Les limites de l’arbitrage : un nouveau paradigme

Dossier : Après la crise : Les nouveaux défis de la théorie économiqueMagazine N°656 Juin/Juillet 2010
Par Denis GROMB (86)
Par Dimitri VAYANOS (85)

REPÈRES

REPÈRES
Les modèles stan­dard uti­li­sés en éco­no­mie finan­cière sont mal adap­tés à l’a­na­lyse des poli­tiques publiques, en ce sens qu’ils délivrent un mes­sage d’un opti­misme frus­trant : les mar­chés finan­ciers sont dans un état d’é­qui­libre socia­le­ment effi­cient, ce qui signi­fie que toute inter­ven­tion publique est au mieux redis­tri­bu­tive et au pire inef­fi­cace. C’est le résul­tat de ce que les éco­no­mistes appellent les théo­rèmes du bien-être : dans une libre éco­no­mie de mar­ché, les prix s’a­justent de telle sorte que les agents, en cher­chant exclu­si­ve­ment à opti­mi­ser leurs pro­fits, abou­tissent à des choix effi­cients socialement.

Chaque nou­velle crise finan­cière nous rap­pelle com­bien l’in­ter­ven­tion de la puis­sance publique peut s’a­vé­rer impor­tante, voire vitale pour le fonc­tion­ne­ment des mar­chés finan­ciers. Or, les ana­lyses sont fon­dées sur des modèles stan­dard déli­vrant un mes­sage opti­miste. La rai­son est à cher­cher dans les fon­da­tions théo­riques de ces modèles. Mais, cer­tains déve­lop­pe­ments récents en éco­no­mie finan­cière remettent sérieu­se­ment en cause ces fon­da­tions et pour­raient bien modi­fier en pro­fon­deur notre concep­tion du fonc­tion­ne­ment des mar­chés et de leur néces­saire régulation.

Le ren­de­ment des actifs devrait être imprévisible

En un mot, disons que les modèles stan­dard ne prennent géné­ra­le­ment pas en compte l’exis­tence des ins­ti­tu­tions finan­cières et les contraintes qui sont les leurs… un aspect qui consti­tue pré­ci­sé­ment le point focal des nou­velles théories.

Afin de sai­sir le pour­quoi et le com­ment de ces déve­lop­pe­ments, il nous faut reve­nir un peu en arrière et com­prendre le concept d’ar­bi­trage qui sous-tend ces théo­ries stan­dard, ce qu’il implique en termes de prix des actifs, les écueils empi­riques sur les­quels achoppent les modèles stan­dard et enfin les nou­velles théo­ries qui émergent actuel­le­ment pour sur­mon­ter ces écueils.

À Wall Street, on ne rase jamais gratis

Les vrais arbitragistes
Les arbi­tra­gistes décrits dans les manuels d’é­co­no­mie ne sont pas éloi­gnés de la réa­li­té. Dans le monde réel, ils s’in­carnent dans les ins­ti­tu­tions finan­cières : d’une part les arbi­tra­gistes pro­fes­sion­nels que sont les fonds spé­cu­la­tifs et les grandes banques, à tra­vers leurs acti­vi­tés d’ar­bi­trage pour compte propre, mais aus­si et plus géné­ra­le­ment les inter­mé­diaires finan­ciers du type opé­ra­teurs de mar­ché, banques ou fonds com­muns de pla­ce­ment. Comme les arbi­tra­gistes de la théo­rie, ils sont à l’af­fût de tran­sac­tions juteuses sur les mar­chés finan­ciers. Comme eux, ils ont un appé­tit frénétique.

Les modèles stan­dard des mar­chés finan­ciers ont été déve­lop­pés en vue d’é­tu­dier les pro­prié­tés du prix des actifs. Il y en a pour tous les goûts, mais tous partent du prin­cipe que cer­tains agents éco­no­miques, appe­lés arbi­tra­gistes, patrouillent en per­ma­nence les mar­chés finan­ciers en quête d’a­no­ma­lies consti­tuant des oppor­tu­ni­tés de profit.

Que les arbi­tra­gistes en ren­contrent une et c’est la curée… qui cor­rige ladite ano­ma­lie. Ce com­por­te­ment de « recherche et des­truc­tion » agit comme un méca­nisme auto­ré­gu­la­teur pour les mar­chés financiers.

L’hy­po­thèse cen­trale des modèles stan­dard sur les arbi­tra­gistes pos­tule qu’ils ne subissent aucune contrainte, en ce sens qu’ils peuvent arbi­trer autant qu’ils le sou­haitent. Cette hypo­thèse implique prin­ci­pa­le­ment qu’un état d’é­qui­libre ne sau­rait pré­sen­ter d’op­por­tu­ni­té d’arbitrage.

En clair : à Wall Street, on ne rase jamais gra­tis. Véri­table pierre angu­laire de la théo­rie moderne de l’é­va­lua­tion des actifs finan­ciers et de ses appli­ca­tions dans l’in­dus­trie finan­cière, cette hypo­thèse induit deux corol­laires importants :
pre­miè­re­ment, deux actifs simi­laires devraient s’é­chan­ger à des prix com­pa­rables (Loi du prix unique) ;
deuxiè­me­ment, le prix des actifs ne devrait varier qu’en réac­tion à des infor­ma­tions nou­velles por­tant sur les fondamentaux.

Ces infor­ma­tions nou­velles étant par défi­ni­tion impré­vi­sibles, le ren­de­ment des actifs devrait lui aus­si être impré­vi­sible (Hypo­thèse d’ef­fi­cience du marché).

Les écueils empiriques

Théo­rie standard
En matière d’é­co­no­mie des mar­chés finan­ciers, les années 1960 et 1970 ont été mar­quées par les tra­vaux de Har­ry Mar­ko­witz, William Sharpe, Eugene Fama, Fischer Black, Myron Scholes, Robert Mer­ton et d’autres. Ils ont conduit à ce qui est aujourd’­hui appe­lé la théo­rie standard

Dans la réa­li­té, la théo­rie s’est heur­tée à un cer­tain nombre d’obs­tacles empi­riques. Pour com­men­cer, on constate que cer­taines paires d’ac­tifs très com­pa­rables se vendent régu­liè­re­ment à des prix net­te­ment dif­fé­rents, en contra­dic­tion appa­rente avec la loi du prix unique. D’autres ano­ma­lies concernent la pré­vi­si­bi­li­té du ren­de­ment des actifs, notam­ment ce qu’il est conve­nu d’ap­pe­ler « l’ef­fet momen­tum » : la per­for­mance récente d’un actif tend à per­du­rer sur le court terme.

Dans les deux cas, la théo­rie stan­dard pré­dit que les arbi­tra­gistes vont repé­rer ces bonnes affaires, spé­cu­ler des­sus et les éli­mi­ner au pas­sage. On retrouve un rai­son­ne­ment simi­laire en matière de pré­vi­si­bi­li­té des ren­de­ments. C’est pour­quoi on parle d’a­no­ma­lies, et c’est pour­quoi les éco­no­mistes finan­ciers n’ont eu d’autre choix que de retour­ner à leurs chères études. 

Théorie du troisième type

Ces décou­vertes empi­riques ont sus­ci­té un vif débat chez les éco­no­mistes finan­ciers (et une intense acti­vi­té de la part des fonds spé­cu­la­tifs). Cer­tains cherchent à récon­ci­lier les ano­ma­lies avec cer­taines ver­sions plus éla­bo­rées de la théo­rie stan­dard qui conservent le pos­tu­lat d’ar­bi­trage sans contrainte. D’autres rejettent le pos­tu­lat, plus fon­da­men­tal encore, de ratio­na­li­té des agents, expli­quant alors les ano­ma­lies par des biais comportementaux.

Arbi­trage et obligations
Les obli­ga­tions d’É­tat dites on-the-run, c’est-à-dire les plus récem­ment émises, se vendent par­fois beau­coup plus cher que les obli­ga­tions un peu plus anciennes, dites off-the-run, alors qu’elles pré­sentent essen­tiel­le­ment le même taux et la même matu­ri­té. Les arbi­tra­gistes achè­te­ront l’o­bli­ga­tion off-the-run et ven­dront à la baisse l’o­bli­ga­tion on-the-run pour exploi­ter leur écart de prix, mais ce fai­sant, ils vont réduire l’é­cart tant et si bien qu’au moment où les simples mor­tels se réveille­ront, la fête sera déjà ter­mi­née, il ne res­te­ra plus que des miettes.

Enfin, quelque part entre les deux, se des­sine un troi­sième groupe : ceux-là consi­dèrent bien les arbi­tra­gistes comme essen­tiels au bon fonc­tion­ne­ment des mar­chés finan­ciers, mais estiment qu’ils n’ont pas tou­jours les mains libres pour travailler.

Cette troi­sième voie de la lit­té­ra­ture finan­cière, celle dite des » limites de l’ar­bi­trage « , est pro­met­teuse. Les recherches menées visent à com­prendre pour­quoi l’ar­bi­trage par­fait ne se réa­lise pas tou­jours en pra­tique, autre­ment dit pour­quoi les ano­ma­lies appa­raissent et per­durent. C’est essen­tiel­le­ment le pro­ces­sus d’ar­bi­trage qui est sur la sel­lette, avec une atten­tion par­ti­cu­lière por­tée aux ins­ti­tu­tions finan­cières – ava­tars des arbi­tra­gistes théo­riques dans le monde réel – et aux contraintes qui s’im­posent à elles.

Pré­misse de ce rai­son­ne­ment : les arbi­tra­gistes sont contraints en ce sens qu’ils ne peuvent pas tou­jours obte­nir les capi­taux néces­saires pour exploi­ter une oppor­tu­ni­té d’in­ves­tis­se­ment, fût-elle excel­lente. Cette simple pré­misse de contrainte de capi­tal des arbi­tra­gistes a des consé­quences pro­fondes sur la recherche uni­ver­si­taire en finance, dont les éco­no­mistes finan­ciers com­mencent à peine à per­ce­voir toute l’étendue. 

Amplification et contagion

Les arbi­tra­gistes ne peuvent pas tou­jours obte­nir les capi­taux néces­saires pour exploi­ter une opportunité

Sup­po­sons, par exemple, que des inves­tis­seurs décident sou­dain de vendre en grande quan­ti­té un actif don­né. Ce sont peut-être des inves­tis­seurs indi­vi­duels, des day-tra­ders (qui prennent des posi­tions à très court terme), des fonds de pen­sion, des banques – peu importe en l’oc­cur­rence, et peu importe éga­le­ment de savoir d’où leur vient cette envie sou­daine de vendre. Ce qui est cer­tain, c’est que l’offre aug­mente suf­fi­sam­ment pour pro­vo­quer une chute du prix de l’ac­tif en ques­tion, ce qui en fait une oppor­tu­ni­té pour les arbitragistes.

Capi­taux limités
Il est bien évident que les acteurs ins­ti­tu­tion­nels du monde réel n’ont pas accès à des capi­taux illi­mi­tés. Cet aspect élé­men­taire de la vie finan­cière s’est impo­sé avec une dou­lou­reuse acui­té durant la récente crise, lorsque les gou­ver­ne­ments ont dû injec­ter des capi­taux dans les banques pré­ci­sé­ment parce que les mar­chés finan­ciers ne vou­laient pas le faire. Mais cela reste vrai même en temps nor­mal, compte tenu des res­tric­tions impo­sées par les régle­men­ta­tions ou par les bailleurs de fonds des mar­chés de capitaux.

En l’ab­sence de toute contrainte, ils absor­be­raient sim­ple­ment le choc de cette offre sou­daine, c’est-à-dire qu’ils achè­te­raient ce qui est à vendre. S’il leur fal­lait des capi­taux sup­plé­men­taires pour ache­ter, ils les trou­ve­raient sans pro­blème. En consé­quence, même un choc impor­tant n’au­rait qu’un impact limi­té sur le prix.

En revanche, le tableau change du tout au tout si l’on tient compte des contraintes finan­cières des arbi­tra­gistes. En effet, faute de déni­cher faci­le­ment des capi­taux sup­plé­men­taires, ils ne pour­ront amor­tir tota­le­ment le choc, auquel cas la pres­sion de l’offre pour­rait avoir un impact durable sur le prix.

Glo­ba­le­ment, dès lors que le groupe des arbi­tra­gistes a les poches pleines, le com­por­te­ment des mar­chés finan­ciers devrait col­ler avec la des­crip­tion de la théo­rie stan­dard. Mais que le capi­tal vienne à man­quer, et de bien étranges phé­no­mènes se pro­duisent. Cette conclu­sion élé­men­taire s’a­vère extrê­me­ment féconde. Par­mi les consé­quences de cette approche, les plus inté­res­santes découlent de l’ob­ser­va­tion sui­vante : si le capi­tal des arbi­tra­gistes influe sur le prix des actifs, l’in­verse est vrai également.

Pre­miè­re­ment, la nou­velle approche a per­mis d’ex­pli­quer com­ment de petits chocs peuvent avoir de grands effets, comme c’est sou­vent le cas dans les crises finan­cières. Repre­nons notre exemple de choc de l’offre. Nous avons vu que les arbi­tra­gistes aux prises avec des contraintes finan­cières ne pour­raient peut-être pas absor­ber ce choc, d’où un impact par­fois consi­dé­rable sur le prix. Mais il y a pire encore.

De petits chocs peuvent avoir de grands effets

Ima­gi­nons qu’a­vant le choc nos arbi­tra­gistes détiennent des quan­ti­tés impor­tantes de cet actif. Si le choc fait chu­ter le cours, les arbi­tra­gistes perdent du capi­tal. Non seule­ment ils ne pour­ront peut-être pas absor­ber le choc, mais ils risquent même de devoir liqui­der leurs propres posi­tions, accen­tuant ain­si la chute des cours.

Dans ce cas de figure, l’ef­fet pro­duit par les arbi­tra­gistes sur le prix de l’ac­tif n’est ni sta­bi­li­sa­teur ni neutre : il est désta­bi­li­sant. Deuxiè­me­ment, cette concep­tion des limites de l’ar­bi­trage per­met d’in­ter­pré­ter un cer­tain nombre d’é­pi­sodes de conta­gion qui ont rava­gé les mar­chés finan­ciers : les besoins en capi­taux sur un mar­ché se réper­cu­tant sur les autres marchés. 

Un nouveau cadre d’orientation

Il n’est pas exclu que ces recherches sur les limites de l’ar­bi­trage entraînent une refonte com­plète de notre com­pré­hen­sion des mar­chés finan­ciers. Mais la vraie ques­tion, la plus impor­tante sans doute, est de savoir si elles sont en mesure de nous four­nir un cadre utile pour l’o­rien­ta­tion des poli­tiques publiques.

Externalités en chaîne

Conta­gion
À la suite d’un choc de l’offre sur un mar­ché don­né, le capi­tal des arbi­tra­gistes peut se retrou­ver enta­mé. Mais puis­qu’ils uti­lisent les mêmes capi­taux pour absor­ber les chocs sur dif­fé­rents mar­chés, une dimi­nu­tion de leur capi­tal peut les for­cer à liqui­der des posi­tions sur d’autres mar­chés, ce qui va influer sur le prix des actifs cotés sur ces mar­chés. Glo­ba­le­ment donc, le choc va se pro­pa­ger d’un mar­ché aux autres.

Lorsque les arbi­tra­gistes prennent des posi­tions finan­cières, risquent-ils leur capi­tal d’une manière dési­rable pour eux et pour la socié­té dans son ensemble ? En 2002, dans un article qui pro­po­sait un modèle d’ar­bi­trage sous contraintes finan­cières, nous expli­quions pour­quoi la réponse était néga­tive. En jar­gon tech­nique, nous dirions que les théo­rèmes du bien-être ne s’ap­pliquent pas.

Voi­ci la logique : les chocs de l’offre sont sus­cep­tibles d’en­gen­drer des mou­ve­ments du prix des actifs, les­quels consti­tuent des oppor­tu­ni­tés de pro­fit pour les arbi­tra­gistes. Tou­te­fois, cha­cun d’entre eux a besoin de capi­taux pour pou­voir s’of­frir ces déli­cieux amuse-gueules. Pas de pro­blème : il peut sim­ple­ment mettre de côté en période faste, de manière à réin­ves­tir au moment pré­cis où l’op­por­tu­ni­té se présente.

De fait, nombre d’é­mi­nents inves­tis­seurs appliquent cette stra­té­gie qui consiste à sto­cker des muni­tions au sec pour batailler le moment venu. Natu­rel­le­ment, mettre du capi­tal de côté, c’est aus­si renon­cer à quelques oppor­tu­ni­tés ris­quées mais juteuses. Il n’en reste pas moins vrai que chaque arbi­tra­giste est en mesure de com­pa­rer les mérites de cette stra­té­gie d’in­ves­tis­se­ment avec le coût d’une pénu­rie de capi­tal dis­po­nible en cas de gros choc, pour déci­der par lui-même, à par­tir de cette ana­lyse coût-béné­fice, du mon­tant le plus adap­té. Jus­qu’i­ci tout va bien : nulle trace d’inefficience.

Les théo­rèmes du bien-être ne s’ap­pliquent pas

Seule­ment, il y a quelque chose que l’ar­bi­tra­giste indi­vi­duel ne prend pas tota­le­ment en compte lors­qu’il décide du ratio muni­tions à sto­cker ver­sus capi­tal à ris­quer. De fait, le coût d’une pénu­rie de capi­tal en cas de choc est infé­rieur au coût social qu’im­plique cette situa­tion. Quand un arbi­tra­giste manque de capi­taux, non seule­ment il n’est pas en mesure d’ex­ploi­ter le mou­ve­ment des prix cau­sé par le choc, mais comme nous l’a­vons vu, cette impuis­sance ampli­fie les effets du choc sur les prix.

Du coup, ces prix bas font perdre encore plus de capi­taux aux autres arbi­tra­gistes, ce qui les force à liqui­der leurs avoirs, d’où une aggra­va­tion de la chute des prix. Cette réac­tion en chaîne a pour effet de pri­ver les arbi­tra­gistes de capi­tal dis­po­nible au moment pré­cis où il serait le plus utile socialement.

Des politiques à inventer

Opti­mum social
Mal­gré son impor­tance, l’a­na­lyse en termes de bien-être social des mar­chés d’ac­tifs avec arbi­trage limi­té en est encore à ses bal­bu­tie­ments. Mais son poten­tiel est immense. Ces recherches insistent sur le rôle des ins­ti­tu­tions finan­cières dans le fonc­tion­ne­ment des mar­chés d’ac­tifs. On conçoit donc bien que la san­té finan­cière de ces ins­ti­tu­tions affecte le fonc­tion­ne­ment des mar­chés. L’in­verse n’est pas moins vrai : leur san­té finan­cière est fonc­tion du prix des actifs à tra­vers les gains et pertes en capi­taux qu’ils impliquent.

Si, dans le modèle stan­dard, la main invi­sible de la libre concur­rence et ses petits lutins les prix nous poussent en dou­ceur vers des déci­sions socia­le­ment opti­males, ce n’est pas le cas ici. Ils inci­te­raient plu­tôt les arbi­tra­gistes à ris­quer une frac­tion exces­sive de leur capital.

Puisque le sys­tème des prix s’a­vère inca­pable d’as­su­mer sa tâche de gui­dage des agents, il serait sou­hai­table que quel­qu’un s’en char­geât – un régu­la­teur peut-être. Il s’a­gi­rait en somme d’in­ci­ter, voire de for­cer les arbi­tra­gistes à prendre moins de risques – tout le monde, arbi­tra­gistes com­pris, ne s’en por­te­rait que mieux. Quel serait le meilleur moyen d’y par­ve­nir ? D’au­cuns ont sug­gé­ré d’a­mé­lio­rer l’exis­tant, à savoir la ges­tion du risque basée sur les fonds propres exi­gés des banques au terme des accords de Bâle.

On a ici l’i­dée d’une régu­la­tion qui dur­ci­rait les contraintes capi­ta­lis­tiques des banques à pro­por­tion des risques encou­rus, avec pour effet de récom­pen­ser les prises de risque les plus rai­son­nables. Une autre pos­si­bi­li­té serait de taxer les banques en période d’a­bon­dance, puis de leur redis­tri­buer le pécule ain­si consti­tué en période de vaches maigres. On pour­rait éga­le­ment envi­sa­ger d’é­tendre les pré­ro­ga­tives des banques cen­trales dans leur rôle de » prê­teur de der­nier recours « , les auto­ri­sant à finan­cer les banques et autres ins­ti­tu­tions finan­cières à des condi­tions plus avan­ta­geuses que celles du mar­ché, lorsque leurs contraintes capi­ta­lis­tiques deviennent intenables.

En effet, les banques cen­trales n’ac­ceptent géné­ra­le­ment de prê­ter que contre des garan­ties de très grande qua­li­té, mais des voix s’é­lèvent actuel­le­ment pour deman­der d’une part l’é­lar­gis­se­ment des garan­ties accep­tables, qui pour­raient com­prendre des actifs de qua­li­té infé­rieure, et d’autre part qu’on auto­rise les banques cen­trales à mener des pro­grammes de rachat d’actifs.

Le texte de Dimi­tri Vaya­nos a été tra­duit de l’an­glais par F.-X. Priour.

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