Les fabricants de chômage

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°576 Juin/Juillet 2002Par : Bernard ZIMMERN (49)Rédacteur : Gérard de LIGNY (43)

C’est le qua­trième ouvrage de Bernard Zim­mern en moins de qua­tre ans, tou­jours aus­si facile à lire, bien martelé, avec une doc­u­men­ta­tion récente et une argu­men­ta­tion, plus affinée.

Sans repren­dre la litanie des mul­ti­ples caus­es du chô­mage, Bernard Zim­mern fait appa­raître ce qu’il pense être les caus­es majeures et en décline les con­séquences magis­trale­ment illustrées.

Sa méthode de recherche des caus­es fon­da­men­tales du chô­mage con­siste à com­par­er les chiffres français à ceux des pays qui ont su dévelop­per l’emploi le plus effi­cace­ment. Par­mi ces pays, il donne une place de choix aux États-Unis. Cela lui vau­dra quelques cri­tiques : “Ce pays appar­tient à un autre monde que le nôtre, sa con­cep­tion de la strug­gle for life n’est pas la nôtre. ” Peut-être, mais à l’heure de la mon­di­al­i­sa­tion cet argu­ment est-il val­able et puis les écarts sont telle­ment énormes, que le paramètre “ cul­ture ” ne peut tout expli­quer. Ces écarts appa­rais­sent sur le tableau ci-après.

Évo­lu­tion du nom­bre d’emplois entre 1973 et 1999

  • Crois­sance totale des emplois
  • Part de l’emploi marc­hand dans cette croissance
  • Part de l’emploi public
France États-Unis
+ 11%
2%
98%
+ 61%
88%
12%


Con­cer­nant les emplois publics, on pour­rait objecter que le gon­fle­ment de ces emplois en France a per­mis d’assurer des ser­vices, notam­ment dans le domaine social, qui, aux USA, sont assurés par l’économie marchande dans des con­di­tions moins équita­bles, avec de moin­dres trans­ferts entre rich­es et pau­vres. Mais Bernard Zim­mern ren­voie à ses précé­dents ouvrages où il a démon­tré sans être sérieuse­ment con­tred­it que l’équité n’est pas mieux respec­tée en France et que les trans­ferts y sont au total moins importants.

Il démon­tre dans le présent ouvrage que la prise en charge de ces ser­vices par les pou­voirs publics a pour effet de frein­er leur développe­ment. Par exem­ple, dans le domaine de la san­té, l’application du sys­tème améri­cain apporterait 200 000 emplois sup­plé­men­taires, avec des hôpi­taux mieux équipés.

L’habitude du ser­vice gra­tu­it qui s’est implan­tée en France a empêché le développe­ment des activ­ités de ser­vices alors que ce sont les grandes pour­voyeuses d’emplois.

À cela s’ajoute le fait que la fonc­tion­nar­i­sa­tion des activ­ités de servies entraîne un accroisse­ment de leurs coûts et surtout des excrois­sances sans rap­port avec leur util­ité réelle.

Sur ce chapitre Bernard Zim­mern est par­ti­c­ulière­ment élo­quent. Il con­sacre 80 pages à dénon­cer l’inefficacité des sys­tèmes d’aides à l’emploi (CES, Emplois jeunes, Mis­sions locales…) et des insti­tu­tions qui les gèrent, tan­dis que l’apprentissage est lais­sé en déshérence et que les bureaux de place­ment privés sont inter­dits (ils assurent aux États-Unis 83 % des reclasse­ments de personnel).

C’est alors que Bernard Zim­mern revient avec per­ti­nence aux prob­lèmes des créa­tions d’entreprises, qui sont, de l’autre côté de l’Atlantique, la prin­ci­pale source des emplois nouveaux.

Il s’appuie sur le sondage récent, révélant que 14 mil­lions de jeunes Français rêvent de créer leur entre­prise, ce qui les met sur la même ligne de départ que leurs homo­logues améri­cains. Mais 99 % d’entre eux ne trou­vent pas le parte­naire financier, man­ag­er de méti­er, qui les aidera à éla­bor­er et lancer leur pro­jet, en accep­tant pour lui le risque de l’échec. De tels parte­naires sont, aux États-Unis, plus de 500 000 et finan­cent les deux tiers des créa­tions d’entreprises ; en France, compte tenu du sys­tème fis­cal en vigueur, ils sont à peine un millier.

De plus les gros besoins financiers de l’État ont sus­cité de gros vol­umes de place­ments à taux fixe – fis­cale­ment avan­tagés –, ce qui ne laisse à l’énorme épargne française que 10 % disponible pour les place­ments productifs.

Quant au Par­lement, il n’a aucun moyen autonome pour détecter les gaspillages de fonds publics, et il préfère utilis­er ce mer­veilleux impôt indo­lore qu’est la TVA pour accroître les recettes de l’État.

Mal­gré tout cela, Bernard Zim­mern reste opti­miste : il croit au réveil du Par­lement poussé par une société civile qui a déjà sécrété une douzaine d’associations à tra­vers la France, indépen­dantes des par­tis poli­tiques et regroupant déjà près de 200 000 adhérents.

Au total, le livre de Bernard Zim­mern, Les fab­ri­cants de chô­mage, est, mal­gré quelques excès polémiques, un ouvrage instruc­tif et con­struc­tif, qui apporte des infor­ma­tions très utiles et incite à se mobiliser

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