L’Europe face à la crise : L’urgence de l’action collective et du renouvellement

Dossier : ExpressionsMagazine N°641 Janvier 2009
Par Philippe HERZOG (59)

Pour la pre­mière fois un Som­met de l’eu­rogroupe s’est réu­ni le 12 octo­bre dernier à l’ini­tia­tive de la Prési­dence française, ren­for­cé par la par­tic­i­pa­tion bri­tan­nique. Il a précédé la pre­mière ini­tia­tive de coor­di­na­tion des poli­tiques économiques dans l’U­nion européenne. Comme cha­cun sait, ce n’est que le début d’un ensem­ble d’ac­tions qui devront être conçues et réal­isées pour sor­tir de la crise.

Le bon mod­èle de traite­ment de la crise ban­caire a été trou­vé, mais elle n’est pas finie 

Le bon mod­èle de traite­ment de la crise ban­caire a été trou­vé, mais elle n’est pas finie. Au début de l’au­tomne le FMI a réé­val­ué ses esti­ma­tions des pertes des ban­ques de 50 %, à 1 400 mil­liards de dol­lars, alors qu’elles n’en avaient encore exposé que 600. Surtout la réces­sion économique a com­mencé et les États doivent inciter les ban­ques à fournir le crédit, d’au­tant plus vital pour le sys­tème pro­duc­tif que les signes de crise se mul­ti­plient dans les entre­pris­es. Enfin la souten­abil­ité des engage­ments et des dettes publics sur le moyen terme ain­si que le risque de désor­dres moné­taires font l’ob­jet de nou­velles préoccupations.

Transformer le système financier

L’in­ter­ven­tion publique ne devra pas seule­ment réus­sir à étein­dre le feu financier et pro­duire une ges­tion macroé­conomique de la crise sus­cep­ti­ble d’empêcher une réces­sion pro­fonde et durable ; elle devra aus­si con­cevoir et entre­pren­dre la trans­for­ma­tion du sys­tème financier de telle sorte que les opéra­teurs fassent leur méti­er dans une per­spec­tive de développe­ment plus durable et plus équitable. Agir est une respon­s­abil­ité à tous les niveaux. Les États sont à la tâche, et — mal­gré des réflex­es nation­al­istes — ils ont dans l’ur­gence com­mencé à se coordonner.

Une crise prévisible
Il est choquant d’entendre encore des dirigeants pré­ten­dre que la crise n’était pas prévisible.
Depuis de nom­breuses années on sait que l’avidité finan­cière a fait sys­tème et a engen­dré une pré­da­tion sur l’économie réelle.
L’usage du lever­age pour dop­er la rentabil­ité finan­cière sem­blait sans lim­ites. Les ban­ques se rémunéraient sur com­mis­sions et se débar­ras­saient des risques, les soi-dis­ant ban­ques d’investissement étaient court-termistes.
Des marchés des cap­i­taux non régulés fleuris­saient : Michel Camdessus rap­pelle avoir demandé aux gou­verne­ments – en vain – que le FMI soit chargé de les encadr­er après la crise du Mex­ique (1994–1995) et celle en Asie (1997–1999).
Augustin de Romanet rap­pelle que la bulle Inter­net était déjà liée à l’espoir de rentabil­ités indécentes.
Demain il fau­dra que des régu­la­tions ramè­nent les ban­ques au méti­er de la trans­for­ma­tion, à prêter en fonc­tion des fonds pro­pres, à revenir à l’appréciation du risque, et que soient créées de nou­velles insti­tu­tions ou fonds se dédi­ant aux investisse­ments de long terme.
Philippe Maystadt, prési­dent de la BEI, en est convaincu.

Un examen de conscience

Le Som­met du G20 le 15 novem­bre dernier, à l’ini­tia­tive de la Prési­dence française de l’U­nion européenne, est un pre­mier pas appré­cia­ble. Il amorce l’élar­gisse­ment de la gou­ver­nance mon­di­ale aux puis­sances émer­gentes, dont le poids financier (en réserves et en fonds) est devenu majeur au point qu’elles sont dev­enues les créanciers de l’Occident.

Une igno­rance de la réalité
Com­ment ne pas soulign­er que la notion du décou­plage entre l’Eu­rope et les États-Unis n’é­tait pas seule­ment une fable, elle tradui­sait une réelle igno­rance de la réal­ité des impacts de la glob­al­i­sa­tion. La Com­mis­sion a dis­sous il y a longtemps sa cel­lule de prospec­tive, et la France con­duit sa poli­tique en nég­ligeant de la situer d’abord dans le con­texte européen et glob­al (sauf pour la con­trainte budgé­taire, et encore !).

Demain il fau­dra réformer le FMI et d’autres insti­tu­tions pour leur faire place, ce qui sig­ni­fie aban­don­ner des prérog­a­tives de pou­voir. Un tra­vail col­lec­tif est con­fié au Forum pour la sta­bil­ité finan­cière afin d’amélior­er la régu­la­tion. Mais il ne faut pas oubli­er que la résorp­tion des déséquili­bres moné­taires et financiers entre les dif­férentes régions du monde (par exem­ple l’é­pargne nulle aux États-Unis et à 50 % du PIB en Chine) ne sera pas obtenue par la seule ” régu­la­tion “, elle appelle une très dif­fi­cile coor­di­na­tion mon­di­ale des poli­tiques économiques.

Agir au niveau glob­al ne doit pas exonér­er l’U­nion européenne d’un exa­m­en de con­science intérieur. Depuis des années elle ne s’est pas souciée de se dot­er d’une ges­tion macroé­conomique. La Com­mis­sion s’est con­tentée de pro­mou­voir la con­cur­rence et sol­liciter des poli­tiques struc­turelles chez les États membres.

Glob­al­i­sa­tion et nation­al­i­sa­tion auront du mal à partager le même lit

Comme le souligne Michel Agli­et­ta, c’est une carence majeure qui a freiné l’in­no­va­tion et la crois­sance poten­tielle et qui dans l’im­mé­di­at com­plique sin­gulière­ment la réac­tiv­ité à la crise. Il faut rap­pel­er que la crois­sance poten­tielle en Europe ralen­tit pro­gres­sive­ment depuis plusieurs décen­nies. En ce qui con­cerne la régu­la­tion finan­cière, elle demeure, sauf pour les paiements et les valeurs mobil­ières, l’a­panage des États : le marché intérieur des ser­vices financiers n’est pas construit.

Même pour la super­vi­sion européenne des étab­lisse­ments financiers, on s’est heurté aux sou­verain­ismes nationaux, ce qui est pro­pre­ment aber­rant quand ces étab­lisse­ments ont une intense activ­ité transna­tionale. Au FMI plusieurs gou­verne­ments nationaux européens occu­pent des sièges, d’ailleurs sans se coor­don­ner, alors qu’ils ont renon­cé à la mon­naie nationale pour l’eu­ro, tan­dis que cette mon­naie n’a aucune représen­ta­tion poli­tique. Sit­u­a­tion ubuesque, qui souligne à quel point l’U­nion n’est pas encore un acteur global.

Un nouvel équilibre


Stras­bourg, le Par­lement européen.

Il faut dans l’ur­gence com­mencer à s’at­ta­quer à tous ces chantiers. Con­solid­er l’UEM est indis­pens­able pour que l’Eu­rope évite une réces­sion pro­fonde et longue, une nou­velle perte de cohé­sion, et un nou­v­el affaib­lisse­ment de son poten­tiel de crois­sance, comme cela fut le cas dans les précé­dentes phas­es de crise cyclique. Cela implique une forte sol­i­dar­ité — on doit méditer le choc islandais -, car de nom­breux pays, par exem­ple dans les nou­veaux États mem­bres, et nom­bre de col­lec­tiv­ités sont par­ti­c­ulière­ment exposés. Daniel Bow­ers, directeur de Absolute Strat­e­gy Research, souligne avec lucid­ité que le risque afférent à une fail­lite ban­caire d’am­pli­tude sys­témique n’est pas élim­iné par les opéra­tions de nation­al­i­sa­tion (visant à recap­i­talis­er les ban­ques), il est trans­féré à des gou­verne­ments nationaux.

La Com­mis­sion s’est con­tentée de pro­mou­voir la con­cur­rence et sol­liciter des poli­tiques structurelles

La glob­al­i­sa­tion et la nation­al­i­sa­tion auront du mal à partager le même lit ! Il est cru­cial pour l’Eu­rope de réfléchir à un nou­v­el équili­bre de l’in­ter­ven­tion publique et du marché. L’U­nion devra se dot­er d’un régu­la­teur européen et de fonds pour mutu­alis­er les risques de chocs asymétriques entre les pays et les entreprises.

Pour relancer son économie avec de nou­veaux moteurs de crois­sance durable, elle devra créer des groupe­ments d’in­vestis­seurs publics et privés dédiés au long terme. Et les États devront enfin recon­naître qu’il n’y a pas de ” gou­verne­ment économique ” sans out­ils. L’U­nion est uni­jam­biste : la BCE a un réel pou­voir, dont elle se sert bien dans la crise, et qui devra être éten­du à la super­vi­sion ban­caire, mais il n’y a pas de bud­get fédéral. Il serait sur­réal­iste que la prochaine dis­cus­sion prévue soit con­finée aux ressources pour l’après 2013. 

Se doter de ressources propres

Les États alig­nent actuelle­ment des cen­taines de mil­liards d’eu­ros en sauve­tage des ban­ques. Même si une par­tie n’est que virtuelle, même s’ils espèrent plus tard un retour, des ten­sions graves pèseront sur les finances publiques, entraî­nant des risques d’ar­bi­trage douloureux, par exem­ple entre le finance­ment des retraites et celui du cap­i­tal humain.

Fusion­ner des représen­ta­tions externes est la con­di­tion pour que l’Union par­le d’une seule voix et au nom de tous ses membres

Il est donc cru­cial que l’U­nion prenne sa part de respon­s­abil­ité. Elle doit se dot­er de ressources pro­pres et con­tribuer le plus tôt pos­si­ble à des dépens­es d’in­térêt général. D’autre part, pour que l’Eu­rope pèse dans une régu­la­tion finan­cière glob­ale, les États devront fusion­ner des représen­ta­tions externes : c’est la con­di­tion pour que l’U­nion par­le d’une seule voix et au nom de tous ses mem­bres. Les pays émer­gents, dont le rôle sera cru­cial pour la souten­abil­ité d’une nou­velle crois­sance, pour­raient gag­n­er simul­tané­ment leur place dans les insti­tu­tions internationales.

Les deux prochaines années devraient donc être con­sacrées à l’ac­tion con­jonc­turelle et à la refon­da­tion de la stratégie de l’U­nion. Les deux vont de pair, car on ne peut vis­er juste à court terme sans engager une nou­velle per­spec­tive de long terme. La stratégie de Lis­bonne pour la crois­sance, la com­péti­tiv­ité et l’emploi (2000, 2005), dont les résul­tats ont été insuff­isants, ne répond plus aux réal­ités du monde actuel.

Le renouvellement est un enjeu démocratique

L’échec de l’Eu­rope à pro­mou­voir ” la société de la con­nais­sance ” et à dévelop­per les com­pé­tences pour l’in­no­va­tion, devrait par­ti­c­ulière­ment alert­er. Il faut mobilis­er les sociétés pour un effort de mod­erni­sa­tion com­pa­ra­ble à celui con­sen­ti après-guerre, en visant un nou­veau type de plein-emploi, celui des capac­ités humaines, sans exclusions.

Des impacts sociaux
Les impacts soci­aux majeurs de la crise actuelle peu­vent entraîn­er des réac­tions pop­u­laires très vives, nour­rir la rad­i­cal­ité plutôt que la con­struc­tion, le rejet plutôt que le désir d’Eu­rope. Il faut relancer l’Eu­rope sociale autour de cette renais­sance éduca­tive et de cette per­spec­tive com­mune de plein-emploi. Cela implique un marché européen du tra­vail et la val­ori­sa­tion des mobil­ités, lesquelles néces­si­tent un développe­ment majeur du dia­logue social. L’U­nion devra cess­er de nier sa part de respon­s­abil­ité dans le partage — asymétrique — des béné­fices et des coûts de ses pro­pres politiques.

Quelques pays l’ont entre­pris en Europe, mais en France on se divise encore sur le principe même d’une réforme éduca­tive et du marché du tra­vail. Un boule­verse­ment de la répar­ti­tion mon­di­ale des savoirs et des con­nais­sances est en cours, alors que nous vieil­lis­sons et que sévis­sent les échecs et les lacunes de sys­tèmes sco­laires nationaux intro­ver­tis. Rap­pelons que les États ont voulu garder toute la main sur l’é­d­u­ca­tion, laque­lle était totale­ment absente du traité de Rome.

L’U­nion tente de jouer le rôle de catal­y­seur des réformes, mais mez­zo voce. Il est temps de bâtir un pro­jet édu­catif et cul­turel européen. Ce serait une nou­velle Renais­sance, car la pre­mière a com­mencé par l’é­d­u­ca­tion, avant que les États-nations n’im­posent des frac­tion­nements et bâtis­sent des forteresses.

Le besoin d’un marché intérieur


Par­lement européen à Bruxelles.

Les entre­pris­es devront égale­ment recon­sid­ér­er leur engage­ment européen. Les indus­tries européennes ont de gros atouts mais sont très vul­nérables. La marche à la mon­di­al­i­sa­tion a pu s’ac­com­pa­g­n­er d’un affaib­lisse­ment du souci de con­solid­er le camp de base européen. Nous avons besoin d’un marché intérieur plus inté­gré et plus effi­cient, et de poli­tiques publiques com­munes volon­taires, tant pour stim­uler la créa­tion et l’in­no­va­tion que pour obtenir la réciproc­ité et bâtir les parte­nar­i­ats néces­saires au plan inter­na­tion­al. L’in­térêt comme la voca­tion de l’Eu­rope sont aus­si de ren­forcer le choix du mul­ti­latéral­isme. Pas­cal Lamy a rai­son de deman­der aux États de se saisir du con­texte actuel comme d’une oppor­tu­nité pour faire avancer trois négo­ci­a­tions par­al­lèle­ment : l’aboutisse­ment du Doha Round, la lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique et la réforme des insti­tu­tions finan­cières inter­na­tionales. Les réalis­er ensem­ble serait une assur­ance col­lec­tive pour une mon­di­al­i­sa­tion plus responsable.

De façon générale il faut main­tenant, j’en suis con­va­in­cu, dépass­er la struc­ture men­tale qui a con­duit la relance de l’Eu­rope dans les années qua­tre-vingt et qua­tre-vingt-dix, dont l’es­souf­fle­ment his­torique et la perte de capac­ité d’im­pul­sion sont fla­grants. Et cela est un immense enjeu démoc­ra­tique. Ce ne sont pas les approches tech­nocra­tiques et les seules coor­di­na­tions qui lèveront les obsta­cles, mais l’en­gage­ment des sociétés et de tous les acteurs.

Les leçons des référendums

L’intérêt comme la voca­tion de l’Europe sont aus­si de ren­forcer le choix du multilatéralisme

La prise de con­science actuelle que l’U­nion peut peser sur les affaires du monde si elle est unie, et que les États doivent s’ac­corder pour qu’il en soit ain­si, est insuff­isante et frag­ile. Et la poli­ti­sa­tion de la vie européenne qui est désor­mais un fait médi­a­tique et pop­u­laire reste placée sous le prisme des cul­tures et des intérêts nationaux. Les leçons des échecs des référen­dums nationaux en France, en Hol­lande, en Irlande…, n’ont pas été tirées. La démoc­ra­tie directe nationale ne porte pas spon­tané­ment l’in­térêt général européen. Les citoyens doivent appren­dre à dis­tinguer les dif­férents niveaux de respon­s­abil­ités. Il faut souhaiter que le traité de Lis­bonne aboutisse, pour que le volon­tarisme de la Prési­dence française soit con­forté, mais de toute façon l’i­den­ti­fi­ca­tion du sens de la con­struc­tion com­mune est désor­mais un impératif.

Enfonçons le clou sur le prob­lème de la méthode et inven­tons une gou­ver­nance démoc­ra­tique. Les poli­tiques de sor­tie de crise et de redéf­i­ni­tion de la stratégie appel­lent un véri­ta­ble agen­da engageant tous les respon­s­ables. Pour cela un proces­sus inter­ac­t­if con­duit dans un espace pub­lic paneu­ropéen doit per­me­t­tre aux citoyens d’être asso­ciés à la déf­i­ni­tion des choix qui tran­scen­deront les intérêts nationaux.

Dix-huit grands écon­o­mistes, acteurs de la société civile, hauts fonc­tion­naires de la Com­mis­sion sont par­tis ” à la recherche de l’in­térêt européen “, le temps d’un sémi­naire débouchant sur un livre col­lec­tif. Cf. À la recherche de l’in­térêt européen, coll. L’Eu­rope après l’Eu­rope de Con­fronta­tions Europe, aux édi­tions Le Man­u­scrit, octo­bre 2008, ouvrage col­lec­tif dirigé par Philippe Her­zog, avec notam­ment les con­tri­bu­tions d’autres poly­tech­ni­ciens : Michel Agli­et­ta, Nico­las Véron et Jérôme Vignon1. Ils souhait­ent que le même effort ait lieu grandeur nature à l’échelle de toute l’U­nion dans des cir­con­stances excep­tion­nelle­ment graves, afin que cela débouche le plus tôt pos­si­ble sur une nou­velle dynamique communautaire.
Dans notre précé­dente édi­tion, Hervé Gou­rio (59) rap­pelait que ” L’ou­vrage se dis­tingue par son ampleur et sa pro­fondeur à pro­pos d’une ques­tion fon­da­men­tale, mal­heureuse­ment trop nég­ligée : l’U­nion européenne a‑t-elle des intérêts com­muns qui sur­plombent les intérêts de ses com­posantes et en par­ti­c­uli­er des pays mem­bres ? Com­ment définir l’in­térêt européen ?
Que cette ques­tion ne soit pas pri­or­i­taire en ces temps de mon­di­al­i­sa­tion accélérée est un témoignage ironique de l’in­tro­ver­sion du proces­sus et des acteurs de la con­struc­tion européenne. Con­fronta­tions y a con­sacré une année d’ef­forts dans des réu­nions où cha­cun des con­tribu­teurs (et quelques autres) vin­rent présen­ter leurs vues et débat­tre avec les mem­bres de l’As­so­ci­a­tion. Philippe Her­zog pro­pose un nou­v­el Acte unique qui spé­ci­fie les domaines et les modal­ités d’un repo­si­tion­nement de l’U­nion comme acteur global. ”
 
1. Ren­seigne­ments sur www.confrontations.org

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