des Arts et Métiers et de Supélec, petit-fils de saboti­er et fils d’aubergiste, né à l’aube du XXe siè­cle est à l’origine de la méca­tron­ique, et a déposé une cen­taine de brevets dans le domaine de l’horlogerie élec­trique puis des sys­tèmes élec­tromé­caniques. Sa méthode de tra­vail était remarquable : 

  • Dans un pre­mier temps, il agit comme « guet­teur », détecte, par­mi les pub­li­ca­tions, une nou­veauté et en recherche des appli­ca­tions dans son domaine d’intérêt, pour aug­menter ses savoirs ;
  • Dans un deux­ième temps, il prend garde de ne pas se per­dre dans des per­fec­tion­nements suc­ces­sifs, mais à dévelop­per des appli­ca­tions nou­velles. C’est ain­si que, apprenant la décou­verte du tran­sis­tor par Bell Lab­o­ra­to­ries, il imag­ine de réguler les moteurs « Brush­less » par un cir­cuit élec­tron­ique piloté par la fréquence pro­pre par­faite­ment con­stante d’un quartz pour attein­dre une pré­ci­sion iné­galée, et dépose le brevet n° 986536 sur la régu­la­tion des hor­loges élec­triques par un cir­cuit à tran­sis­tor. Aujourd’hui encore, de nom­breux action­neurs fonc­tion­nent sur ce principe, sans cesse enrichi, par exem­ple par le pilotage en micro-pas.
  • Son regret était que le rôle des ingénieurs- inven­teurs ne soit pas suff­isam­ment recon­nu par le pub­lic, ce qui l’a con­duit à léguer ses biens, essen­tielle­ment le fruit des rede­vances qu’il a perçues avec les brevets qu’il a con­tin­ué à dépos­er après sa retraite des étab­lisse­ments HATOT, pour créer un prix por­tant son nom, des­tiné à « remet­tre chaque année un prix à un ingénieur français ayant fait preuve d’activité inventive ».

Le Prix Marius Lavet, Ingénieur et inventeur

Le prix annuel Mar­ius Lavet de 15 000 euros créé en sa mémoire vise à met­tre à l’honneur des hommes et des femmes, sou­vent peu con­nus du grand pub­lic, dont la solide for­ma­tion d’ingénieur et les qual­ités humaines de per­sévérance dans leur volon­té d’innover a con­duit à faire pro­gress­er leur secteur d’activité. Le jury attache une impor­tance par­ti­c­ulière au par­cours humain des can­di­dats, qui auront démon­tré une démarche inven­tive constante.

Le Prix est organ­isé par une fon­da­tion présidée par Pierre Breesé, exé­cu­teur tes­ta­men­taire de Mar­ius Lavet, les Ingénieurs et Sci­en­tifiques de France IESF, représen­tant du corps social des ingénieurs et des sci­en­tifiques recon­nus par leurs diplômes ou leurs fonc­tions en France, la Fon­da­tion des Arts et Métiers et l’Académie des Tech­nolo­gies, et des per­son­nal­ités1 du monde de l’ingénieur.

Quelques finalistes du « Prix Marius Lavet, ingénieur et inventeur »

Les lau­réats sont des exem­ples pour les jeunes. Ils décou­vrent à tra­vers leurs par­cours con­sacrés aux sci­ences et aux tech­niques la richesse et les sat­is­fac­tions que pro­cure le méti­er d’ingénieur.

Le pre­mier lau­réat, en 2002, Jean Mor­let (X52)2 est à l’origine du traite­ment du sig­nal par trans­for­ma­tion en ondelettes, que tout ingénieur a potassé pen­dant sa for­ma­tion. Con­fron­té aux dif­fi­cultés de l’interprétation des sig­naux vibro­sis­miques pour détecter des champs pétro­lifères, Jean Mor­let, a force d’obstination, a su impos­er son approche math­é­ma­tique qui a depuis révo­lu­tion­né le domaine du traite­ment des sig­naux numériques. 

Autre lau­réat, Bernard Didi­er, ingénieur de l’école du bois, vision­naire : « seule la bio­métrie per­me­t­tra d’établir un lien indis­cutable et non répu­di­a­ble entre une per­son­ne et une trans­ac­tion ». Ces travaux sur l’analyse automa­tique des minu­ties menés dans le cadre de la société Mor­pho qu’il a créé dans les années 80 ont per­mis à la France de devenir le leader mon­di­al des sys­tèmes biométriques. 

En 2015, Pierre Gan­del, pro­longeant les travaux de Mar­ius Lavet, en étant à l’origine de 34 brevets dans le domaine des action­neurs et cap­teurs élec­tro­mag­né­tiques, a per­mis à Mov­ing Mag­net Tech­nolo­gies d’être présent, par le biais de licences, dans toutes les voitures et camions cir­cu­lant dans le monde, et à créer des stan­dards mon­di­aux dans le domaine de la mécatronique.

Plus récem­ment, Luc Sol­er, ingénieur en infor­ma­tique à l’IRCAD puis créa­teur de Vis­i­ble Patient, a dévelop­pé de nou­velles méth­odes de mod­éli­sa­tion 3D des patients pour seg­menter les organes, et créer des jumeaux numériques per­me­t­tant au chirurgien d’évaluer la meilleure stratégie opéra­toire avant l’intervention sur le patient. 

André Chouli­ka chercheur entre­pre­neur vision­naire a indus­tri­al­isé la médecine per­son­nal­isée en créant Cel­lec­tis, pour de dévelop­per une nou­velle généra­tion de traite­ment con­tre le can­cer, grâce aux celulles T ingéniérées.

L’ingénieur-inventeur du XXIe siècle

La place des ingénieurs-inven­teurs ne décline pas, bien au con­traire, elle s’adapte aux temps. Aujourd’hui, moins soli­taire, l’ingénieur-inventeur devient un élé­ment fer­tile de pro­jets col­lab­o­rat­ifs ten­ant sa place comme le musi­cien de free-jazz, mais sa maîtrise de savoirs pro­fonds, sa déter­mi­na­tion et sa créa­tiv­ité restent essen­tielles. Il con­tin­ue à mix­er dif­férentes dis­ci­plines, du numérique à la biolo­gie en pas­sant par la mécanique et la physique, et est de plus en plus inspiré par une écolo­gie inté­grale prenant en compte toutes les décli­naisons de l’écologie : envi­ron­nementale, sociale, humaine et cul­turelle. Avec la con­vic­tion que le pro­grès tech­nique n’est pas un obsta­cle mais un moyen pour con­cili­er la préser­va­tion d’une qual­ité de vie avec un meilleur respect de la nature.

Bientôt, les 20 ans du Prix Marius Lavet, ingénieur et inventeur

Dès que les cir­con­stances le per­me­t­tront, une grande man­i­fes­ta­tion est prévue pour fêter les 20 ans du prix Mar­ius Lavet, ingénieur et inven­teur, et rassem­bler la com­mu­nauté des ingénieurs et célébr­er leur rôle essen­tiel dans le pro­grès tech­nique, socié­tal et envi­ron­nemen­tal, en alliant une curiosité intel­lectuelle, une ouver­ture au monde, un pro­fond savoir et une déter­mi­na­tion pour faire aboutir leur intu­ition créa­trice. N’hésitez pas à sig­naler l’existence de ce prix aux ingénieurs-inven­teurs que vous côtoyez !


1 Chris­tine Bénard, Alain Bra­vo, Jean-Yves Bois­son, Jean Caray­on, Jean-Pierre Car­i­ou, Michel Har­mant, François Blin, Jean-Claude Lehmann, Bruno Wiltz, José Ches­noy, Guy Wal­ter, Louise Taupin

2 La Jaune et la Rouge N°633 Mars 2008

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