Les partenariats entreprise-recherche publique

Dossier : Recherche et entrepriseMagazine N°694 Avril 2014
Par Jean-François MINSTER (70)

Un tel par­te­na­riat apporte à l’entreprise des com­pé­tences et des savoirs, des outils et des tech­no­lo­gies nou­veaux ou com­plé­men­taires de ceux qu’elle mobi­lise. Il lui per­met d’approfondir sa com­pré­hen­sion des savoirs et tech­no­lo­gies qu’elle met en oeuvre. En somme, il lui per­met d’accomplir ses missions.

Les formes de par­te­na­riat varient selon les enjeux à trai­ter et selon les besoins des dif­fé­rents sec­teurs indus­triels. Ils évo­luent parce que les modes d’innovation des entre­prises se trans­forment, que les champs tech­no­lo­giques d’intérêt pour les entre­prises s’élargissent sans cesse, que de nou­veaux outils de par­te­na­riat appa­raissent, et parce que la R&D se mon­dia­lise rapidement.

REPÈRES

Les missions de la R&D des entreprises sont de leur donner accès à des technologies comme une contribution à l’élaboration de leur stratégie, de développer des technologies pour les industrialiser et de faire face quotidiennement aux demandes des opérateurs et des responsables du marketing. Ces dimensions varient selon la nature des secteurs et des entreprises.
Par exemple, une PME travaillant sur une technologie mature recherchera plutôt des réponses pratiques de relativement court terme à ses questions. Rappelons qu’en France environ 13 000 entreprises font de la R&D dont 11 000 PME, 1 800 ETI et 200 grandes entreprises (qui assurent 61 % des dépenses).

Une nécessité plus forte que jamais

Le mou­ve­ment géné­ral des pro­duits et outils indus­triels vers des sys­tèmes tou­jours plus éla­bo­rés implique d’assembler des palettes de com­pé­tences tou­jours plus éten­dues et pas tou­jours repré­sen­tées dans les entreprises.

De nom­breuses tech­no­lo­gies avan­cées ont un carac­tère géné­rique, et toutes les entre­prises en ont un besoin crois­sant : citons les tech­no­lo­gies de l’information, le cal­cul haute per­for­mance, les tech­niques ana­ly­tiques ou les sciences des matériaux.

Enfin, l’évolution foi­son­nante des pro­grès scien­ti­fiques amène à com­bi­ner un por­te­feuille de R&D construit et géré rigou­reu­se­ment et des dis­po­si­tifs réac­tifs et flexibles per­met­tant de sai­sir les oppor­tu­ni­tés. Le par­te­na­riat aide les entre­prises à trai­ter ces dimen­sions de leur R&D.

Un enjeu politique

Tous les États voient dans l’innovation tech­no­lo­gique un outil de déve­lop­pe­ment et de compétitivité.

Assembler des palettes de compétences toujours plus étendues

C’est du reste une des rai­sons qui expliquent la mon­dia­li­sa­tion de la R&D. La recherche publique doit mettre en oeuvre des pro­ces­sus plus effi­caces de valo­ri­sa­tion et de trans­fert de leurs résul­tats vers les acteurs éco­no­miques. Le ren­for­ce­ment des bureaux et méca­nismes de valo­ri­sa­tion des éta­blis­se­ments publics témoigne de la prise en compte de cet enjeu : SATT, fonds d’amorçage, incu­ba­teurs, etc.

De même, les entre­prises sont sol­li­ci­tées par les États pour tra­vailler avec leur recherche publique. Dans divers pays, c’est même une obli­ga­tion régle­men­taire. Ces rela­tions avec les uni­ver­si­tés locales sont indis­pen­sables aux entre­prises, que ce soit pour leurs enjeux de recru­te­ment ou pour mieux tra­vailler avec les acteurs locaux, notam­ment clients et fournisseurs.

La mul­ti­pli­ci­té des outils des­ti­nés à favo­ri­ser ces contacts et ces par­te­na­riats est un révé­la­teur de cette dimen­sion politique.

De bonnes pratiques bien connues

Les bonnes pra­tiques disent qu’il faut pla­cer les rela­tions entre entre­prises et éta­blis­se­ments publics de recherche à un niveau stra­té­gique, et qu’il faut prendre le temps de se com­prendre. Chaque par­tie doit com­prendre la double néces­si­té du déve­lop­pe­ment de connais­sances nou­velles et de l’obtention de résul­tats concrets trans­fé­rables à l’application industrielle.

Le financement de la recherche publique par les entreprises

Dans les pays de l’OCDE, environ 5% des budgets de la recherche publique proviennent des entreprises. Cela peut sembler peu, mais il faut se souvenir qu’en R&D industrielle, ce qui est coûteux, c’est le développement, qui est en général réalisé au sein des entreprises.
L’Allemagne est une exception avec un pourcentage proche du double, sans doute lié à la structure de son industrie et au succès des instituts Fraunhofer.

Les deux par­ties ne doivent pas d’abord pen­ser à la « valo­ri­sa­tion » ou à « l’achat de R&D » ; cha­cune doit plu­tôt appor­ter ses idées et ses ques­tions, ses com­pé­tences et ses outils, ain­si que ses moyens, de sorte que la rela­tion soit construite sur un objec­tif de béné­fice mutuel.

Du côté de l’entreprise, il faut veiller à ce que des cher­cheurs passent le temps néces­saire au sui­vi des pro­jets, de façon à s’approprier les connais­sances et les résul­tats, ce qui est néces­saire pour leur déve­lop­pe­ment. Le point le plus dif­fi­cile – iden­ti­fier le béné­fice du résul­tat pour chaque par­te­naire – trouve alors le plus sou­vent une réponse de bon sens.

Le par­te­na­riat peut prendre diverses formes : consul­tance, car­to­gra­phie pros­pec­tive, pro­jets limi­tés, thèses, rela­tions de long terme à l’échelle des équipes ou des labo­ra­toires, labo­ra­toires com­muns, etc. En outre, beau­coup d’entreprises iden­ti­fient quelques uni­ver­si­tés ou orga­nismes avec qui elles construisent des rela­tions stra­té­giques au niveau des établissements.

Une recherche mondiale de partenaires

Construire un par­te­na­riat passe par une phase d’identification. Les outils actuels de l’intelligence tech­no­lo­gique sont per­for­mants : ils tirent par­ti à la fois des infor­ma­tions des docu­men­ta­tions publiques (lar­ge­ment sur Inter­net), des bases de publi­ca­tions et des bases de bre­vets. Ils doivent cepen­dant tou­jours s’accompagner de contacts directs et de visites sur le terrain.

La dif­fi­cul­té prin­ci­pale consiste à bien construire la ques­tion posée, et à la trans­for­mer en un pro­jet de R&D en par­te­na­riat ; les grands groupes ou les ETI sont en géné­ral bien armés pour cela.

Cela peut être plus déli­cat pour les PME. S’entourer de conseillers, tra­vailler dans la durée et en confiance avec un labo­ra­toire sont sou­vent de bons moyens à cet effet. Là encore, l’expérience accu­mu­lée des ins­ti­tuts Fraun­ho­fer est un très bon guide de bonnes pratiques.

Une culture d’innovation en transformation

Les entre­prises évo­luent. La culture d’innovation se ren­force par­tout comme un moyen de construire l’avenir et de mieux abor­der les enjeux. Les modes de fonc­tion­ne­ment au sein de leur éco­sys­tème indus­triel se conso­lident comme un fac­teur d’efficacité et d’inventivité. Les modes de valo­ri­sa­tion de la R&D se diver­si­fient : logique d’incubateurs, essai­mage, licen­sing out, expé­ri­men­ta­tion, etc.

De nou­velles moda­li­tés de par­te­na­riat avec la recherche publique se déve­loppent : fonc­tion­ne­ment en consor­tium, ins­ti­tuts d’innovation ouverte, appels à pro­jets ouverts, dif­fé­rentes formes de concours – comme, par exemple, le crowd sour­cing. Les cher­cheurs du monde aca­dé­mique semblent armés pour inté­grer ces évolutions.

Encourager l’évolution des pratiques

Un outil de politique publique aussi bien que de politique d’entreprise

Accom­pa­gner le déve­lop­pe­ment de ces nou­velles pra­tiques peut se faire selon dif­fé­rentes démarches. Tout d’abord, il importe de pro­fes­sion­na­li­ser les inter­lo­cu­teurs autour des enjeux de com­pré­hen­sion mutuelle, selon les sujets, les sec­teurs et les types de par­te­naires plu­tôt qu’autour des moda­li­tés contrac­tuelles du partenariat.

Ensuite, il vaut mieux évi­ter d’administrer les par­te­na­riats par des règles ou des outils pré­dé­ter­mi­nés, parce que les situa­tions sont variées et qu’elles évo­luent. Il faut aus­si évi­ter de se don­ner des indi­ca­teurs non per­ti­nents : suivre la rela­tion stra­té­gique d’intérêt mutuel, le recru­te­ment des étu­diants et des doc­teurs, la créa­tion d’idées et le volume des pro­jets, le deve­nir éco­no­mique des résul­tats, et pas essen­tiel­le­ment le nombre des brevets.

Il nous faut enfin valo­ri­ser ces par­te­na­riats à la fois du côté des entre­prises et de la recherche publique, de façon à mettre en évi­dence la vita­li­té de leurs relations.

Poster un commentaire