Luxe æterna

Sous l’euphonie il y a quelque chose qui cloche dans le rapprochement entre luxe et l’X. Si luxe penche vers l’imaginaire et sollicite notre part d’irrationnel, l’X c’est le réel, quand ce n’est pas le complexe, en tout cas le logique si ce n’est le militaire. Mais le luxe et son industrie – oxymore – sont riches de paradoxes, comme plusieurs auteurs de ce mois-ci aident à le comprendre. D’abord c’est, aujourd’hui, une industrie française qui se porte bien. Ensuite c’est de longue date un patrimoine sans lequel la France, vue du reste du monde, ne serait pas complètement la France.
Le luxe n’a pas excellente presse, parce qu’il n’est pas réputé accessible à tous et qu’il s’accommode parfaitement des inégalités sociales. D’une certaine façon il s’en nourrit, au pays où l’égalitarisme est le principal horizon politique, la France, qui est donc aussi le pays du luxe. Un des auteurs du dossier avance un argument inattendu pour parer la critique sociale : le luxe est un instrument de redistribution, puisqu’il prend aux riches de leur plein gré pour donner à la classe laborieuse de ceux qui fabriquent les produits.
La critique sociétale existe aussi (au nom de la protection des espèces en particulier). Mais pas de produits de luxe qui ne seraient durables, ni de produits de luxe en quantité « industrielle ». Autrement dit la transition écologique n’est pas forcément l’ennemie de l’industrie du luxe. Qu’on raisonne en TeqCO₂ par € dépensé ou plus encore en prenant en compte la durée de vie des produits, la consommation de luxe a des arguments en défense en face de la consommation de masse.
“La seule industrie nationale qui soit n°1 mondiale, c’est celle du luxe.”
Débat peut-être légèrement spécieux, ne faisons pas la fine bouche ; alors que l’industrie française est peu fringante en regard de ce qu’elle était il y a un demi-siècle, la seule industrie nationale qui soit n° 1 mondiale, c’est celle du luxe. Et, si la plus grande (?) aventure capitalistique française appartient au domaine, ce n’est probablement pas un hasard.
Que son héraut soit polytechnicien l’est peut-être davantage, quoique. Parce que l’X aussi a à voir avec le luxe. Formation réservée à un petit nombre, dispensée par un corps enseignant de prestige dans des infrastructures de pointe, n’est-ce pas un luxe que se paye notre pays depuis 231 ans ? L’uniforme d’apparat dont les X sont dotés (pas tous désormais, il faut s’y habituer) a des caractères de majesté et d’intemporalité qui ont aussi à voir avec le luxe. Il fait beaucoup pour le décorum du Bal de l’X, soirée magique et éclatante.
Le Bal, c’est dans quelques jours et, pour cette année nous avons eu le plaisir, mêlé de surprise, de constater que la totalité des places mises à la vente – et pas données… – avait trouvé preneurs en quelques heures, un soir de l’automne dernier. Dans l’idiome de nos enfants c’est au shotgun (premier arrivé premier servi) que se joue la réservation. Pour se payer le luxe de participer à cette soirée magnifique, il ne fallait pas manquer de réflexe. À vos marques, prêts ?