Sigle de l'OMC

Les négociations du Viêtnam pour l’adhésion à l’OMC : opportunités et défis

Dossier : Le Viêtnam en 2005Magazine N°609 Novembre 2005Par LUONG VAN TU

Depuis quinze ans, la mise en appli­ca­tion de la poli­tique de renou­velle­ment a aidé le Viêt­nam à attein­dre un grand nom­bre de réal­i­sa­tions impor­tantes. Entre 1991 et 2000, le pro­duit intérieur brut (PIB) a été mul­ti­plié par deux (le revenu par habi­tant est passé de 200 dol­lars en 1991 à 400 dol­lars en 2000). La part de la pop­u­la­tion sous le seuil de pau­vreté a réduit de moitié pen­dant la péri­ode allant de 1990 à 2000 (selon les normes des Nations unies pour la pau­vreté, il a été abais­sé à 28 % en 2001, con­tre 58 % en 1990). Le niveau de vie du peu­ple a été claire­ment amélioré, ain­si que la sta­bil­ité politi­co-économique et les rela­tions inter­na­tionales. Depuis 2000, le taux de crois­sance économique du pays reste à plus de 7 % ; en par­ti­c­uli­er ceux de l’in­dus­trie, du ser­vice et de l’a­gri­cul­ture sont de l’or­dre de 13–14 %, 6–7 % et 4–4,5 % respec­tive­ment. La valeur totale des expor­ta­tions et des impor­ta­tions a con­stam­ment aug­men­té et a atteint 57,5 mil­liards de dol­lars en 2004, ce qui représente une crois­sance de 26,7 % par rap­port à l’an­née précé­dente. Le vol­ume des expor­ta­tions a atteint 26 mil­liards de dol­lars et celui des impor­ta­tions 31,82 mil­liards, aug­men­tant de 28,9 % et de 25 % respec­tive­ment. Cepen­dant, le Viêt­nam est tou­jours un pays en développe­ment qui fait face à beau­coup de difficultés.

En entrant dans une nou­velle étape du développe­ment, ayant pour objec­tif d’aider le pays à sor­tir de son état de pays en développe­ment, d’amélior­er la vie des Viet­namiens et de créer une base sta­ble pour devenir un pays indus­tri­al­isé d’i­ci 2020, le gou­verne­ment viet­namien se rend compte qu’il faut avant tout utilis­er au plus haut degré toutes les ressources locales. Simul­tané­ment, le pays devrait tir­er le meilleur par­ti des ressources extérieures par le proces­sus d’in­té­gra­tion inter­na­tionale, y com­pris par les négo­ci­a­tions pour l’ad­hé­sion à l’OMC. Réal­isant l’im­por­tance de l’in­té­gra­tion inter­na­tionale, le Polit­buro du Viêt­nam a pro­mul­gué la Réso­lu­tion 07, datée du 27 novem­bre 2001, sur l’in­té­gra­tion active dans l’é­conomie internationale.

Pour l’in­stant, le Viêt­nam entre­tient des rela­tions com­mer­ciales avec plus de 165 pays dans le monde et a signé des accords com­mer­ci­aux bilatéraux avec env­i­ron 80 pays. Le pays est devenu mem­bre de l’ASEAN en 1995, de l’ASEM en 1996 et de l’APEC en 1998, et au début de l’an­née 1995 le gou­verne­ment viet­namien a fait une demande pour adhér­er à l’OMC. Jusqu’i­ci, le Viêt­nam s’est pré­paré active­ment en organ­isant des dis­cus­sions avec d’autres pays dans de nom­breux domaines et en met­tant en œuvre des réformes nationales pour faciliter le proces­sus d’ad­hé­sion à l’OMC.

En ce qui con­cerne le proces­sus de négo­ci­a­tion, le Viêt­nam a con­nu cer­tains suc­cès : neuf négo­ci­a­tions mul­ti­latérales ont été réussies, ain­si que des négo­ci­a­tions bilatérales avec des pays comme l’Ar­gen­tine, le Brésil, le Chili, Cuba, l’U­nion européenne et Sin­gapour. À présent, le Viêt­nam tient des dis­cus­sions bilatérales avec env­i­ron vingt autres pays, et cer­taines d’en­tre elles atteignent la phase finale. Le Viêt­nam se pré­pare égale­ment pour la dix­ième négo­ci­a­tion mul­ti­latérale afin de con­stru­ire des doc­u­ments de base pour l’ad­hé­sion du pays à l’OMC.

Con­cer­nant les réformes nationales, il a été pro­mul­gué et mis en œuvre cer­taines poli­tiques visant à la tran­si­tion vers l’é­conomie de marché, par exem­ple des amélio­ra­tions dans le secteur des affaires et de l’en­vi­ron­nement lég­is­latif de façon ouverte. Le Viêt­nam a fait des efforts pour encour­ager tous les secteurs à par­ticiper au développe­ment économique, pour attir­er les investis­seurs étrangers, pour faire des réformes dans les procé­dures admin­is­tra­tives et pour ren­forcer la com­péti­tiv­ité des pro­duits et des ser­vices nationaux.

Au cours du proces­sus d’ad­hé­sion à l’OMC, le Viêt­nam ren­con­tre beau­coup d’op­por­tu­nités et autant de défis, qui peu­vent avoir des impacts à court et long terme.

Opportunités

Hô Chi Minh-Ville.
Hô Chi Minh-Ville. PHOTO DAVID GOURAND

Selon l’ob­jec­tif de la stratégie de développe­ment économique du pays, le PIB sera dou­blé d’i­ci 2010, atteignant 800 USD par habi­tant en 2010 con­tre 400 USD en 2000, et le Viêt­nam devien­dra un pays indus­tri­al­isé d’i­ci 2020. Pour par­venir à cet objec­tif, le Viêt­nam doit forte­ment aug­menter ses expor­ta­tions vers le marché mon­di­al. En entrant dans l’OMC, la plus grande organ­i­sa­tion com­mer­ciale avec 148 mem­bres, représen­tant respec­tive­ment 92 %, 90 % et 85 % de la pop­u­la­tion mon­di­ale, des échanges de ser­vices et des échanges de marchan­dis­es, le Viêt­nam béné­ficierait du statut de MFN (Most Favoured Nation) qui four­nit des con­di­tions favor­ables pour pénétr­er dans ce marché.

L’OMC est la seule organ­i­sa­tion glob­ale qui établit des règles et des lois pour régir les rela­tions com­mer­ciales entre les pays (www.wto.org : ” L’or­gan­i­sa­tion de com­merce mon­di­al (OMC) est la seule organ­i­sa­tion inter­na­tionale glob­ale trai­tant les règles du com­merce entre les nations ”). L’OMC est égale­ment un forum pour les négo­ci­a­tions com­mer­ciales et le règle­ment des con­flits entre ses mem­bres. En par­tic­i­pant à cette organ­i­sa­tion, le Viêt­nam aurait plus de pos­si­bil­ités d’ex­ercer ses droits légitimes con­tre des activ­ités com­mer­ciales injustes.

L’ad­hé­sion à l’OMC sig­ni­fie égale­ment l’amélio­ra­tion de l’en­vi­ron­nement lég­is­latif selon les principes de la trans­parence, sous le con­trôle des règle­ments inter­na­tionaux. Pouss­er les étab­lisse­ments économiques vers l’é­conomie de marché et garan­tir un envi­ron­nement économique favor­able et égal pour tous les secteurs économiques con­solid­erait la con­fi­ance des investis­seurs domes­tiques et étrangers, ce qui peut men­er à de nom­breux investisse­ments au Viêt­nam. C’est un fac­teur impor­tant pour que le pays favorise forte­ment son proces­sus de tran­si­tion économique et pour attir­er des investisse­ments. Mal­gré le fait que les entre­pris­es viet­nami­ennes seraient en forte con­cur­rence avec les sociétés étrangères, c’est égale­ment un fac­teur qui forcerait les entre­pris­es nationales à se dévelop­per dans le cadre de la com­péti­tion inter­na­tionale, ce qui leur per­me­t­trait de tir­er des leçons de man­age­ment à par­tir de leurs expéri­ences et de faire des béné­fices grâce au commerce.

Par­al­lèle­ment au développe­ment for­mi­da­ble des tech­nolo­gies sci­en­tifiques, la mon­di­al­i­sa­tion et le libéral­isme s’é­ten­dent rapi­de­ment et pro­fondé­ment. Cer­tains pays resteraient en arrière s’ils se repli­aient sur eux-mêmes et s’iso­laient de cette ten­dance. Le Viêt­nam est récem­ment passé d’une économie plan­i­fiée cen­trale­ment à une économie de marché avec un faible niveau de développe­ment. Par con­séquent, par­ticiper à l’in­té­gra­tion inter­na­tionale en vue d’amélior­er la capac­ité d’ex­por­ta­tion, d’ac­croître les cap­i­taux d’in­vestisse­ment étrangers et d’ac­céder à la tech­nolo­gie sci­en­tifique inter­na­tionale avancée sont des fac­teurs per­me­t­tant de réduire les risques de rester en arrière et égale­ment d’aug­menter la capac­ité de sélec­tion pour la pro­duc­tion et la con­som­ma­tion d’entrée.

Défis

Mal­gré les grandes pos­si­bil­ités de développe­ment apportées par l’in­té­gra­tion inter­na­tionale, il n’est en fait pas facile pour le Viêt­nam de trans­former ces oppor­tu­nités en atouts de développe­ment économique, car c’est encore un pays pau­vre avec beau­coup de lim­ites dans son niveau et sa capac­ité de développement.

Il faut se ren­dre compte que le proces­sus d’ad­hé­sion à l’OMC provo­quera des défis excep­tion­nels. Pre­mière­ment, quant au com­merce, les pres­sions de la con­cur­rence devien­dront plus fortes lorsque le niveau de pro­tec­tion pour la pro­duc­tion nationale sera gradu­elle­ment élim­iné, au cours de la mise en appli­ca­tion de l’in­té­gra­tion inter­na­tionale, alors que la com­péti­tiv­ité des pro­duits, des ser­vices et des entre­pris­es du Viêt­nam est encore lim­itée. Cette sit­u­a­tion exige des entre­pris­es viet­nami­ennes qu’elles ajus­tent ou réor­gan­isent leur pro­duc­tion pour ren­forcer la compétitivité.

Beau­coup de règles con­cer­nant les échanges de ser­vices, les droits de pro­priété intel­lectuelle et le mécan­isme de règle­ment des con­flits sont nou­velles pour le Viêt­nam. La mise en place des engage­ments dans ces domaines néces­sit­era un cer­tain temps afin d’amélior­er la con­nais­sance des fonc­tion­naires vis-à-vis de ces règles. En même temps, le Viêt­nam doit met­tre en place et com­pléter son sys­tème lég­is­latif pour qu’il réponde aux exi­gences de la réforme admin­is­tra­tive et de l’en­trée dans l’OMC.

À cause d’une économie faible avec une majorité de pop­u­la­tion pau­vre vivant dans les zones rurales, par­ti­c­ulière­ment dans les zones mon­tag­neuses et au sein des minorités eth­niques, le procédé d’in­té­gra­tion aura un impact négatif sur ces groupes vul­nérables. Si aucune poli­tique appro­priée n’est appliquée pour sup­port­er le développe­ment économique dans ces régions, les impacts soci­aux seront très sérieux.

Afin d’at­tein­dre ses objec­tifs dans le proces­sus d’ad­hé­sion à l’OMC, le Viêt­nam doit simul­tané­ment abor­der les ques­tions suiv­antes : rénover les entre­pris­es publiques, ou plus pré­cisé­ment se con­cen­tr­er sur l’amélio­ra­tion des entre­pris­es publiques, gér­er le bud­get des dépens­es publiques de façon effi­cace, amélior­er l’ef­fi­cac­ité opéra­tionnelle du sys­tème ban­caire et accorder la pri­or­ité aux marchés financiers et au marché du tra­vail. Ces prob­lé­ma­tiques doivent être inclus­es dans les pro­grammes prin­ci­paux pour accélér­er le proces­sus de réforme, afin d’aider tous les étab­lisse­ments économiques du marché à fonc­tion­ner cor­recte­ment, de façon syn­chrone et mod­erne. C’est une étape impor­tante pour chang­er le mécan­isme et don­ner l’ori­en­ta­tion pour l’al­lo­ca­tion des ressources, par­ti­c­ulière­ment les cap­i­taux d’in­vestisse­ment d’É­tat, afin d’u­tilis­er entière­ment les avan­tages con­cur­ren­tiels du Viêtnam.

En ce qui con­cerne les entre­pris­es, elles devraient, plus que jamais, établir et ren­forcer leur com­péti­tiv­ité pour répon­dre aux exi­gences de la con­cur­rence dans l’in­té­gra­tion inter­na­tionale. Le temps disponible pour abor­der ces ques­tions s’est gradu­elle­ment rac­cour­ci. La dif­fu­sion de l’in­for­ma­tion sur l’in­té­gra­tion inter­na­tionale est néces­saire pour aider les gens à prévoir leur pro­pre péri­ode de pré­pa­ra­tion à ce processus.

Récem­ment, le Viêt­nam a accom­pli beau­coup de résul­tats excep­tion­nels en matière de développe­ment social et économique. Nous croyons vrai­ment que, grâce à la dili­gence et l’e­sprit créa­teur du peu­ple et à une ges­tion effi­cace de la part du gou­verne­ment, le Viêt­nam sur­mon­tera les dif­fi­cultés et les défis pour s’en­gager avec suc­cès sur le chemin de la mod­erni­sa­tion et de l’in­dus­tri­al­i­sa­tion, appor­tant la prospérité et le bon­heur à son peuple.

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