PROPORTION DE PROPRIÉTAIRES OCCUPANTS POUR UNE SÉLECTION DE PAYS

Les déterminants du choix entre accession et location

Dossier : Le logement, un enjeu de sociétéMagazine N°681 Janvier 2013
Par Claude TAFFIN (69)

REPÈRES
On con­naît l’anecdote selon laque­lle un min­istre français du Loge­ment en vis­ite en Espagne y témoigna de son admi­ra­tion pour ce pays qui déte­nait le record de l’Union européenne pour la pro­por­tion de ménages pro­prié­taires de leur rési­dence principale.

REPÈRES
On con­naît l’anecdote selon laque­lle un min­istre français du Loge­ment en vis­ite en Espagne y témoigna de son admi­ra­tion pour ce pays qui déte­nait le record de l’Union européenne pour la pro­por­tion de ménages pro­prié­taires de leur rési­dence principale.
Or, son col­lègue espag­nol se mon­tra au con­traire envieux de notre pays qui par­ve­nait à main­tenir une offre loca­tive impor­tante. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà !
L’anecdote illus­tre les lim­ites de la poli­tique du tout acces­sion et la dif­fi­culté à trou­ver un équili­bre sat­is­faisant entre les statuts d’occupation.

La politique du tout accession et ses limites

La plu­part des pays encour­a­gent l’accession à la pro­priété, et elle seule. Ils ont pour cela plusieurs raisons : les pro­prié­taires sont plus motivés pour assur­er un entre­tien con­ven­able des immeubles ; ils n’auront plus de charge de loy­er à l’heure de la retraite ; les aides au loge­ment atteignent directe­ment le béné­fi­ci­aire final, elles sont donc plus effi­caces et mieux ciblées.

La plu­part des pays encour­a­gent l’accession à la pro­priété, et elle seule

C’est aus­si le statut que préfèrent la majorité des ménages, parce qu’il représente une pro­mo­tion sociale, la sécu­rité et un espoir de plus-val­ues ; l’argument de la retraite est égale­ment fort.

Dans de nom­breux pays, le statut de locataire est un statut par défaut, solu­tion d’attente pour les jeunes ménages, ceux qui n’ont pas, ou pas encore, accès au crédit, les tra­vailleurs immi­grés de fraîche date ou les étudiants.

Un frein à la mobilité

Il a fal­lu la crise des sub­primes pour met­tre en évi­dence les lim­ites du tout acces­sion. Aupar­a­vant, la prin­ci­pale cri­tique adressée à l’accession con­sis­tait à soulign­er qu’elle représen­tait un obsta­cle à la mobil­ité rési­den­tielle et donc à l’employabilité. Oswald avait ten­té d’établir un lien entre la mon­tée de l’accession en Europe et celle du chô­mage1. Il est clair que la mobil­ité des pro­prié­taires est générale­ment plus coû­teuse que celle des locataires.

Statut social
Le cli­vage entre pro­prié­taires et locataires est par­ti­c­ulière­ment net aux États-Unis où l’accès à la pro­priété ouvre égale­ment l’accès aux equi­ty loans, les prêts hypothé­caires à la con­som­ma­tion, bien moins coû­teux que les prêts ordi­naires puisque assor­tis d’une garantie solide, et, qui plus est, fis­cale­ment déductibles à hau­teur d’un mil­lion de dol­lars. Barack Oba­ma n’a jamais pu s’attaquer à cette niche fis­cale qui coûte env­i­ron 100 mil­liards de dol­lars chaque année.

Qui plus est, le creuse­ment des déséquili­bres régionaux inter­dit de fait à un pro­prié­taire d’accepter un déplace­ment tem­po­raire : dans un sens il devra combler la dif­férence de prix, et dans l’autre c’est son retour qui posera problème.

Quant à con­serv­er son bien en le louant et devenir tem­po­raire­ment locataire, il évit­era les frais et les délais de deux muta­tions, mais sera imposé sur son revenu locatif. Con­scient du prob­lème, le lég­is­la­teur français a accordé une déduc­tion spé­ci­fique de 10%, mais assor­tie de divers­es restrictions.

La solu­tion tech­nique con­siste à impos­er les loy­ers « fic­tifs », c’est-à-dire la valeur du ser­vice de la loca­tion à soi-même que se ren­dent les pro­prié­taires. De rares pays la pra­tiquent. Ce n’est pas un hasard si la Suisse, qui en fait par­tie, a le taux de pro­prié­taires le plus bas d’Europe. La France n’impose plus les loy­ers fic­tifs depuis 1960, et un retour ne sem­ble pas poli­tique­ment envisageable.

Pour­tant, les dif­férences entre pays ne tien­nent pas seule­ment aux dif­férences de statut : ain­si, la mobil­ité est beau­coup plus forte aux États-Unis qu’en Alle­magne alors que le taux de pro­prié­taires y est net­te­ment plus élevé.

Lutter contre l’étalement urbain

Con­cen­tra­tion du risque
La pra­tique, fréquente en Alle­magne, qui con­siste à être locataire de sa rési­dence prin­ci­pale et pro­prié­taire bailleur d’un autre loge­ment, paraît la plus rationnelle en ce qu’elle per­met de décon­necter la mobil­ité rési­den­tielle de celle du pat­ri­moine. Ce sché­ma est peu rentable chez nous pour les raisons fis­cales déjà évo­quées, à l’exception des locataires qui béné­fi­cient d’un bas loy­er. En con­séquence, la rési­dence prin­ci­pale des class­es moyennes représente une part trop impor­tante de leur pat­ri­moine, de par son car­ac­tère non liq­uide et la con­cen­tra­tion du risque.

Un autre argu­ment est venu plus récem­ment s’opposer au tout acces­sion, c’est la lutte con­tre l’étalement urbain, au nom des économies d’énergie et de la réduc­tion du temps de transport.

Acces­sion à la pro­priété n’est pas exacte­ment syn­onyme de mai­son indi­vidu­elle, mais la rela­tion est générale­ment forte. En France, 82% des maisons sont occupées par leur pro­prié­taire ; le ratio est inférieur à 20 % pour les apparte­ments (Insee, recense­ment de 2009).

En France, 82 % des maisons sont occupées par leur propriétaire

L’Espagne, avec une majorité de pro­prié­taires en col­lec­tif, fait excep­tion. Il est encore fréquent que crédit hypothé­caire et investisse­ment dans une copro­priété soient incom­pat­i­bles. L’exemple de Mex­i­co est l’un des plus frap­pants. L’outil prin­ci­pal de finance­ment du loge­ment, comme en Chine ou au Brésil, est le fonds d’épargne loge­ment, abondé par l’employeur et l’employé, et qui ouvre droit à des prêts préféren­tiels. Les salariés sont ain­si incités à acquérir un loge­ment dès qu’ils en ont la pos­si­bil­ité mais, du fait de l’étalement de la méga­lo­pole et de ses prob­lèmes de trans­port, ils s’exposent à des déplace­ments biquo­ti­di­ens de l’ordre de deux heures.

Beau­coup (le phénomène n’est pas quan­tifié, mais il est avéré) aban­don­nent alors ces loge­ments pour rede­venir locataires à moin­dre dis­tance du centre.

Le locatif : un luxe pour pays riches ?

Si le niveau des ressources (ain­si que leur sta­bil­ité) est un critère déter­mi­nant pour qu’un ménage puisse opter pour l’accession, ce n’est pas pour autant que le taux de pro­prié­taires est sys­té­ma­tique­ment plus élevé dans les pays rich­es, comme l’illustrent les cas de l’Allemagne et de la Suisse (voir graphique page suivante).

À l’Est, on privatise
L’Europe de l’Est nous four­nit des exem­ples très illus­trat­ifs : les pays les plus pau­vres (Alban­ie, Roumanie, Bul­gar­ie) ont été con­traints de pri­va­tis­er mas­sive­ment leur parc alors que les plus rich­es (Pologne et surtout République tchèque) ont pu con­serv­er un parc locatif social.

Si cor­réla­tion il y a, elle sem­ble plutôt néga­tive, et cela peut s’expliquer par le fait que main­tenir un parc locatif pou­vant héberg­er de larges caté­gories de pop­u­la­tions néces­site un effort financier des gou­verne­ments, soit pour financer un parc locatif social, soit pour attir­er des investis­seurs privés.

Ce fut le cas en Alle­magne dans les années qui ont suivi la Sec­onde Guerre mon­di­ale grâce aux généreuses aides fis­cales (l’amortissement accéléré qui a servi de mod­èle à Pierre-André Péris­sol en 1996) qui ont per­mis de dévelop­per un parc privé. On a déjà cité la Suisse et sa légendaire neu­tral­ité, même en matière de fis­cal­ité immo­bil­ière ; on y ajoutera bien sûr la faib­lesse pré­sumée des risques de toute nature.

Un investissement peu rentable et risqué

En dehors de cas extrêmes, l’investissement en loge­ment appa­raît sou­vent comme moins rentable et plus risqué que bien d’autres. Au pre­mier plan de ces risques fig­ure le risque poli­tique : il s’agit non seule­ment de l’instabilité fis­cale, dont la péri­ode présente nous offre un exem­ple écla­tant, mais, plus encore, des rap­ports locat­ifs, en par­ti­c­uli­er, le risque d’un con­trôle des loyers.

PR​OPORTION DE PROPRIÉTAIRES OCCUPANTS POUR UNE SÉLECTION DE PAYS

Source : Hofinet.

Si l’on revient un siè­cle et demi en arrière, l’urbanisation et l’industrialisation ali­men­taient une forte demande loca­tive dans un monde où les place­ments financiers étaient peu nom­breux et risqués (canal de Pana­ma, puis emprunts russes).

Cette sit­u­a­tion pré­vaut encore aujourd’hui dans les pays émer­gents : la demande de loge­ment explose du fait de l’urbanisation accélérée, et les cap­i­taux n’ont guère le choix qu’entre l’immobilier et les matières pre­mières, provo­quant des bulles lorsque leur choix se porte sur un pro­duit précis.

Le découragement des investisseurs

Le XXe siè­cle a vu fleurir des lég­is­la­tions favor­ables aux locataires, pour des raisons louables quand il s’agissait de pro­téger les veuves de guerre (le mora­toire de 1915 en France) ou plus générale­ment les locataires con­tre les agisse­ments des sin­istres Boy­cott en Irlande, Rach­mann en Angleterre ou Vau­tour en France, mais par­fois aus­si par pure dém­a­gogie2. En France le loy­er moyen fut ain­si divisé par vingt entre 1914 et 1948.

Cela ne suf­fit pas à expli­quer le désen­gage­ment des investis­seurs insti­tu­tion­nels, qui s’est pour­suivi bien au-delà des péri­odes de blocage des loy­ers. Dans cer­tains cas, c’est par crainte d’un retour aux pra­tiques antérieures.

En France le loy­er moyen fut divisé par 20 entre 1914 et 1948

Le plus sou­vent, comme en France, c’est parce que les out­ils à leur dis­po­si­tion pour mesur­er leur rentabil­ité et leur risque se sont dévelop­pés, alors que les place­ments financiers et immo­biliers alter­nat­ifs se mul­ti­pli­aient et que les com­para­isons n’étaient pas favor­ables au loge­ment, hand­i­capé notam­ment par ses coûts de gestion.

Rentabilités comparées

Les investis­seurs rationnels, dont les insti­tu­tion­nels font en principe par­tie, fondent leur choix sur la com­para­i­son des taux de rentabil­ité, à risque et liq­uid­ité égaux. En pra­tique, ils utilisent comme bench­mark le taux des oblig­a­tions d’État de matu­rité courante (dix à quinze ans) et y ajoutent une prime de risque.

Destruc­tions massives
Les lois favor­ables aux locataires ont certes prof­ité à ceux qui avaient un toit, mais les con­séquences en ter­mes de sous-entre­tien et de retard de con­struc­tion furent con­sid­érables, ce que résume la célèbre for­mule : In many cas­es rent con­trol appears to be the most effi­cient tech­nique present­ly known to destroy a city – except for bomb­ing3. Par exem­ple, la part de la loca­tion privée en Angleterre est passée de 50% à 15% entre 1950 et 1975.

S’ils recourent au crédit, le cap­i­tal investi rem­place le mon­tant total de l’investissement et les annu­ités des emprunts sont retranchées du revenu locatif dans le cal­cul du taux de rentabil­ité. Le ren­de­ment glob­al est la somme du revenu locatif et de la plus-val­ue ; le pre­mier est plus facile à anticiper que le sec­ond : la ten­dance à l’appréciation d’une classe d’actifs est à peu près con­nue sur le long terme, mais les cycles la ren­dent imprévis­i­ble à moyen terme.

Les taux de rentabil­ité avant impôt sur le revenu peu­vent être cal­culés et com­parés pour chaque classe d’actifs et par investisseur.

La société IPD (Invest­ment Prop­er­ty Data Bank), créée en 1985, est le leader mon­di­al de la mesure de la per­for­mance immo­bil­ière. Elle est présente dans 32 pays et pub­lie des indices sur 25 d’entre eux, mais la faible part du loge­ment dans les porte­feuilles l’exclut sou­vent des sta­tis­tiques ; c’est désor­mais le cas de la France, où 97% du parc locatif privé est entre les mains de particuliers.

Ceux-ci ont-ils une approche moins rationnelle ? Prob­a­ble­ment. D’abord, ils ne dis­posent pas d’autant d’informations pour anticiper le ren­de­ment futur et peu­vent être influ­encés par des agents com­mer­ci­aux peu scrupuleux. Ensuite, le taux d’actualisation qu’ils utilisent, le plus sou­vent implicite­ment, exprime une préférence pour le court terme, ce qui les amène à sures­timer les avan­tages fis­caux immé­di­ats. Enfin, comme ils ne pos­sè­dent le plus sou­vent qu’un petit nom­bre de loge­ments, leur approche du risque ne saurait être statistique.

Le poids du cadre législatif et fiscal

Dans les exer­ci­ces macroé­conomiques, l’arbitrage entre la loca­tion et l’accession repose sur un choix sim­i­laire à celui de l’investisseur rationnel : ou bien le locataire con­tin­ue à pay­er un loy­er en plaçant son épargne sur un sup­port sans risque, ou bien il opte pour l’accession et doit éval­uer la « valeur d’usage » de son loge­ment, qui est égale à la plus-val­ue anticipée dimin­uée des intérêts d’emprunt et de l’amortissement.

En France, 97 % du parc locatif privé est entre les mains de particuliers

Le cal­cul com­prend aus­si une prime de risque qui, en toute rigueur, est inférieure à celle de l’investisseur puisqu’elle ne com­prend pas de risque locatif (risques de vacance, de non-paiement du loy­er ou des charges et de dégra­da­tion du bien).

Au niveau microé­conomique, il existe bien d’autres fac­teurs qui font pencher la bal­ance, à com­mencer par les frais de trans­ac­tion et la fis­cal­ité de la déten­tion. Dans le cas français, les dif­férentes aides de l’État oblig­ent à sec­toris­er l’approche : la propen­sion à accéder est plus faible pour qui béné­fi­cie d’un loy­er inférieur au marché (loge­ment social) ; elle est plus élevée pour qui est éli­gi­ble à un prêt aidé à l’accession (prêt à 0 %). En out­re, les aides per­son­nelles sont dif­férentes en locatif et en accession.

On n’imagine guère un locataire résolvant chaque mois l’équation ci-dessus, même s’il est clair que les per­spec­tives de plus-val­ues, les antic­i­pa­tions de mobil­ité, les aides de l’État et le coût du crédit sont pris en compte.

Il existe d’autres fac­teurs, vari­ables selon les pays : le stand­ing du statut de pro­prié­taire et la pré­car­ité de celui de locataire sont très répan­dus. Ils cor­re­spon­dent aux pays où l’on est locataire par défaut et non par choix, c’est-à- dire la qua­si-total­ité de la planète : les rares excep­tions sont en Europe con­ti­nen­tale (Alle­magne, Suisse, déjà cités) et en Extrême- Ori­ent (Corée du Sud, Japon).

Insti­tu­tion­nels vs particuliers
Il est un point fon­da­men­tal qui dis­tingue investis­seurs par­ti­c­uliers et insti­tu­tion­nels : les pre­miers peu­vent mod­i­fi­er l’affectation du loge­ment (au-delà de la péri­ode de loca­tion oblig­a­toire lorsqu’ils béné­fi­cient d’une aide fis­cale) pour l’occuper eux-mêmes ou en céder l’usage à un enfant. Cette fac­ulté dif­fi­cile à chiffr­er peut faire accepter une rentabil­ité plus faible.
Il ne faut pas oubli­er non plus que si les investisse­ments locat­ifs issus des aides fis­cales inin­ter­rompues depuis 1984 ont per­mis de com­penser le dés­in­vestisse­ment des insti­tu­tion­nels, la grande majorité des bailleurs n’ont pas acquis les loge­ments qu’ils louent : ils en ont hérité.
S’ils les ont con­servés pour des raisons affec­tives, l’évolution des prix de l’immobilier au cours des quinze dernières années leur donne raison.
Des aides discriminantes
Une étude pub­liée en annexe du Compte du loge­ment 2002 a mis en évi­dence le rôle dis­crim­i­nant des aides : sur la durée, l’accession est tou­jours plus avan­tageuse, mais, pour un locataire aidé (en HLM), il faut atten­dre dix à quinze ans, con­tre qua­tre ou cinq pour un locataire payant un loy­er privé élevé.
Le résul­tat dans l’absolu est bien sûr très dépen­dant du point de départ et des hypothès­es retenues : le cal­cul est mené ex ante et fait notam­ment l’hypothèse que les loy­ers et les prix évolu­ent comme le PIB par ménage sur longue péri­ode, soit 1,8% en ter­mes réels.

Solvabilité des ménages

L’équation à résoudre est alors plus sim­ple : compte tenu de l’apport per­son­nel, le rem­bourse­ment de l’emprunt est-il com­pat­i­ble avec les ressources ? Lorsque les sol­i­dar­ités famil­iales sont fortes, par exem­ple autour du Bassin méditer­ranéen, la con­sti­tu­tion de l’apport per­son­nel n’est pas l’obstacle majeur.

Pays émer­gents
Dans bien des pays émer­gents, l’accès au crédit à long terme tel que nous le pra­tiquons est très lim­ité, voire qua­si inex­is­tant, en rai­son de l’instabilité économique qui ne per­met pas de pra­ti­quer des taux raisonnables ou de l’absence de sécuri­sa­tion des titres de propriété.
Les ménages mod­estes n’ont d’autre choix, à moins de con­stru­ire eux-mêmes, que de pay­er les pro­mo­teurs par verse­ments éch­e­lon­nés, sans garantie d’achèvement.

Il le devient pour les ménages mod­estes des pays dévelop­pés notam­ment, de sorte que la demande explose lorsque les prê­teurs relâchent la con­trainte sur l’apport per­son­nel ; on assiste actuelle­ment à un mou­ve­ment inverse en France, qui provoque la chute des trans­ac­tions et du crédit au logement.

En amont se pose bien sou­vent la ques­tion de l’accès au crédit. L’insuffisance et l’instabilité des ressources sont un autre motif de refus d’accès au crédit, et cela même en France.

Le sys­tème français offre aux accé­dants à la pro­priété le crédit le moins cher d’Europe, mais ceux qui s’écartent du mod­èle majori­taire, parce qu’ils ne dis­posent pas de revenus sta­bles ou parce que leur âge ou leur état de san­té leur inter­dit de s’assurer, ne peu­vent en bénéficier.

Ces exclus du crédit au loge­ment con­stituent une pop­u­la­tion hétérogène dont l’effectif est dif­fi­cile à estimer, mais qui devrait s’accroître sous la dou­ble influ­ence des évo­lu­tions du marché du tra­vail et du vieil­lisse­ment de la population.

La demande d’accession est très dépen­dante de l’offre de crédit

Le crédit au loge­ment est désor­mais prin­ci­pale­ment dis­tribué par les ban­ques général­istes pour lesquelles le prêt au loge­ment est avant tout un instru­ment de con­quête et de fidéli­sa­tion des clients : elles con­cen­trent leur atten­tion sur la capac­ité de rem­bourse­ment du client et les per­spec­tives com­mer­ciales qu’il ouvre, et accor­dent peu de poids à l’autre aspect de l’opération, c’est-à-dire la valeur du bien financé, car elles répug­nent à met­tre en œuvre la garantie hypothécaire.

Bidonvilles
Que se passe-t-il lorsqu’il n’existe ni offre de crédit ni offre loca­tive, ce qui est un cas fréquent dans les pays émergents ?
On con­naît la réponse : c’est le loge­ment « informel » dans tous les sens que revêt ce terme : loge­ment de for­tune ou implan­ta­tion illé­gale, ou encore sim­ple éva­sion fiscale.
Les études doc­u­men­tées sur ce sujet sont assez rares pour que l’on sig­nale celle qui nous apprend que 91% des habi­tants des bidonvilles de Nairo­bi sont locataires, alors que 75% de ceux de Dakar sont pro­prié­taires4.

De ce fait, les per­son­nes qui ne peu­vent faire la preuve de la régu­lar­ité de leurs revenus auront le plus grand mal à obtenir un prêt, même si elles ont un apport per­son­nel important.

Plus que d’autres, la société française con­serve une atti­tude réservée à l’égard du crédit, et cette méfi­ance se reflète dans la régle­men­ta­tion, qui inter­dit de fait la tar­i­fi­ca­tion des frais d’instruction et du coût du risque, lorsqu’ils sont supérieurs à la moyenne, et dans l’attitude des juges : ain­si, la Cour de cas­sa­tion con­sid­ère que l’établissement de crédit manque à son devoir de mise en garde s’il a con­sen­ti à un emprun­teur un prêt dis­pro­por­tion­né au regard de ses capac­ités de rem­bourse­ment présentes et à venir. Cette règle vient con­forter la pra­tique des banques.

La demande d’accession est donc très dépen­dante de l’offre de crédit. Elle est aus­si moins vive lorsqu’il existe une offre loca­tive éten­due, qui soit plus qu’une solu­tion par défaut.

______________________________________________________________________
1. Oswald, A. J. 1999. The Hous­ing Mar­ket and Europe’s Unem­ploy­ment : a Non-Tech­ni­cal Paper.
2. M. Vau­tour est un per­son­nage de théâtre, mais ses homo­logues anglo-sax­ons ont réelle­ment existé.
3. Lind­beck, Assar, 1972, The Polit­i­cal Econ­o­my of the New Left, Harp­er and Row, New York.
4. Gulyani, Sum­i­la, Ellen M. Bas­sett et Debra­ba­ta Taluk­dar, Liv­ing Con­di­tions, Rents, and Their Deter­mi­nants in the Slums of Nairo­bi and Dakar, Land Eco­nom­ics, vol. 88, n° 2, Uni­ver­si­ty of Wis­con­sin, mai 2012.

Commentaire

Ajouter un commentaire

Damienrépondre
13 avril 2013 à 12 h 48 min

Taux d’ac­ces­sion à la pro­priété et employabilité

Le sujet de l’employabilité me parait essen­tiel pour déter­min­er l’at­ti­tude que doit adopter le lég­is­la­teur face à la ques­tion de la pro­priété immo­biliere. Il est traité ici sous l’an­gle de la fis­cal­ité des revenus locat­ifs et je ne peux être que pleine­ment d’ac­cord. Un pro­prié­taire qui cherche ou subit une mobil­ité, et donc, qui con­tribue à l’op­ti­mi­sa­tion de l’of­fre d’emploi à la demande d’emploi, est pénal­isé s’il con­serve son loge­ment pour le met­tre en loca­tion et devient locataire sur son nou­veau lieu de travail.


En effet, en admet­tant que les prix soient com­pa­ra­bles sur son ancien et son nou­veau lieu de tra­vail, son pou­voir d’achat se ver­ra immé­di­ate­ment dégradé des tax­es qu’il pay­era sur ses revenus locat­ifs. C’est anti-économique. Il sem­ble évi­dent qu’il faudrait sup­primer ou lim­iter forte­ment cet effet. La pre­mière ques­tion que je me pose, sans y trou­ver de réponse sat­is­faisante, est “pourquoi cela n’a-t-il pas été fait depuis longtemps ?”.


Ce même pro­prié­taire pour­rait vouloir ven­dre son loge­ment pour en acheter un autre sur son nou­veau lieu de tra­vail. Mais là aus­si l’E­tat le pénalise en lui prél­e­vant des frais de muta­tion, dont le nom-même, à tra­vers son dou­ble sens, démon­tre toutes l’aber­ra­tion ! Muta­tion est ici employé pour la “muta­tion du bien”, mais au final, on taxe le pro­prié­taire qui subit une “muta­tion pro­fes­sion­nelle”. Là aus­si, on a donc une mesure par­faitem­nt anti-économique, au sens de l’op­ti­mi­sa­tion sociale. Et là aus­si, j’ai tou­jours cette inter­ro­ga­tion impuis­sante : “pourquoi cela n’a-t-il pas été sup­primé depuis longtemps ?”.


Sur ce sec­ond effet, j’ai per­son­nelle­ment envoyé un cour­ri­er vers mon député des Bouch­es du Rhône lorsque j’ai été muté de ce départe­ment vers le Var, puis un sec­ond vers mon député du Var lorsque je l’ai été vers le Mor­bi­han. Je vais l’être cet été vers Paris, et je me demande si je vais encore envoy­er un cour­ri­er qui, comme les précé­dents, fera l’ob­jet d’une réponse polie d’un secré­taire par­ti­c­uli­er dont la dernière des mis­sion est de réfléchir…

Répondre