Les quasi-cristaux : quinze ans après, quelques énigmes subsistent…

Dossier : La chimie nouvelleMagazine N°572 Février 2002
Par Denis GRATIAS

Au print­emps 1982, Dany Shecht­man, chercheur israélien de l’In­sti­tut de tech­nolo­gie Tekhnion (Haï­fa) en séjour au NBS (aujour­d’hui NIST) à Wash­ing­ton DC, décou­vre dans un alliage AlMn rapi­de­ment solid­i­fié une phase ayant toutes les car­ac­téris­tiques d’un cristal mais pos­sé­dant une symétrie icosaé­drique incom­pat­i­ble avec la péri­od­ic­ité cristalline. Au cours des deux ans qui suiv­ent, Shecht­man cherchera en vain à expli­quer dans le cadre des par­a­digmes de l’époque ses obser­va­tions expéri­men­tales d’ap­parence para­doxale. Il devra se résoudre à la con­clu­sion que ce solide est un édi­fice atom­ique néces­saire­ment non péri­odique mais dont les atom­es sont remar­quable­ment ordon­nés à longue dis­tance et ce n’est que fin 1984, qu’il annon­cera, avec trois de ses col­lègues, sa décou­verte dans un arti­cle à Phys­i­cal Review Let­ters1.

La réac­tion de la com­mu­nauté sci­en­tifique est immé­di­ate : Dov Levine et Paul Stein­hardt2 pub­lient dans le même vol­ume une pre­mière descrip­tion algébrique de cet ordre géométrique nou­veau et intro­duisent le mot ” qua­sicrys­tal “. Début 1985, Michel Duneau et André Katz3, chercheurs au Cen­tre de physique théorique de l’É­cole poly­tech­nique, pub­lient l’ar­ti­cle fon­da­teur de la méthode mod­erne de descrip­tion de ces objets : un qua­si-cristal peut être engen­dré en effec­tu­ant une coupe tridi­men­sion­nelle d’ori­en­ta­tion irra­tionnelle d’un objet péri­odique d’un espace de plus grande dimension.

Ici, le mot qua­si-cristal est enten­du comme une con­trac­tion de ” cristal qua­si péri­odique ” en référence aux travaux des math­é­mati­ciens H. Bohr4 et A. Besi­cov­ic5 sur les fonc­tions presque péri­odiques. Avec les travaux con­comi­tants des Russ­es P. A. Kalu­g­in, Y. E. Kitaev et L. S. Lev­i­tov6, puis de l’Améri­cain V. Elser7, la méthode de coupe irra­tionnelle d’un espace de dimen­sion supérieure à 3 s’im­pose dès 1986 comme le cadre math­é­ma­tique naturel de la descrip­tion atom­ique des quasi-cristaux.

Fig­ure 1
À gauche : dia­gramme de dif­frac­tion élec­tron­ique de l’alliage AlMn rapi­de­ment solid­i­fié décou­vert par Shecht­man. On y observe des pics de dif­frac­tion ana­logues à ceux observés dans les cristaux mais qui dessi­nent une fig­ure de symétrie quinaire incom­pat­i­ble avec la symétrie de trans­la­tion cristalline. À droite : un pavage qua­si péri­odique du plan avec des tuiles dérivées de celles de Roger Pen­rose ; ce pavage admet une fig­ure de dif­frac­tion qui est l’analogue bidi­men­sion­nel de celles observées dans les qua­si-cristaux réels icosaédriques


L’im­age la plus sim­ple d’un arrange­ment qua­si péri­odique est celle imag­inée en 1979 — et dans un autre con­texte — par le grand physi­cien théoricien anglais Roger Pen­rose8 qui inven­ta un pavage non péri­odique du plan par deux types de tuiles obéis­sant à une loi de con­struc­tion déter­min­iste, et dont la fig­ure de dif­frac­tion est con­sti­tuée de pics fins, comme pour les cristaux, mais se répar­tis­sant sur des fig­ures à symétrie pen­tag­o­nale. Ce pavage devint rapi­de­ment l’arché­type des qua­si-cristaux lorsqu’il fut démon­tré par Katz et Duneau qu’il est le résul­tat d’une coupe bidi­men­sion­nelle irra­tionnelle d’un objet péri­odique de dimen­sion 4.

Il ne man­quait, pen­sait-on à l’époque, que des échan­til­lons de taille macro­scopique et de bonne qual­ité pour résoudre le prob­lème cristal­lo­graphique. Là aus­si, les pro­grès furent très rapides.

Fig­ure 2
Exemples d’alliages quasi cristallins.
Exem­ples d’alliages qua­si cristallins.
À gauche : grains de phase icosaé­drique dans l’alliage AlCuFe obtenus après refroidisse­ment lent.
(Cliché A. QUIVY, CECM-CNRS, Vitry).
À droite : mono­grain macro­scopique de la phase icosaé­drique de l’alliage AlPdMn obtenu par solid­i­fi­ca­tion et crois­sance con­trôlée d’un germe (méthode de Czro­cral­sky) à par­tir du bain liquide.
(Cliché Y. CALVAYRAC, CECM-CNRS, Vitry).


L’al­liage métastable ini­tial de la décou­verte de Shecht­man fut bien­tôt suivi d’une mul­ti­tude de nou­velles phas­es, la phase décago­nale décou­verte par L. Ben­der­sky9 au NIST, puis des phas­es sta­bles dans les sys­tèmes AlCuFe et AlPdMn par le groupe de A.-P. Tsai10 à Sendai.

On réper­to­rie aujour­d’hui plus d’une cen­taine d’al­liages métalliques (en grande majorité à base alu­mini­um) for­mant des phas­es qua­si cristallines par sim­ple refroidisse­ment lent des bains de fusion des éléments.

Ain­si, dès le début des années 1990, des mod­èles atom­iques plau­si­bles ont pu être pro­posés mais toute­fois sans jamais attein­dre la pré­ci­sion des déter­mi­na­tions cristal­lo­graphiques usuelles. La dif­fi­culté réside dans le fait que la descrip­tion d’un qua­si-cristal requiert un espace de dimen­sion 6 (pour les struc­tures icosaé­driques) en sorte que les paramètres définis­sant la struc­ture atom­ique sont beau­coup plus nom­breux (a pri­ori en nom­bre infi­ni) que ceux néces­saires à car­ac­téris­er un cristal ordinaire.

Il faut émet­tre un cer­tain nom­bre d’hy­pothès­es physiques et géométriques pour pou­voir traiter numérique­ment ce prob­lème qui, même réduit à la vision idéale la plus sim­ple du ” qua­si-cristal par­fait “, reste d’une red­outable com­plex­ité. La ques­tion est donc encore ouverte de savoir la ou lesquelles de ces hypothès­es doivent être mod­i­fiées pour con­duire à un meilleur accord avec les don­nées expérimentales.

Fig­ure 3
Amas atomiques de quasi-cristaux
Les deux amas atom­iques de gauche (con­tenant respec­tive­ment, de gauche à droite, 33 et 50 atom­es) con­stituent les con­fig­u­ra­tions atom­iques les plus fréquentes des struc­tures icosaé­driques AlPdMn et AlCuFe. Ces amas s’interconnectent dans l’espace pour don­ner, sur l’image de droite, un ensem­ble dense ordon­né d’atomes dont la com­pac­ité est proche de celle des métaux et alliages CFC usuels.

Quelques points sont cepen­dant solide­ment étab­lis. Ain­si, les qua­si-cristaux réels et les pavages qua­si péri­odiques parta­gent des pro­priétés essen­tielles. Le pavage, choisi de façon ad hoc, joue, pour le qua­si-cristal, un rôle très ana­logue à celui du réseau de trans­la­tion pour un cristal. Tout motif atom­ique de taille finie se répète uni­for­mé­ment dans la struc­ture et toute boule de ray­on fini con­tient un nom­bre fini de con­fig­u­ra­tions atom­iques locales, tou­jours les mêmes quelle que soit la posi­tion de la boule (de même que le pavage de Pen­rose de la fig­ure 1 est engen­dré par deux types de tuiles seulement).

On peut alors don­ner une descrip­tion sim­pli­fiée des struc­tures atom­iques en décrivant les quelques types d’a­mas atom­iques les plus fréquents. Par exem­ple, près de 95 % des atom­es des struc­tures icosaé­driques AlCuFe et AlPdMn se répar­tis­sent sur les deux amas pro­to­types présen­tés sur la fig­ure 3. Ces amas s’in­ter­sectent les uns les autres pour con­duire à un assem­blage qua­si péri­odique com­plexe dont la symétrie moyenne est celle de l’icosaèdre.

Deux ques­tions liées restent aujour­d’hui au cœur des prob­lèmes struc­turaux, celle de l’o­rig­ine de la sta­bil­ité ther­mo­dy­namique de ces phas­es et celle de leurs modes de croissance.

Les qua­si-cristaux exis­tant essen­tielle­ment dans les alliages métalliques, on peut raisonnable­ment penser que les inter­ac­tions chim­iques dom­i­nantes entre espèces atom­iques sont celles à courte et moyenne dis­tances. On sait d’autre part que des pavages sim­ples comme celui de Pen­rose obéis­sent à des règles d’in­ci­dence qui stip­u­lent com­ment deux tuiles adja­centes doivent être dis­posées pour con­duire à un agence­ment qua­si péri­odique à longue dis­tance. Du point de vue physique, ces règles géométriques indiquent que l’or­dre qua­si péri­odique se propage par infor­ma­tion locale en bon accord avec l’hy­pothèse que les inter­ac­tions chim­iques entre atom­es sont de portée finie.

Fig­ure 4
Dislocations dans les quasi-cristaux.
Dis­lo­ca­tions dans les quasi-cristaux.
À gauche : obser­va­tion en micro­scopie élec­tron­ique à trans­mis­sion de dis­lo­ca­tions dans l’alliage icosaé­drique AlPdMn.
Au cen­tre et à droite : les tech­niques d’observations mod­ernes dites de fais­ceaux con­ver­gents aux grands angles (LACBED) qui super­posent des infor­ma­tions du plan focal (espace réciproque de la dif­frac­tion) et du plan image (espace direct de la struc­ture) per­me­t­tent de car­ac­téris­er ces défauts directe­ment dans le grand espace de dimen­sion 6.
(Clichés Daniel CAILLARD CEMES/LEO-CNRS, Toulouse).

Une dif­fi­culté con­ceptuelle majeure appa­raît lorsqu’on prend en compte le fait que ces règles d’in­ci­dence ne sont pas des règles de crois­sance au sens où, lors de la con­struc­tion du pavage, des sit­u­a­tions appa­rais­sent où l’une ou l’autre des tuiles peu­vent être choisies qui sat­is­font égale­ment les règles. Le choix requiert alors un exa­m­en de l’ensem­ble du pavage déjà con­stru­it ; en ce sens la crois­sance n’est pas un proces­sus local et devrait être expo­nen­tielle­ment lente pour un qua­si-cristal par­fait, ou con­duire, la taille aug­men­tant, à des qua­si-cristaux de plus en plus impar­faits ce qui est en con­tra­dic­tion avec l’expérience.

Il faut donc imag­in­er qu’au voisi­nage du front de crois­sance il se pro­duit de nom­breux réarrange­ments atom­iques locaux pour obtenir une struc­ture idéale émail­lée de défauts de posi­tions atom­iques (sim­i­laires à des lacunes et appelés ” pha­sons “, terme emprun­té aux struc­tures incom­men­su­rables proches cousines des qua­si-cristaux) dont la dynamique, mise en évi­dence par dif­frac­tion qua­si élas­tique de neu­trons par Lyon­nard et Cod­dens11 au LLB-Saclay, est encore mal connue.

Non moins sur­prenantes sont les pro­priétés élec­tron­iques de ces alliages. Obtenus à par­tir de métaux bons con­duc­teurs (quelques microhms. cm à basse tem­péra­ture), ils présen­tent des résis­tiv­ités excep­tion­nelle­ment élevées (atteignant 106 microhms. cm pour les meilleurs qua­si-cristaux AlP­dRe) qui suiv­ent, en tem­péra­ture, une loi de Matthiesen inverse : la résis­tiv­ité aug­mente lorsque la tem­péra­ture dimin­ue. Il s’ag­it là d’un effet de con­fine­ment des élec­trons dû à la symétrie qui tend à localis­er les états élec­tron­iques sur cer­tains atom­es de ces amas.

Fig­ure 5
À gauche : une image haute réso­lu­tion STM d’une sur­face quinaire d’un qua­si-cristal AlPdMn. Les atom­es de sur­face se regroupent en pen­tagones eux-mêmes organ­isés selon des pen­tagones plus grands.
À droite : la super­po­si­tion à une par­tie de l’image mon­trant les posi­tions des atom­es d’aluminium telles que prévues par un mod­èle idéal mas­sif du quasi-cristal.
(Clichés Luc BARBIER SPCSI-CEA, Saclay).

Ce genre d’ef­fet — ren­con­tré dans les sys­tèmes amor­phes où il s’ex­plique par une déco­hérence rel­a­tive des élec­trons due au désor­dre de posi­tion — est ici, au con­traire, dû à des effets cohérents par­tielle­ment destruc­tifs, imposés par l’or­dre qua­si péri­odique, et qui donc s’am­pli­fient avec la qual­ité qua­si cristalline du matéri­au. La con­ductibil­ité ther­mique des qua­si-cristaux suit glob­ale­ment la même ten­dance — avec par exem­ple un fac­teur 10 entre la con­ductibil­ité ther­mique de AlPdMn et celle de l’or — en sorte que, pour des alliages métalliques, ces matéri­aux sont, à bass­es tem­péra­tures, d’ex­cep­tion­nels isolants thermiques

Les pro­priétés mécaniques des qua­si-cristaux sont sim­i­laires à celles des phas­es inter­mé­talliques com­plex­es à grande maille cristalline. Ce sont des matéri­aux durs et frag­iles. Les dis­lo­ca­tions, défauts linéaires respon­s­ables de la défor­ma­tion plas­tique, sont peu ou pas mobiles, compte tenu des nom­breux réarrange­ments atom­iques locaux néces­saires à leurs pro­gres­sions. Ces matéri­aux présen­tent une spec­tac­u­laire tran­si­tion frag­ile-duc­tile à haute tem­péra­ture, lorsque la mobil­ité atom­ique devient suff­isante pour per­me­t­tre aux dis­lo­ca­tions de bouger en bal­ayant der­rière leur sil­lage les effets de désor­dre local du pavage dû à leur présence. On con­state alors un phénomène d’adoucisse­ment de la courbe con­trainte-défor­ma­tion qui per­met d’at­tein­dre une défor­ma­tion de plus de 100 % sans rup­ture et sans que la struc­ture atom­ique qua­si cristalline s’en trou­ve sig­ni­fica­tive­ment dégradée. On passe ain­si bru­tale­ment d’un com­porte­ment frag­ile à un com­porte­ment duc­tile exagéré ana­logue à la superplasticité.

Un champ très act­if actuel de la recherche sur les qua­si-cristaux con­cerne l’é­tude de leurs sur­faces et de leurs modes d’oxy­da­tion. Il est main­tenant bien établi que, sous réserve d’une pré­pa­ra­tion soignée de net­toy­age ion­ique sous ultra-vide et recuits con­séquents, les sur­faces des qua­si-cristaux sont elles-mêmes qua­si péri­odiques et sont, à des relax­ations atom­iques près, des coupes bidi­men­sion­nelles par­ti­c­ulières des struc­tures mas­sives. On dis­pose ain­si de ter­rass­es planes où la den­sité élec­tron­ique varie de façon qua­si péri­odique sur lesquelles on peut envis­ager de gref­fer des molécules en des sites préféren­tiels reflé­tant cette quasi-périodicité.

Quelques références d’ouvrages généraux

  • The Physics of Qua­sicrys­tals, eds. P. J. STEINHARDT & S. OSTLUND (World Sci­en­tif­ic, Sin­ga­pore, 1987).
  • Inter­na­tion­al Work­shop on Ape­ri­od­ic Crys­tals, J. Phys. Col­loq. France 4 7, eds D. GRATIAS & L. MICHEL (Les édi­tions de physique, Les Ulis, 1986).
  • Ape­ri­od­ic­i­ty and order series, ed. M. V. JARIC (Aca­d­e­m­ic Press, New York, 1988–1989).
  • Qua­sicrys­tals : a primer, C. J A N O T (Oxford Sci­ence Pub­li­ca­tion, 1992).
  • Lec­tures on qua­sicrys­tals, eds. F. HIPPERT & D. GRATIAS (Les édi­tions de physique, Les Ulis, 1994).
  • Pro­ceed­ings of the 5th Inter­na­tion­al Con­fer­ence on Qua­sicrys­tals, eds C. JANOT & R. M OSSERI (World Sci­en­tif­ic, Sin­ga­pore, 1995).
  • Pro­ceed­ings of the Inter­na­tion­al Con­fer­ence on Ape­ri­od­ic Crys­tals, eds M. de B OISSIEU, J.-L. VERGERGAUGRY & R. CU R R A T (World Sci­en­tif­ic, Sin­ga­pore, 1997).
  • Pro­ceed­ings of the 6th Inter­na­tion­al Con­fer­ence on Qua­sicrys­tals, eds. S. TAKEUCHI & T. FUJIWARA (World Sci­en­tif­ic, Sin­ga­pore, 1998).

La fab­ri­ca­tion d’un bon qua­si-cristal est une opéra­tion qui reste aujour­d’hui encore déli­cate en lab­o­ra­toire. Les com­po­si­tions doivent être ajustées avec une grande pré­ci­sion et les traite­ments ther­miques, en par­ti­c­uli­er à haute tem­péra­ture, par­faite­ment con­trôlés, alors qu’on ne con­naît avec pré­ci­sion qu’un petit nom­bre de dia­grammes de phase. Les phas­es qua­si cristallines appa­rais­sant dans la plu­part des cas à l’oc­ca­sion d’une trans­for­ma­tion péri­tec­tique, les voies les mieux adap­tées de fab­ri­ca­tion indus­trielle de qua­si-cristaux sont les poudres obtenues en tour d’atomi­sa­tion où le refroidisse­ment est suff­isam­ment rapi­de pour éviter les tran­si­tions à forte ségré­ga­tion. Ces poudres peu­vent ensuite être util­isées à trois fins :

  • revête­ment pour iso­la­tion thermique,
  • ajout dis­per­soïde à effet dur­cis­sant dans des métaux à basse tem­péra­ture de fusion,
  • frit­tage et moulage haute tem­péra­ture pour l’ob­ten­tion de pièces mas­sives qua­si cristallines aus­si bien en tant que matéri­aux de struc­ture (socles d’ax­es de petits rotors rapi­des) que de matéri­aux de fonc­tion pour leurs pro­priétés élec­tron­iques (ther­moré­sis­tances basse température).


Ain­si, du point de vue des appli­ca­tions, les qua­si-cristaux devraient trou­ver une niche tech­nologique dans le cadre des matéri­aux de struc­ture et de fonc­tion pourvu que ces obsta­cles de fab­ri­ca­tion et de maîtrise métal­lurgiques soient défini­tive­ment fran­chis. Mais, au-delà des matéri­aux eux-mêmes, la décou­verte de Dany Shecht­man a per­mis de démar­rer de nom­breuses études math­é­ma­tiques et physiques d’ob­jets qua­si péri­odiques abstraits dont cer­taines sont sus­cep­ti­bles de retombées en aval.

Par exem­ple, comme il est main­tenant facile de con­stru­ire dans le plan des ensem­bles de points de symétrie de rota­tion d’or­dre fini quel­conque par­faite­ment ordon­nés, on peut en simuler numérique­ment les pro­priétés vibra­tionnelles ou prop­aga­tives, par exem­ple, celles des ondes élec­tro­mag­né­tiques. Dans l’hy­pothèse de pro­priétés intéres­santes (ouver­ture d’un gap pho­tonique par exem­ple), il est pos­si­ble d’en faire des réal­i­sa­tions con­crètes par les procédés de pho­togravure à des échelles microniques, voire nanométriques, pour enrichir la panoplie d’ob­jets arti­fi­ciels util­is­ables dans la microélectronique.

Comme l’on voit, la décou­verte des qua­si-cristaux a engen­dré une mul­ti­tude de ques­tions fon­da­men­tales depuis celle d’une redéf­i­ni­tion de la notion d’or­dre dans les solides, du traite­ment des spec­tres de struc­tures élec­tron­iques des milieux qua­si péri­odiques jusqu’aux prob­lèmes métal­lurgiques de la maîtrise de ces com­posés. Les solu­tions actuelles mon­trent de sub­stantiels pro­grès mais se heur­tent encore à des dif­fi­cultés tant con­ceptuelles qu’expérimentales.

Le temps du ” easy work ” est dépassé depuis plusieurs années et la recherche fon­da­men­tale se con­sacre main­tenant à la mise au point de tech­niques spé­ci­fiques de spé­cial­istes. On con­state qu’après une longue et fructueuse péri­ode de recherch­es inten­sives aux USA et en France, les efforts se sont inten­si­fiés aujour­d’hui prin­ci­pale­ment au Japon et en Alle­magne où sont engagés de vastes pro­grammes de recherche sur le sujet : les qua­si-cristaux procè­dent d’une démarche à long terme à laque­lle la France par­ticipe très activement.

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1. D. Shecht­man, I Blech, D. Gra­tias & J. W. Cahn, Phys. Rev. Lett. 53, 1951–1953 (1984).
2. D. Levine & P. J. Stein­hardt, Phys. Rev. Lett. 53, 2477–2480 (1984).
3. M. Duneau & A. Katz, Phys. Rev. Lett. 54, 2688–2691 (1985) — A. Katz & M. Duneau, J. Phys. France 47, 181–196 (1986).
4. H. Bohr, Acta Math. 45, 29 (1924) ; ibid. Acta Math. 46, 101 (1925) ; ibid. Acta Math. 47, 237 (1926).
5. A. S. Besi­cov­itch, Almost peri­od­ic func­tions, Cam­bridge Uni­ver­si­ty Press UK (1932).
6. P. A. Kalu­g­in, A. Y. Kitayev & L. S. Lev­i­tov, JETP Lett. 41, 145 (1985).
7. V. Elser, Acta Cryst. A 42, 36 (1986).
8. R. Pen­rose, Math­e­mat­i­cal Intel­li­gencer 2, 32 (1979).
9. L. Ben­der­sky, Phys. Rev. Lett. 55, 1461–1463 (1985).
10. A.-P. Tsai, A. Inoue & T. Masumo­to, Jpn J. Appl. Phys. 26, L1505-L1507 (1987) ; A.-P. Tsai, A. Inoue, Y. Yokoya­ma & T. Masumo­to, Mater. Trans., Jpn. Inst. Met. 31, 98 (1990).
11. S. Lyon­nard, G. Cod­dens, Y. Cal­vayrac & D. Gra­tias, Phys. Rev. B 53, 3150–3160 (1996).

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