Les universités françaises et la formation continue 1968–2002

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°621 Janvier 2007Par : Jacques Denantes (49)Rédacteur : Dominique MOYEN (57)

Un pro­fesseur de Paris X – Nan­terre esti­mait, en 2003, que le ser­vice de for­ma­tion con­tin­ue de l’Université n’était pas fréquentable car il ne fai­sait pas de recherche. Au même moment, cer­tains uni­ver­si­taires affir­maient que la for­ma­tion con­tin­ue devait devenir par­tie inté­grante de l’Université, en étroite sym­biose avec la for­ma­tion ini­tiale tan­dis que d’autres cri­ti­quaient le fait que la for­ma­tion con­tin­ue soit guidée par une logique de change­ment et de professionnalisation.

C’est, à titre d’exemples, quelques-unes de ces opin­ions que rap­porte Jacques Denantes dans sa remar­quable étude sur l’histoire et l’analyse de la for­ma­tion con­tin­ue dans les uni­ver­sités en France, étude qui a per­mis à cet ingénieur général hon­o­raire des Ponts de devenir doc­teur en sci­ence de l’éducation en 2005.

L’histoire de la lente per­co­la­tion de la for­ma­tion con­tin­ue dans les uni­ver­sités com­mence en 1968. Elle est racon­tée de façon pré­cise jusqu’en 2002, avec ses grandes étapes, loi de 1968, loi de 1984, loi de 1971, etc., jusqu’à la loi de mod­erni­sa­tion sociale de 2002 qui lui donne de nou­velles bases en général­isant la val­i­da­tion des acquis de l’expérience, dite VAE. Sont aus­si décrits avec pré­ci­sion les grands événe­ments, pris­es de posi­tion, con­grès, déc­la­ra­tions min­istérielles et, last but not least, des réal­i­sa­tions du vaste pro­jet qui ferait des uni­ver­sités des parte­naires de la for­ma­tion tout au long de la vie.

Cette his­toire est précédée par des analy­ses fines et argu­men­tées du « monde de la for­ma­tion con­tin­ue » et par l’exposé de posi­tions offi­cielles con­trastées de quelques-uns de ses acteurs principaux.

En troisième par­tie, Jacques Denantes tente de com­pren­dre les com­porte­ments des parte­naires en cause, notam­ment à par­tir d’un mod­èle de « con­fig­u­ra­tion uni­ver­si­taire » qu’il applique aux deux uni­ver­sités dans lesquelles il a par­ti­c­ulière­ment enquêté : Paris X – Nan­terre et Lille I. L’auteur n’aborde pas les expéri­ences ou les réus­sites – s’il en existe, ce n’est pas cer­tain – que l’on pour­rait trou­ver à l’étranger, mais quiconque voudrait faire une telle enquête devrait com­mencer par lire son traité pour s’inspirer de ses méth­odes et de sa rigueur.

Ce qui rend l’étude si intéres­sante, c’est que l’on partage avec l’auteur, le sen­ti­ment que, certes, les uni­ver­sités par­ticipent – pas si mal que cela – à la for­ma­tion con­tin­ue, cet « échange con­traire à leur nature, de savoir con­tre de l’argent ».

Mais dans le vaste monde de la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle con­tin­ue, celui des adultes en mal de com­pé­tences, celui des pro­fes­sions gour­man­des de ressources humaines, celui des min­istres soucieux de mar­quer le paysage, celui des enseignants avec leurs codes et leurs rites, celui des syn­di­cats sou­vent peu ten­tés par les aven­tures, dans ce vaste monde, des brico­lages ont été réal­isés, qui ont quelque­fois réus­si, mais per­son­ne n’a encore osé ou voulu ouvrir vrai­ment la boîte de Pan­dore où se con­fron­tent des notions aus­si impérieuses que la for­ma­tion tout au long de la vie, le savoir pour le savoir, la recherche sou­veraine, la détes­ta­tion du mer­can­til­isme et du pro­vi­soire, etc.

Et, c’est pas­sion­nant, on aimerait en dis­cuter avec l’auteur car cela donne à penser. On se prend à avoir envie de pro­pos­er une poli­tique de for­ma­tion con­tin­ue pour la France qui serait un mod­èle pour l’Europe, bien sûr.

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