MAÎTRISER LE NUCLÉAIRE

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°668 Octobre 2011Par : Jean-Louis BasdevantRédacteur : Michel Gonin, professeur au département de physique de l’École polytechniqueEditeur : Groupe Eyrolles 61, bd Saint-Germain, 75240 Paris Cedex 05.

Jean-Louis Bas­de­vant a été pro­fesseur de physique à l’École poly­tech­nique de 1969 à 2004. Ancien élève de l’École nor­male supérieure, il est à l’origine de la réforme X 2000 sur l’enseignement à l’École polytechnique.

Célèbre pour son cours de mécanique quan­tique, il y a créé plusieurs cours sci­en­tifiques sur le thème de l’énergie. Ses recherch­es en physique des hautes éner­gies et en astro­physique nucléaire l’ont amené à faire de fréquents séjours dans les lab­o­ra­toires de physique améri­cains ou européens les plus réputés. Il a été fréquem­ment sol­lic­ité pour son exper­tise sur les instal­la­tions nucléaires et le traite­ment des déchets en France.

Maîtriser le nucléaire - CouvertureLa cat­a­stro­phe de Fukushi­ma a mal­heureuse­ment relancé de façon très bru­tale le débat sur la sûreté de la fil­ière nucléaire au niveau mon­di­al. Le regard sur l’utilisation des ressources énergé­tiques a pro­fondé­ment changé en ce début de siè­cle. Les deux acci­dents précé­dents majeurs, l’accident de Three Miles Island aux États-Unis en 1979 et l’explosion d’un réac­teur à Tch­er­nobyl en 1986, avaient, dans un pre­mier temps, ralen­ti le développe­ment du nucléaire des années soix­ante. Mais, au cours de la dernière décen­nie, le réchauf­fe­ment cli­ma­tique avéré, lié sans doute à l’augmentation de l’émission d’origine humaine de CO2 dans l’atmosphère, ain­si que l’épuisement démon­tré des ressources énergé­tiques fos­siles avaient remis la fil­ière exploitant la fis­sion du noy­au atom­ique au cen­tre des solu­tions pour la pro­duc­tion d’électricité. C’est donc dans un con­texte de relance du nucléaire, du moins dans cer­tains pays, que Fukushi­ma pose une nou­velle fois la ques­tion de la maîtrise du nucléaire. Suite aux récents événe­ments japon­ais, il sem­ble évi­dent que nos sociétés ne pour­ront pas faire l’économie de nou­veaux débats publics sur l’avenir du nucléaire, y com­pris dans l’Hexagone où plus de 78 % de la pro­duc­tion d’électricité provient de la fis­sion de l’atome.

Le livre de Jean-Louis Bas­de­vant doit être par con­séquent con­sid­éré comme d’utilité publique. Il s’adresse aus­si bien aux néo­phytes voulant com­pren­dre l’origine de l’énergie nucléaire, ses appli­ca­tions, ses avan­tages et faib­less­es, mais aus­si aux sci­en­tifiques et autres spé­cial­istes qui auront besoin d’une piqûre de rap­pel accom­pa­g­née d’une vue d’ensemble, actu­al­isée et très com­plète, du domaine. Jean-Louis Bas­de­vant nous présente dans ce livre les élé­ments clés de la fil­ière nucléaire dans un esprit de clarté, de rigueur sci­en­tifique et avec une péd­a­gogie digne de ses « grands amphis », célèbres à l’École polytechnique.

La pre­mière par­tie du livre (chapitres 1, 2 et 3) explique l’origine fon­da­men­tale de l’énergie nucléaire, l’ensemble des phénomènes de physique de l’infiniment petit qui lui sont asso­ciés et le phénomène finale­ment assez mirac­uleux que représente le mécan­isme de réac­tions en chaîne pour la fis­sion des noy­aux nucléaires lourds. Cette par­tie va enchanter les curieux et pas­sion­nés de la sci­ence et de la physique en par­ti­c­uli­er. L’auteur nous fait partager avec ent­hou­si­asme sa com­préhen­sion pro­fonde et limpi­de des phénomènes physiques micro­scopiques ain­si que leurs con­séquences au niveau macro­scopique dans notre vie quotidienne.

L’utilisation des fil­ières actuelles et futures de fis­sion dans la pro­duc­tion d’électricité et les acci­dents qui lui sont asso­ciés ain­si que la per­spec­tive de domes­ti­quer un jour la fusion font l’objet d’une deux­ième par­tie avec les chapitres 4, 5 et 6. Avec ses con­nais­sances pré­cis­es du domaine et sa grande cul­ture sci­en­tifique, Jean-Louis Bas­de­vant nous donne le point de vue d’un ingénieur du nucléaire sur les principes de fonc­tion­nement des dif­férents réac­teurs nucléaires, sans oubli­er une descrip­tion des prin­ci­paux élé­ments du cycle du combustible.

L’étude des caus­es et du déroule­ment pro­gres­sif des acci­dents ou cat­a­stro­phes de Three Miles Island ou Tch­er­nobyl est pas­sion­nante. L’auteur, dans ses enquêtes, endosse l’habit d’un jour­nal­iste sci­en­tifique de haut vol. La mise en per­spec­tive des acci­dents et cat­a­stro­phes sur­venus à tra­vers le monde nous aide à mieux cern­er les dan­gers réels des fil­ières en exploita­tion en France. Jean-Louis Bas­de­vant nous présente aus­si la solu­tion qua­si par­faite, celle de la fusion con­trôlée, mais qui ne reste pour l’instant qu’une voie de recherche.

Les chapitres 7 et 8 con­stituent la dernière par­tie de l’ouvrage. Le débat du nucléaire doit pren­dre en compte l’ensemble des paramètres liés à l’augmentation pro­gram­mée de la con­som­ma­tion d’énergie pri­maire au niveau mon­di­al. Il est essen­tiel d’avoir en tête les ordres de grandeur dans l’utilisation des dif­férentes sources d’énergie pour com­par­er dans un bou­quet énergé­tique du futur le nucléaire et les éner­gies renou­ve­lables. L’auteur nous rap­pelle aus­si que les risques nucléaires sont avant tout d’ordre mil­i­taire, que les réac­teurs de cen­trales nucléaires ne seront jamais des bombes et que la cir­cu­la­tion des armes nucléaires néces­site tou­jours l’attention de la com­mu­nauté internationale.

En guise de con­clu­sion, Jean-Louis Bas­de­vant revient dans le dernier chapitre sur l’actualité en tirant les pre­miers enseigne­ments de la cat­a­stro­phe de Fukushi­ma. Il con­state une ges­tion con­testable du parc nucléaire nip­pon et surtout de la cat­a­stro­phe. Bien que la France ait choisi un mode de ges­tion et une fil­ière dif­férents de ceux du pays du Soleil lev­ant, les enseigne­ments de Fukushi­ma doivent néan­moins être pris en compte dans le développe­ment des réac­teurs de généra­tion 4 et pour le pro­longe­ment de nos fil­ières REP. Finale­ment, Jean- Louis Bas­de­vant démon­tre dans ce livre que maîtris­er le nucléaire con­siste en pre­mier lieu à maîtris­er la peur irra­tionnelle que nous avons tous visà- vis de l’énergie atom­ique. Le degré zéro n’existe pas en matière de sécu­rité, mais ce livre nous aide, sans préjugé ni langue de bois, à faire la part des choses entre les dés­in­for­ma­tions des cam­pagnes médi­a­tiques de tous bor­ds et la réal­ité des faits.

2 Commentaires

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Philippe DE BEAUMONTrépondre
5 octobre 2011 à 16 h 26 min

X 61
Jean-Paul Bas­de­vant, ou son édi­teur, pour­raient-ils envoy­er quelques cen­taines d’ex­em­plaires de cet excel­lent livre aux mem­bres des Par­lements Français, Européen, Alle­mand, sans oubli­er la Chancelère Merkel ? Il faut bien édu­quer ceux qui n’ont jamais approché l’atome ! 

Hansenrépondre
31 août 2012 à 21 h 35 min

Une cri­tique de com­plai­sance ?
Bon­jour, je lis avec stu­peur votre cri­tique du livre de votre ex col­lègue : JL Bas­de­vant a ignoré les tech­niques de refroidisse­ment pas­sif des REP et REB. Dans un REP, à l’ar­rêt, il y a une con­vec­tion naturelle qui per­met de refroidir le réac­teur par un généra­teur de vapeur. Pour les REB qui devaient avoir, à l’o­rig­ine une sûreté équiv­a­lente, la vapeur est con­duite à tra­vers une tur­bine dans le tore de sur­pres­sion où elle se con­dense et remonte par la tur­bine dans le réacteur.

Pas éton­nant, alors qu’il ait si peur d’une fusion de coeur !

De plus JL Bas­de­vant fait appel à des sites dou­teux comme celui de Bron­stein : dis­si­dent-media pour y puis­er des infor­ma­tion sans analyse. 

Il ignore aus­si que l’on encore besoin de la généra­tion actuelle de réac­teurs pour déploy­er la suivante.

Ce livre est une honte pour l’Ecole Polytechnique.

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