L’Europe face à la pression africaine

Dossier : Démographie, un monde de disparitésMagazine N°685 Mai 2013
Par Gérard LAFAY

Les migra­tions plus ou moins impor­tantes jouent le rôle de régu­la­teur, mais le nom­bre total des êtres humains en 2050 dépend forte­ment des hypothès­es faites : plus de 9 mil­liards pour les prévi­sions offi­cielles de l’ONU, mais seule­ment 7 mil­liards pour ceux qui anticipent un fort vieil­lisse­ment de la pop­u­la­tion mon­di­ale, et une diminu­tion de cette pop­u­la­tion à par­tir de 2040.

REPÈRES
De 1950 à 2050 les élé­ments essen­tiels sont les suiv­ants : la Chine représente 22 % de l’humanité en 1950 et encore 21 % en 2000, mais seule­ment 16 % en 2050. Elle sera cepen­dant encore dans le groupe de tête qui com­pren­dra aus­si l’Inde et l’Afrique sub­sa­hari­enne (16 % à 17 % cha­cune). La pro­por­tion de l’Inde a légère­ment pro­gressé de 1950 à 2000 (de 14 % à 16 %) et restera à peu près sta­ble d’ici à 2050. La pro­por­tion de l’Afrique sub­sa­hari­enne aug­mente spec­tac­u­laire­ment : 7 % en 1950, 11 % en 2000 et 16% ou 17 % en 2050, tan­dis que dans le même temps celle de l’Europe s’effondre : 16 %, puis 9 % et enfin 7%. Les autres régions ont des évo­lu­tions moins con­trastées. Notons tout de même la baisse rel­a­tive de l’Amérique du Nord (de 7 % à 5 %) et celle du Japon, la pro­gres­sion de l’Asie du Sud (de 8 % à 14 %) et celle de la région Afrique du Nord et Moyen-Ori­ent (de 3 % à 7 %).

Deux scénarios, deux hypothèses

Il con­vient d’examiner aus­si les évo­lu­tions économiques, claire­ment dif­férentes selon le scé­nario étudié. Elles ont de fortes vari­a­tions dans les deux sens, ce que les évo­lu­tions démo­graphiques n’ont pas au même degré. La dif­férence entre les deux scé­nar­ios est suff­isam­ment impor­tante pour que l’on étudie sérieuse­ment les hypothès­es sur lesquelles ils sont fondés.

Les migra­tions plus ou moins impor­tantes jouent le rôle de régulateur

La prin­ci­pale dif­férence entre les deux étant l’arrêt de la migra­tion africaine vers l’Europe. Que faut-il donc pour que l’évolution des prochaines années s’oriente vers le scé­nario opti­mal ? Il faut d’abord que l’Europe se relève de sa langueur démo­graphique. Il faut ensuite instituer des rela­tions priv­ilégiées avec l’Afrique, non seule­ment pour le com­merce, mais aus­si pour les flux d’investissements directs.

Il faut surtout que les pays africains se dévelop­pent et se démoc­ra­tisent. Il sem­ble que l’élément décisif soit l’instruction, et en par­ti­c­uli­er l’alphabétisation des filles, ce qui con­duira d’une part à une plus grande liber­té indi­vidu­elle, et d’autre part à une fécon­dité mieux maîtrisée et plus raisonnable.

Ce dernier élé­ment est essen­tiel, car les taux de natal­ité actuels engloutis­sent les efforts de développe­ment, et la pro­duc­tion par tête est sou­vent décroissante.

Nécessaire prise de conscience

Si une prise de con­science de ces néces­sités se pro­duit, on peut espér­er que le scé­nario opti­mal sera le bon.

Si au con­traire la plu­part des pays africains restent sous-dévelop­pés et avec une démo­gra­phie débor­dante, la civil­i­sa­tion européenne n’existera plus en 2100.

Les événe­ments récents, tant dans les pays arabes qu’en Côte‑d’Ivoire, per­me­t­tent d’espérer que cette prise de con­science est en marche.

Pop­u­la­tion et pro­duc­tion dans le monde

Dix régions dans le monde

On peut divis­er le monde en dix régions rel­a­tive­ment homogènes : l’Amérique du Nord (États-Unis et Cana­da), l’Amérique latine, la Chine, l’Inde, l’Europe (Union européenne, Suisse, Norvège, Islande, ex-Yougoslavie), l’Afrique du Nord et le Moyen-Ori­ent, l’Afrique sub­sa­hari­enne, les con­fins eurasi­a­tiques (Russie, Russie blanche, Ukraine, Turquie, Asie cen­trale), les con­fins Asie-Paci­fique (Japon, Corée, Philip­pines, Indo­chine, Aus­tralie et Océanie), l’Asie du Sud, de l’Afghanistan à l’Indonésie (mais sans l’Inde).

B – Part de la production mondiale

Les graphiques, étab­lis selon les prévi­sions des Nations unies, com­plétées par les esti­ma­tions de l’auteur, mon­trent les à‑coups économiques du monde. L’Europe con­naît d’abord les trente glo­rieuses jusqu’en 1974. Elle pro­duit alors 29 % du total mon­di­al. Puis survi­en­nent les chocs pétroliers, le chô­mage de masse et le recul démo­graphique. La part européenne s’effondre : 23% en 2000, 11% en 2050. En sens inverse, la Chine ne pro­dui­sait que 3 % de la pro­duc­tion mon­di­ale. Son choix tacite du cap­i­tal­isme la fait grandir jusqu’à 20% en 2025. On note aus­si la pro­gres­sion régulière de l’Inde, jusqu’à 15% à 16% en 2050.

Ce scé­nario prévoit trois lead­ers en 2050, avec cha­cun env­i­ron 16 % de la pro­duc­tion mon­di­ale, la Chine, l’Inde et l’Amérique du Nord, alors que l’Europe ne représente plus que 11% et l’Afrique sub­sa­hari­enne env­i­ron 1,5%.

Le sec­ond scé­nario, non représen­té ici, envis­age une sta­bil­i­sa­tion démo­graphique de l’Europe (avec relève­ment de la fécon­dité) et une baisse de l’Afrique sub­sa­hari­enne (avec un ralen­tisse­ment mar­qué). Pour la pro­duc­tion, il con­duit à qua­tre blocs à qua­si-égal­ité au niveau de 15 %, dont l’Europe, l’Afrique mon­tant à hau­teur de 5%.

Commentaire

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Denis Gar­nierrépondre
29 mai 2013 à 9 h 37 min

L’Eu­rope et les occi­den­taux face à leurs responsabilités

A ma con­nai­sance, les dernières pro­jec­tions de l’ONU (mai 2011) pour 2050, sont les suiv­antes. — pro­jec­tion haute : 10,6 mil­liards — pro­jec­tion moyenne : 9,3 mil­liards — pro­jec­tion basse : 8,1 mil­liards http://esa.un.org/unpd/wpp/Other-Information/Press_Release_WPP2010.pdf


Je n’ai per­son­nelle­ment aucune source con­cer­nant les 7 mil­liards cités dans l’ar­ti­cle et qui sous enten­dent une nette décrois­sance de la pop­u­la­tion mon­di­ale puisque nous sommes d’ores et déjà aux alen­tours de 7,1 mil­liards avec un sol­de posi­tif jour­nalier supérieur à 200.000 personnes…


Main­tenant, sur cette ques­tion fon­da­men­tale de la sco­lar­i­sa­tion en Afrique occi­den­tale fran­coph­o­ne*, voici quelques chiffres : — garçons : pri­maire (68%), sec­ondaire (26%) !! — filles : pri­maire (60%), sec­ondaire (18%) !!! *Bénin, Burk­i­na-Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Tchad, Togo, Séné­gal (UNICEF 2010)


Sachant que l’on estime que l’in­struc­tion pri­maire per­met d’éviter la nais­sance de seule­ment 1 enfant par femme et qu’il faut aller jusqu’au bout du sec­ondaire pour que la fécon­dité baisse de façon sig­ni­fica­tive, la tâche est immense. Il con­viendrait donc d’aller au-delà du vœu pieux, si l’on veut sor­tir l’Afrique sub­sa­hari­enne de l’im­passe dans laque­lle elle s’est engagée.

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