Luxe æterna : le luxe et l'X

Luxe æterna

Dossier : Le mot du présidentMagazine N°805 Mai 2025
Par Loïc ROCARD (X91)

Sous l’euphonie il y a quelque chose qui cloche dans le rap­pro­che­ment entre luxe et l’X. Si luxe penche vers l’imaginaire et sol­li­cite notre part d’irrationnel, l’X c’est le réel, quand ce n’est pas le com­plexe, en tout cas le logique si ce n’est le mili­taire. Mais le luxe et son indus­trie – oxy­more – sont riches de para­doxes, comme plu­sieurs auteurs de ce mois-ci aident à le com­prendre. D’abord c’est, aujourd’hui, une indus­trie fran­çaise qui se porte bien. Ensuite c’est de longue date un patri­moine sans lequel la France, vue du reste du monde, ne serait pas com­plè­te­ment la France.

Le luxe n’a pas excel­lente presse, parce qu’il n’est pas répu­té acces­sible à tous et qu’il s’accommode par­fai­te­ment des inéga­li­tés sociales. D’une cer­taine façon il s’en nour­rit, au pays où l’égalitarisme est le prin­ci­pal hori­zon poli­tique, la France, qui est donc aus­si le pays du luxe. Un des auteurs du dos­sier avance un argu­ment inat­ten­du pour parer la cri­tique sociale : le luxe est un ins­tru­ment de redis­tri­bu­tion, puisqu’il prend aux riches de leur plein gré pour don­ner à la classe labo­rieuse de ceux qui fabriquent les produits. 

La cri­tique socié­tale existe aus­si (au nom de la pro­tec­tion des espèces en par­ti­cu­lier). Mais pas de pro­duits de luxe qui ne seraient durables, ni de pro­duits de luxe en quan­ti­té « indus­trielle ». Autre­ment dit la tran­si­tion éco­lo­gique n’est pas for­cé­ment l’ennemie de l’industrie du luxe. Qu’on rai­sonne en Teq­CO₂ par € dépen­sé ou plus encore en pre­nant en compte la durée de vie des pro­duits, la consom­ma­tion de luxe a des argu­ments en défense en face de la consom­ma­tion de masse.

“La seule industrie nationale qui soit n°1 mondiale, c’est celle du luxe.”

Débat peut-être légè­re­ment spé­cieux, ne fai­sons pas la fine bouche ; alors que l’industrie fran­çaise est peu frin­gante en regard de ce qu’elle était il y a un demi-siècle, la seule indus­trie natio­nale qui soit n° 1 mon­diale, c’est celle du luxe. Et, si la plus grande (?) aven­ture capi­ta­lis­tique fran­çaise appar­tient au domaine, ce n’est pro­ba­ble­ment pas un hasard.

Que son héraut soit poly­tech­ni­cien l’est peut-être davan­tage, quoique. Parce que l’X aus­si a à voir avec le luxe. For­ma­tion réser­vée à un petit nombre, dis­pen­sée par un corps ensei­gnant de pres­tige dans des infra­struc­tures de pointe, n’est-ce pas un luxe que se paye notre pays depuis 231 ans ? L’uniforme d’apparat dont les X sont dotés (pas tous désor­mais, il faut s’y habi­tuer) a des carac­tères de majes­té et d’intemporalité qui ont aus­si à voir avec le luxe. Il fait beau­coup pour le déco­rum du Bal de l’X, soi­rée magique et éclatante.

Le Bal, c’est dans quelques jours et, pour cette année nous avons eu le plai­sir, mêlé de sur­prise, de consta­ter que la tota­li­té des places mises à la vente – et pas don­nées… – avait trou­vé pre­neurs en quelques heures, un soir de l’automne der­nier. Dans l’idiome de nos enfants c’est au shot­gun (pre­mier arri­vé pre­mier ser­vi) que se joue la réser­va­tion. Pour se payer le luxe de par­ti­ci­per à cette soi­rée magni­fique, il ne fal­lait pas man­quer de réflexe. À vos marques, prêts ? 

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