Le batîment de projection et de commandement.(BPC)

Les grands programmes de la marine.

Dossier : Marine nationaleMagazine N°596 Juin/Juillet 2004Par Jean-René Le GOFF (75)

Bien au-delà du seul renou­vel­le­ment – ren­du lar­ge­ment néces­saire par l’âge éle­vé des bâti­ments actuels – des navires de sur­face et des sous-marins d’at­taque, les pro­grammes d’ac­qui­si­tion de la marine natio­nale visent à la doter d’une pano­plie com­plète de moyens navals, aéro­nau­tiques, de com­man­de­ment et de com­mu­ni­ca­tion contri­buant aux grandes fonc­tions stra­té­giques décrites dans le modèle d’ar­mées 2015 dans un cadre certes natio­nal, mais de plus en plus euro­péen et interallié.

Le défi majeur à rele­ver pour ceux qui doivent gérer ces pro­grammes consiste à conser­ver la marge de manœuvre per­met­tant de mener à bien le renou­vel­le­ment de l’os­sa­ture de la marine, consti­tuée prin­ci­pa­le­ment par les fré­gates et les sous-marins d’at­taque, ain­si que l’ac­qui­si­tion du deuxième porte-avions, mal­gré l’im­por­tance consi­dé­rable des enga­ge­ments déjà pris, et qu’il faut assu­mer, en faveur de la com­po­sante aéro­nau­tique embar­quée dont l’ac­qui­si­tion se pour­sui­vra jus­qu’en 2015 avec le Rafale, et en faveur de la moder­ni­sa­tion de la force de dis­sua­sion avec le pro­gramme SNLE de nou­velle géné­ra­tion qui se trouve à peu près actuel­le­ment à mi-par­cours, puis avec les nou­veaux mis­siles stra­té­giques M51.

Outre ces très grands pro­grammes, on peut citer rapi­de­ment par­mi les prin­ci­pales acqui­si­tions lan­cées ces der­nières années et actuel­le­ment en cours : les héli­co­ptères NH 90, l’a­vion de guet aérien Haw­keye dont le troi­sième exem­plaire vient d’être livré, les fré­gates de défense aérienne et anti­mis­sile Hori­zon réa­li­sées en com­mun avec l’I­ta­lie et qui seront équi­pées du sys­tème d’arme anti­aé­rien PAAMS (Prin­ci­pal Anti-Air Mis­sile Sys­tem) à base de mis­siles Aster, la tor­pille MU 90 éga­le­ment fran­co-ita­lienne et actuel­le­ment en phase de pro­duc­tion, ou encore la nou­velle géné­ra­tion de Sys­tèmes d’in­for­ma­tion et de com­mu­ni­ca­tion (SIC 21).Je pré­fé­re­rai concen­trer ce bref expo­sé sur trois pro­grammes plus par­ti­cu­liè­re­ment nova­teurs : le BPC (Bâti­ment de pro­jec­tion et de com­man­de­ment), les fré­gates mul­ti­mis­sions, les sous-marins d’at­taque Bar­ra­cu­da.

Le BPC (bâtiment de projection et de commandement)


Le batî­ment de pro­jec­tion et de com­man­de­ment © DCN

Deux bâti­ments (21 000 tonnes, 200 m de lon­gueur) du type Mis­tral sont actuel­le­ment en com­mande et devraient être livrés en 2005 et 2006. Ce pro­gramme est par­ti­cu­liè­re­ment nova­teur dans la mesure où :

  • ces bâti­ments ne seront plus de simples trans­ports de cha­lands de débar­que­ment, mais de très grands bâti­ments de com­man­de­ment à la voca­tion inter­ar­mée et inter­al­liée affir­mée, capables d’embarquer un état-major de forces de 250 à 300 per­sonnes (le navire pos­sède une sur­face recon­fi­gu­rable pré­câ­blée de 800 m2 pou­vant accueillir 150 postes de tra­vail infor­ma­tiques). Cela per­met­tra de les uti­li­ser comme centres de com­man­de­ment dans un cadre de pré­ven­tion de crise ou de pro­jec­tion de forces. Ils dis­posent par ailleurs, bien enten­du, d’im­por­tantes capa­ci­tés de trans­port (15 héli­co­ptères, 60 véhi­cules blin­dés, 450 hommes de troupe) et de capa­ci­tés hos­pi­ta­lières développées ;
  • la réa­li­sa­tion de ces navires a fait, afin de maî­tri­ser leur coût, lar­ge­ment appel aux stan­dards de construc­tion civils ; ils sont pro­pul­sés par des pods élec­triques simi­laires à ceux des paque­bots modernes ;
  • enfin, le mon­tage indus­triel rete­nu est un par­te­na­riat entre les Chan­tiers de l’At­lan­tique et la DCN.

Les frégates multimissions (FREMM)

La marine pré­voit de renou­ve­ler les uni­tés vieillis­santes (âge moyen : 30 ans !) de la flotte de sur­face par une série unique de 17 fré­gates mul­ti-mis­sions répar­ties en :

La frégate multimissions.
La fré­gate mul­ti­mis­sions. © DCN
  • 9 fré­gates d’ac­tion vers la terre,
  • 8 fré­gates de lutte anti-sous-marine.


Toutes seront équi­pées du mis­sile de croi­sière naval (déri­vé du mis­sile aéro­por­té Scalp de Matra-BAé) qui don­ne­ra aux forces fran­çaises une capa­ci­té de frappe en pro­fon­deur sur des objec­tifs ter­restres ana­logue à celle du Toma­hawk américain.

Ce pro­gramme consti­tue pour la marine un enjeu et un défi majeurs sous plu­sieurs aspects :

  • les per­for­mances opé­ra­tion­nelles de ces fré­gates devront consti­tuer une rup­ture par rap­port aux uni­tés tra­di­tion­nelles dans la mesure où, en plus de leur capa­ci­té de frappe, elles devront rece­voir un sys­tème de com­bat apte aux enga­ge­ments mul­ti­plates-formes du futur, per­met­tant d’op­ti­mi­ser l’ef­fi­ca­ci­té d’en­semble d’une force aéronavale,
  • l’é­qui­page de ces navires sera réduit (envi­ron 100 per­sonnes contre 190 pour les fré­gates Hori­zon) afin de répondre aux défis démo­gra­phiques et socio­lo­giques actuels. Pour ce faire, l’au­to­ma­ti­sa­tion sera très poussée,
  • enfin, la recherche de la maî­trise des coûts conduit à limi­ter l’ex­pres­sion de besoin au juste néces­saire et à faire jouer la concurrence.


Nous sommes actuel­le­ment en cours de négo­cia­tion avec l’I­ta­lie qui a un besoin ana­logue et conco­mi­tant en vue de lan­cer ce pro­gramme en coopé­ra­tion afin notam­ment d’aug­men­ter l’ef­fet de série.

Le pro­jet s’o­riente vers un navire d’en­vi­ron 4 500 tonnes et 128 m de lon­gueur. Les livrai­sons sont atten­dues entre 2009 et 2017.

Le sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda

Le sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda.
Le sous-marin nucléaire d’attaque Bar­ra­cu­da.
© DCN

Les sous-marins d’at­taque du type Rubis et Amé­thyste actuel­le­ment en ser­vice auront besoin d’être renou­ve­lés à par­tir de 2012. Le pro­gramme » Bar­ra­cu­da « , actuel­le­ment en phase de défi­ni­tion, vise à doter la marine de six uni­tés à pro­pul­sion nucléaire d’en­vi­ron 4 500 tonnes.

Celles-ci assu­re­ront comme leurs pré­dé­ces­seurs les mis­sions de maî­trise de nos espaces mari­times et de garan­tie de la sûre­té de mise en œuvre de la force de dis­sua­sion, consti­tuée par les sous-marins nucléaires lan­ceurs d’en­gins. En outre, ces sous-marins seront équi­pés comme les fré­gates FREMM du mis­sile de croi­sière, qui pour­ra être tiré en plongée.

Conclusion

On ne sau­rait conclure ce trop bref pano­ra­ma sans men­tion­ner natu­rel­le­ment le deuxième porte-avions, dont une déci­sion gou­ver­ne­men­tale vient de confir­mer le choix d’une pro­pul­sion » clas­sique « , c’est-à-dire non nucléaire, et qui devrait être mis en ser­vice en 2015 pour qua­rante ans. Ces carac­té­ris­tiques conduisent à défi­nir un porte-avions de plus grandes capa­ci­tés que le Charles-de-Gaulle pour faire face notam­ment aux évo­lu­tions du Rafale et de ses futurs armements.

La conco­mi­tance des besoins fran­çais et bri­tan­niques et une conjonc­tion indus­trielle favo­rable compte tenu à la fois du rôle impor­tant du groupe Thales dans le pro­jet bri­tan­nique et du chan­ge­ment de sta­tut de la DCN per­mettent d’exa­mi­ner de façon concrète les syner­gies et les gains que devrait appor­ter la coopé­ra­tion avec la Grande-Bre­tagne. C’est le début d’une for­mi­dable et pas­sion­nante aven­ture pour les ingé­nieurs. Elle est por­teuse d’une intense signi­fi­ca­tion poli­tique à l’é­chelle euro­péenne et mondiale. 

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