L’omniscience de l’information selon Arlequin AI

Dossier : Vie des entreprises - Transformation numérique et intelligence artificielleMagazine N°805 Mai 2025
Par Hugo MICHERON

Arle­quin AI est une socié­té d’IA de pointe spé­cia­li­sée dans l’analyse des don­nées sociales, créa­trice de l’HuDEx, un outil per­met­tant de détec­ter et de pré­dire les ten­dances clés dans les dyna­miques sociales en ligne. Hugo Miche­ron, CEO et cofon­da­teur, nous dévoile les appli­ca­tions concrètes de la tech­no­lo­gie de Arle­quin AI et les pers­pec­tives de cette entre­prise innovante.

Pouvez-vous nous expliquer comment Arlequin AI se distingue des autres entreprises d’IA en matière d’analyse des données sociales ?

Arle­quin AI se dis­tingue par une double exper­tise, une exper­tise thé­ma­tique et une exper­tise tech­no­lo­gique avan­cée, qui se reflète dans le par­cours de ses cofon­da­teurs : je suis spé­cia­liste du Moyen-Orient et du dji­ha­disme et Antoine Jar­din expert en IA et en data science au CNRS ; il a notam­ment par­ti­ci­pé au PNRIA (Pro­gramme natio­nal de recherche en IA).

Contrai­re­ment à ce qui se fait géné­ra­le­ment en IA, notre approche va bien au-delà des LLM. Nous déve­lop­pons des outils ultra-per­for­mants, sou­ve­rains et entiè­re­ment audi­tables, sans boîte noire. Notre approche consiste à ren­for­cer l’expertise des pro­fes­sion­nels qui ne sont pas des spé­cia­listes en tech­no­lo­gie. De la sorte, Arle­quin per­met 3 choses :

  • l’exhaustivité (l’intégralité de la don­née est traitée),
  • l’efficacité (une ana­lyse peut être réa­li­sée en quelques minutes, créant un gain de pro­duc­ti­vi­té considérable),
  • et l’objectivité (absence de biais, per­met­tant la cer­ti­fi­ca­tion des résul­tats obtenus).

Cette démarche per­met de rac­cour­cir les cir­cuits de déci­sion, de faci­li­ter l’anticipation, l’alerte, l’application et l’activation à grande échelle sur des sujets allant de la Sécurité/Défense à la prise de déci­sion stra­té­gique dans le sec­teur privé.

Comment l’HuDex (Human Data Explorer) d’Arlequin AI aide-t-il les entreprises et les industries à anticiper les tendances sociales et à prendre des décisions stratégiques ?

Nous avons pour ambi­tion d’accompagner à la fois les entre­prises et le sec­teur public. Notre archi­tec­ture d’IA a été conçue selon une approche radi­ca­le­ment dif­fé­rente de celle des acteurs éta­su­niens, qui misent sur la brute force : volumes de don­nées d’entraînement et trai­te­ment illi­mi­tés, puis­sance de cal­cul illi­mi­tée et finan­ce­ments massifs.

En Europe, il nous faut nous affran­chir de cette logique. Nous fai­sons le choix d’une archi­tec­ture fon­dée sur des briques spé­cia­li­sées que nous déve­lop­pons et para­mé­trons nous-mêmes à par­tir de l’open source. Cette approche est proche de celle popu­la­ri­sée par Deep­seek, à ceci près que nous nous appuyons exclu­si­ve­ment sur des com­po­sants souverains.

Nos sys­tèmes offrent des per­for­mances supé­rieures à celles des grands modèles géné­ra­listes, pour une frac­tion du coût, repo­sant sur un déploie­ment flexible mul­ti-pla­te­forme hybride en GPU et CPU. Ils s’appuient sur des algo­rithmes d’IA non super­vi­sée, capables de trai­ter les don­nées sans intro­duire de biais. Nous ne créons donc pas un énième LLM, mais bien un modèle de compréhension.

L’HuDEx est un outil data-agnos­tic, capable de trai­ter des don­nées struc­tu­rées ou non struc­tu­rées (texte, image, audio, vidéo). Son fonc­tion­ne­ment s’apparente à celui de l’imagerie médi­cale : l’utilisateur ne for­mule aucune requête (contrai­re­ment à ChatGPT), il se contente d’uploader ses don­nées dans l’HuDEx, qui en réa­lise un scan inté­gral et fait appa­raître la struc­ture natu­relle de l’information. L’utilisateur devient ain­si omni­scient des élé­ments per­ti­nents et peut, en quelques minutes, en extraire la valeur.

Pouvez-vous me décrire la technologie et la vision de votre entreprise ?

La phi­lo­so­phie d’Arlequin est de lais­ser l’IA gérer les tâches auto­ma­ti­sables, tan­dis que l’humain se concentre sur l’interprétation et l’expertise. Notre approche euro­péenne, concep­tuelle, est issue de la recherche fon­da­men­tale au CNRS.

“Face aux géants de la tech, nous sommes une motocross coupant à travers la montagne, avec des modèles légers, open-source et composites.”

Nous consi­dé­rons que les géants de la tech, aux États-Unis et en Chine, sont des camions lan­cés à toute vitesse sur une auto­route qu’ils pré­sentent comme celle de l’AGI (Arti­fi­cial Gene­ral Intel­li­gence). Face à eux, nos modèles de com­pré­hen­sion sont une moto­cross légère fabri­quée à par­tir de com­po­sants issus de l’open source. En béné­fi­ciant du dyna­misme de la com­mu­nau­té, nous pou­vons adap­ter une roue, un élé­ment du car­bu­ra­teur, un gui­don à tout ins­tant pour aller plus vite. En cou­pant à tra­vers la mon­tagne, il n’est pas exclu que nos modèles nous mènent plus vite vers l’AGI. Cela demande une grande ambi­tion deep­tech. Nous res­tons une petite entre­prise, en phase d’amorçage, fina­li­sant une levée de fonds de 5M€, mais avec la volon­té d’aller très vite.

Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés lors du développement et de l’intégration de vos modèles d’IA ?

Le prin­ci­pal défi réside dans le trai­te­ment de don­nées très sen­sibles, qui impose un déve­lop­pe­ment on-pre­mise et davan­tage d’ingénierie — ce que nous pro­po­sons désormais.

La dif­fi­cul­té a sur­tout été de trou­ver des inter­lo­cu­teurs com­pre­nant réel­le­ment la tech­no­lo­gie et ses enjeux. Les inves­tis­seurs ne sai­sissent pas tou­jours la por­tée de l’IA, se foca­li­sant par­fois sur des appli­ca­tions banales. Il faut se recen­trer sur la deep­tech et son déploie­ment rapide. L’IA per­met d’itérer plus vite, d’avoir une ambi­tion monu­men­tale et de conce­voir des outils capables de finan­cer la crois­sance avec un busi­ness plan cré­dible. Mais encore faut-il dis­tin­guer les vrais acteurs de l’IA des nom­breux pré­ten­dants. C’est un défi pour tous, du finan­ce­ment au déploiement.

Du côté de l’ingénierie, un véri­table enjeu de « palan­ti­ri­sa­tion » se pose pour notre pro­duit. Compte tenu de notre ambi­tion et de notre convic­tion quant à l’ubiquité de l’IA, nous avons choi­si d’aborder un défi qui dépasse la seule dimen­sion tech­no­lo­gique : un défi d’ingénierie. Il s’agit de rendre notre pipe­line, ini­tia­le­ment cali­brée pour des usages spé­ci­fiques, géné­ra­li­sable, sans com­pro­mettre sa pertinence.

Comment contribuez-vous à la lutte contre la désinformation sur les réseaux sociaux ?

J’ai tra­vaillé sur la dés­in­for­ma­tion des groupes dji­ha­distes en ligne, et Arle­quin a été créée à l’origine pour com­prendre leurs modes de fonc­tion­ne­ment. Ces méthodes sont simi­laires à celles uti­li­sées par les rivaux géo­po­li­tiques de l’Europe et leurs proxys. Notre approche repose sur la convic­tion que l’IA redé­fi­nit les attri­buts du pou­voir. Les algo­rithmes ne sont pas neutres, à l’image de ceux de Tik­Tok ou X qui mettent en avant des conte­nus ultra-poli­ti­sés, viru­lents et biai­sés. Face à cela, le contre-pou­voir passe par les contre-algo­rithmes. L’Europe doit en déve­lop­per pour faire face à cette nou­velle réa­li­té, et elle dis­pose déjà du cadre légal néces­saire : la légis­la­tion DSA, notam­ment l’article 40, qui traite des risques systémiques.

Chez Arle­quin, nous uti­li­sons nos outils pour objec­ti­ver les dyna­miques infor­ma­tion­nelles et mesu­rer le poids des nar­ra­tifs hos­tiles. Plu­tôt que de nous concen­trer sur les comptes influents, nous ana­ly­sons la séman­tique (texte, image, audio, vidéo), car l’influence cir­cule sou­vent entre les com­mu­nau­tés et les petits comptes. En sui­vant les nar­ra­tifs, nous détec­tons la pro­pa­ga­tion des dis­cours hos­tiles et quan­ti­fions ces dyna­miques pour orien­ter des déci­sions efficaces.

En tant que chercheur et enseignant à Sciences Po, comment percevez-vous l’évolution de l’IA dans le contexte démocratique et quelles implications cela pourrait-il avoir ?

Je me suis tour­né vers l’IA car, en tant que cher­cheur en sciences sociales, cela était indis­pen­sable pour ne pas être dépas­sé. À Prin­ce­ton, en 2023, j’ai réa­li­sé l’importance de com­prendre les dyna­miques infor­ma­tion­nelles et leur impact concret sur la sécu­ri­té. Si des cher­cheurs comme Antoine Jar­din et moi avons fait ce che­min, c’est qu’il y a vrai­ment une révo­lu­tion en cours. D’autres acteurs comme nous vont émerger.

L’IA est un enjeu poli­tique majeur, et il est cru­cial que les sciences sociales s’en emparent. Il ne faut sur­tout pas can­ton­ner l’analyse des muta­tions en cours à l’angle pure­ment tech­nique. Ces muta­tions ont des impacts consi­dé­rables sur nos socié­tés. La tra­di­tion intel­lec­tuelle de Poly­tech­nique et de Sciences Po, qui com­bine sciences sociales et sciences dures, est essen­tielle dans ce domaine. À ce titre, un des conseillers d’Arlequin AI est Arthur Dénou­veaux, diplô­mé de l’X en 2005. Nous sommes convain­cus qu’innover avec ambi­tion et des moyens rai­son­nables peut avoir un impact considérable.

“L’IA est un enjeu politique majeur, et il est crucial que les sciences sociales s’en emparent.”

Il est impé­ra­tif de rete­nir les talents en Europe. J’ai consta­té que les ingé­nieurs fran­çais, qui occupent des postes très éle­vés et bien rému­né­rés aux États-Unis, accep­te­raient de reve­nir en France, même pour un salaire réduit, à une seule condi­tion : tra­vailler sur un pro­jet ambi­tieux. Les ten­sions géo­po­li­tiques actuelles ren­forcent davan­tage cette ten­dance. C’est ce que nous devons recréer dans les sec­teurs public et pri­vé. Il est grand temps d’être à la hau­teur de ce virage stra­té­gique qui s’opère dans le monde entier et qui place l’Europe et la France à un car­re­four. C’est notre approche à notre échelle, chez Arlequin.


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