L’intelligence des systèmes au service du climat

Dossier : Dossier FFEMagazine N°708 Octobre 2015
Par Gauthier LOUETTE (81)

La Conférence mondiale sur le climat, la COP21, se tiendra à Paris du 30 novembre au 15 décembre 2015. Du point de vue de SPIE, un Groupe européen de services qui place l’efficience énergétique au cœur de son offre, qu’en attendez-vous ?

Du con­cret. Les incan­ta­tions sur deux ou trois degrés de réchauf­fe­ment sont trop vagues. La péd­a­gogie envi­ron­nemen­tale doit émet­tre des argu­ments plus directe­ment con­va­in­cants, par exem­ple la relo­cal­i­sa­tion indus­trielle. Il faut favoris­er, partout, l’industrie locale et l’emploi local.

La COP21 doit envoy­er un mes­sage fort sur le prix de l’énergie et un mes­sage clair sur le car­bone. Le prix de la tonne de car­bone s’est effon­dré. Le monde doit absol­u­ment accepter de pay­er le car­bone plus cher.

C’est poli­tique­ment extrême­ment com­plexe puisque les pays qui brû­lent le plus de car­bone sont aus­si les moins dévelop­pés. Mais c’est indis­pens­able et il fau­dra inven­ter des sys­tèmes de péréquation.

France, Bel­gique, Lux­em­bourg – Tes­la Motors : instal­la­tion d’un réseau de super­chargeurs per­me­t­tant de réalis­er 50 % de charge en 20 minutes

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L’activité de SPIE dépend à la fois de l’exigence environnementale des entreprises, donc de la vision stratégique de leurs dirigeants, et de la réglementation, donc du courage des responsables politiques. Sur ces deux aspects, quelle tendance observez-vous ?

Pour retourn­er le reproche qui nous a été sou­vent adressé, j’ai par­fois le sen­ti­ment qu’à côté de cer­taines entre­pris­es qui ten­tent de penser à long terme, ce sont les poli­tiques qui n’ont en tête que le prochain trimestre.

Regardez l’Allemagne. Elle a arrêté ses cen­trales nucléaires et brûle du char­bon dans 132 cen­trales ! En France, j’étais favor­able à la taxe car­bone, une bonne idée respectueuse du long terme, mais elle a été aban­don­née pour des raisons politiques.

Même sort pour l’écotaxe, qui pro­po­sait aus­si une vraie avancée socié­tale, une démarche qui avait beau­coup de sens car elle tendait à rétablir le trans­port dans son vrai coût. Si le trans­port était fac­turé à son coût réel, per­son­ne, croyez-moi, n’irait fab­ri­quer en Chine des biens pour les trans­porter ensuite en Europe.

La forte baisse du prix du baril de brut en 2014 a‑t-elle aggravé cette tendance à la négligence énergétique ?

Du point de vue du groupe SPIE, qui pro­pose des solu­tions d’efficacité énergé­tique, l’énergie chère est certes un fac­teur stim­u­lant. Plus l’énergie est chère, plus il est rentable, pour les entre­pris­es con­som­ma­tri­ces, d’investir dans nos solu­tions d’économie, car le retour sur investisse­ment est plus rapide.

Mais atten­tion, il existe des effets délétères. Au début des années 2010, le pét­role cher avait per­mis l’éclosion de l’industrie des gaz et pét­role de schiste améri­cains, très com­péti­tifs, avec pour effet une relo­cal­i­sa­tion des indus­tries aux Etats-Unis, au détri­ment de l’Europe.

Ce désa­van­tage com­péti­tif européen a dis­paru. Nos clients européens se remet­tent à inve­stir en Europe. Ils savent que la baisse du bar­il en 2015 n’est qu’un répit et, qu’à terme, le pét­role repar­ti­ra à la hausse. Ils sont con­scients de la néces­sité de ne pas trop dif­fér­er les investisse­ments dans les économies d’énergie.

Où sont les plus grands gisements d’économies d’énergie ? Dans l’industrie, les services, le transport, les municipalités, chez les particuliers ?

Les deux grands gise­ments sont le bâti­ment et le trans­port. Mais des oppor­tu­nités d’efficience, il y en a partout. Le niveau général d’exigence aug­mente. Par exem­ple, il est de plus en plus ardu de louer des immeubles de bureau affec­tés d’une mau­vaise per­for­mance énergé­tique. Les véhicules élec­triques, les trans­ports urbains plus acces­si­bles dans la ville intel­li­gente, ce sont des vic­toires de l’efficacité énergétique.

PIE tra­vaille avec tous les secteurs, que ce soit une char­cu­terie indus­trielle en Alle­magne, une dis­til­lerie de whisky en Ecosse ou l’hôpital de la Char­ité à Berlin. Les gains pos­si­bles sont considérables.

En matière d’éclairage pub­lic urbain, il est facile d’économiser 50 % de la con­som­ma­tion, en par­tie grâce à de nou­veaux équipements mais surtout grâce à un pilotage beau­coup plus fin, qui con­siste à abaiss­er le niveau d’éclairement dans une rue entre telle et telle heure de la nuit. Les lumi­naires peu­vent être réglés un par un, grâce aux tech­nolo­gies numériques. Cer­gy-Pon­toise, avec les 13 com­munes de sa com­mu­nauté d’agglomération, est à cet égard un chantier emblématique.

Dans le domaine industriel, les Data Centers (centres de données) sont devenus les principaux dévoreurs d’énergie.

C’est vrai, cer­tains « Data Cen­ters » veu­lent même s’installer à prox­im­ité des cen­trales élec­triques, pour dis­pos­er de toute l’électricité néces­saire et réduire le risque de trans­port. Mais soyons clairs, les sys­tèmes de com­mu­ni­ca­tion et le traite­ment de la data sont des com­posantes essen­tielles d’une société mod­erne, énergé­tique­ment sobre et effi­cace. SPIE déploie des solu­tions de télé­tra­vail, de télémédecine, d’éclairage et de mobil­ité intel­li­gents qui néces­si­tent puis­sance de cal­cul et de stockage.

Dans les entre­pris­es, les sys­tèmes de cal­cul sont au cœur de leurs proces­sus. Mais les baies infor­ma­tiques trans­for­ment toute l’énergie qu’on leur apporte en chaleur qu’il faut évac­uer. Si la cli­ma­ti­sa­tion tombe en panne, en une heure, la tem­péra­ture atteint 50°C et il faut tout stop­per, de peur de griller le système.

Des pro­grès majeurs ont été réal­isés. Il y a dix ans, pour refroidir un cen­tre de cal­cul, il fal­lait, en cli­ma­ti­sa­tion, deux fois la puis­sance infor­ma­tique instal­lée. Main­tenant, le ratio est tombé à 1,2, voire 1,1. Au lieu de refroidir tout le bâti­ment, on refroid­it unique­ment la baie. C’est une de nos spécialités.

Avec l’irruption des énergies renouvelables, la production et le transport de l’électricité vont être décentralisés. Pour SPIE, quelles sont les menaces et les opportunités ?

Dès que le mod­èle change, c’est une oppor­tu­nité pour SPIE. Le renou­ve­lable est notre univers. On a inté­gré beau­coup de pho­to­voltaïque, beau­coup de méthani­sa­tion en Alle­magne, de la bio­masse dans le sud de la France, de l’éolien « off-shore » au Dane­mark, du « on-shore » aux Pays-Bas.

Ce sont des sources décen­tral­isées qui boule­versent l’architecture du réseau. SPIE réalise toute l’intégration, y com­pris le rac­corde­ment au réseau. Et puis, comme c’est de l’énergie inter­mit­tente, il faut que le sys­tème com­mu­nique fine­ment avec le réseau, ce qui impose une couche de sys­tèmes d’information.

Royaume-Uni – IKAROS : réalisation de trois centrales photovoltaïques dans le sud du pays par SPIE

Roy­aume-Uni – IKAROS : réal­i­sa­tion de trois cen­trales pho­to­voltaïques dans le sud du pays, d’une pro­duc­tion totale de 28 MVA, soit l’alimentation de 10 000 habitations.

SPIE est précisément un expert de « l’intelligence des systèmes ». Comment cette intelligence s’articule-t-elle avec l‘enjeu climatique ?

Prenons l’exemple d’un bâti­ment. Pour y économiser l’énergie, il faut faire fonc­tion­ner dif­férents sys­tèmes, et leur per­me­t­tre de com­mu­ni­quer entre eux. Pour sur­veiller les niveaux de tem­péra­ture et réduire celle-ci en fonc­tion du temps, gér­er l’ouverture de volets automa­tiques, couper l’éclairage dans une salle si elle est vide grâce à des détecteurs de présence, il faut installer des pro­to­coles IP qui rac­cor­dent tous ces sys­tèmes, les sur­veil­lent, véri­fient la cohérence des points de con­signe don­nés aux dif­férents éléments.

Autre exem­ple : la voiture élec­trique. SPIE vient de nouer un parte­nar­i­at avec IBM pour met­tre au point un sys­tème de super­vi­sion des bornes de recharge des véhicules électriques.

Il ne suf­fit pas de con­necter les bornes au réseau élec­trique, il faut aus­si pou­voir con­trôler leur bon fonc­tion­nement. Il y a donc une exper­tise de com­mu­ni­ca­tion à apporter. Il faut égale­ment aller jusqu’au con­som­ma­teur, lui indi­quer sur son Smart­phone qu’il y a une borne à tel endroit, qu’elle est libre, lui dire com­ment réserv­er et pay­er d’avance. Là encore, au réseau élec­trique tra­di­tion­nel, il faut rajouter l’informatique et la communication.

Par ailleurs, amen­er la capac­ité de com­mu­ni­ca­tion et d’intelligence aux foy­ers est un enjeu majeur pour les nou­veaux ser­vices aux per­son­nes. Aus­si, nous déployons beau­coup de FTTH (Fiber to the Home) aux Pays-Bas, en Suisse, en Alle­magne ou en France. Cela per­met, par exem­ple, aux per­son­nes âgées ou malades de rester chez elles plus longtemps grâce à la télé­sur­veil­lance, la détec­tion d’incidents et l’alarme.

Dans tous les cas, l’intelligence des sys­tèmes est au cœur de notre offre.

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