Portrait de Christian MARBACH (56)

L’histoire de France en Grand Uniforme

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°708 Octobre 2015Par : Christian MARBACH (56)Rédacteur : Jean-Marc CHABANAS (58)Editeur : Sabix - 2015 - Société des amis de la bibliothèque et de l’histoire de l’École polytechnique, 91128 Palaiseau Cedex.

Qu’y a‑t-il donc dans la valise de Chris­t­ian Mar­bach ? On con­naît le créa­teur de Sofinno­va, le directeur général de l’industrie, le grand man­i­tou de la Cité des sci­ences et de l’industrie. On admire le bril­lant organ­isa­teur du bicen­te­naire de l’École polytechnique.

On sait moins qu’il est aus­si homme de let­tres et même auteur, à ses heures, de romans policiers. L’Innovateur, paru il y a vingt ans, est une bril­lante énigme qu’il aurait aisé­ment pu résoudre, tel Her­cule Poirot, à l’aide de son stock iné­gal­able de petites cel­lules grises.

Mais non, il préfère, à l’instar de Miss Marple, observ­er les petits faits de la vie quo­ti­di­enne. C’est de l’examen de la valise des sus­pects, d’un pyja­ma ou d’une brosse à dents, que sur­gi­ra la vérité.

Aujourd’hui, ce sont des « por­traits de poly­tech­ni­ciens » que Chris­t­ian Mar­bach sort de sa valise. Des por­traits tout sim­ples, mais brossés avec son inim­itable tal­ent. Des por­traits tout empreints de ce goût pour l’histoire hérité de ses par­ents enseignants.

Com­bi­en de por­traits ? Deux cents ? Trois cents ? L’auteur, avec un brin de coquet­terie, con­cède ne pas le savoir lui-même. Ce dont il est sûr, c’est que la « tribu poly­tech­ni­ci­enne », fondée en 1794, compte aujourd’hui cinquante mille membres.

Ils exis­tent, il les a ren­con­trés. Et il nous en présente quelques-uns, sai­sis dans leur vie de tous les jours, mais dans le con­texte de l’histoire de France dont l’analyse de leurs tra­jec­toires indi­vidu­elles four­nit une étince­lante illustration.

Une galerie surprenante

Bien sûr, on retrou­ve les clas­siques per­son­nal­ités poly­tech­ni­ci­ennes, mais en décou­vrant au pas­sage des petits détails ignorés. Pourquoi donc les Carnot, le physi­cien et le prési­dent, descen­dants du pre­mier Carnot célèbre, celui du principe, se prénom­maient- ils Sadi ?

Livre : Portraits de polytechniciens par Christian Marbach (56)On s’attache donc avec intérêt à des per­son­nages his­toriques que l’on ne con­naît pas for­cé­ment. Par exem­ple, Doudard de Lagrée, l’explorateur du Mékong, ou Mar­cel Dieu­lafoy et son épouse Jane, archéo­logues à Baby­lone, ou encore Joachim Bar­rande, qui « a vu » les fos­siles de Bohême.

Sait-on que Charles Fab­vi­er a organ­isé, il y a près de deux cents ans, un auda­cieux plan de sauve­tage de la Grèce qu’on lui envierait aujourd’hui ?

Ou que Guil­laume Stanis­las Marey, gen­dre de Mon­ge et lui-même poly­tech­ni­cien, a con­tribué à la répu­ta­tion des fameux crus de Bourgogne ?

Sait-on que Ernesto Mali­nows­ki, ce cama­rade polon­ais devenu péru­vien, a con­stru­it dans la cordil­lère des Andes un spec­tac­u­laire chemin de fer qui sera plus tard emprun­té par Tintin et Milou ?

Ou que Saunal a décidé, en 1940, de séch­er l’oral du con­cours d’admission pour aller se bat­tre et revenir à l’X en 1945 ? Chris­t­ian Mar­bach, lui-même bril­lant ingénieur des Mines, évoque cer­tains de ses pairs, et se plaît, par exem­ple, à rap­pel­er com­ment Héron de Ville­fos­se a recen­sé « les richess­es minérales de la France ».

Alsa­cien, il accorde une large place à ces cama­rades qui ont tou­jours gardé les yeux fixés sur la ligne bleue des Vos­ges, même à des mil­liers de kilo­mètres, tel Albert Dolisie qui a lais­sé son nom à une grande ville africaine de cent mille habitants.

Médailles d’or et d’argent

À une si belle galerie de por­traits écrits, il fal­lait évidem­ment associ­er des por­traits dess­inés. C’est Claude Gondard (1965), émi­nent graveur de médailles, qui s’est chargé d’apporter à l’ouvrage une orig­i­nale unité de présentation.

On retrou­ve avec plaisir le chèche de Lam­or­i­cière, le tri­corne d’Anne Chopinet ou la coupe de cheveux inim­itable de Mar­bach lui-même. Mais on décou­vre aus­si avec atten­drisse­ment que cer­tains cama­rades fameux louchent ou por­tent la tan­gente de travers.

Mais l’on peut admir­er aus­si la longue queue d’une souris mar­su­pi­ale qui porte le nom de Boul­langer ou suiv­re l’installation par Lebas de l’obélisque de la place de la Con­corde. Enfin, qui, mieux que le créa­teur de l’École, Mon­ge en per­son­ne, aurait su rédi­ger la préface ?

Ce n’est pas un mince exploit que de l’avoir ressus­cité à bon escient pour présen­ter ce livre exceptionnel

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