Les banques : à la croisée des nouveaux usages et des nouvelles technologies

Dossier : Supplément : Fintech & croissanceMagazine N°785 Mai 2023
Par Pierre LAHBABI (X98)

Pierre Lah­ba­bi (X98), Direc­teur Ser­vices Finan­ciers de Sopra Ste­ria, dresse pour nous un état des lieux de l’innovation finan­cière et des ten­dances socié­tales et tech­no­lo­giques, qui poussent les banques à se réin­ven­ter pour pro­po­ser des ser­vices finan­ciers à forte valeur ajou­tée. Ren­contre.

L’innovation, la réglementation ainsi que l’évolution des usages ont considérablement fait évoluer l’industrie bancaire. Quelles sont, selon vous, les évolutions et les transformations les plus structurantes ?

J’en vois prin­ci­pa­le­ment trois.
Le pre­mier concerne la res­pon­sa­bi­li­té socié­tale et envi­ron­ne­men­tale (RSE) qui, au cours des der­nières années, est deve­nue un enjeu struc­tu­rant pour l’ensemble des acteurs de l’économie. Cet enjeu est encore plus déter­mi­nant pour les banques car, à tra­vers leur rôle de finan­ce­ment des acteurs de l’économie, elles peuvent avoir un impact majeur sur l’ensemble de la socié­té. On note aus­si à ce niveau des attentes très fortes de la part des clients vis‑à vis de leur banque.

Selon notre enquête annuelle Digi­tal Ban­king Expe­rience (DBX), en 2022, plus de 60 % des par­ti­cu­liers accordent même plus d’importance à cet enga­ge­ment RSE qu’à la ren­ta­bi­li­té de leurs pla­ce­ments… Cette ten­dance se tra­duit par une volon­té plus forte des banques d’intégrer la RSE au cœur de leurs plans stra­té­giques et leurs offres, que ce soit pour leur pro­duits d’investissement ou pour leurs acti­vi­tés de prêts aux par­ti­cu­liers et aux entre­prises. Il n’y a pas de doutes, ce thème va res­ter un domaine d’investissement majeur des banques pour les années à venir.

« Selon notre enquête annuelle Digital Banking Experience (DBX), en 2022, plus de 60 % des particuliers accordent même plus d’importance à cet engagement RSE qu’à la rentabilité de leurs placements. »

Le second axe tourne autour de l’Open Ban­king, et plus géné­ra­le­mentde l’Open Finance. L’industrie ban­caire est plus ouverte. En tant que faci­li­ta­teur du finan­ce­ment et des tran­sac­tions, elle s’inscrit dans des éco­sys­tèmes au sein des­quels elle inter­agit avec dif­fé­rents partenaires.

Par ailleurs, les clients sont deman­deurs d’une expé­rience client tou­jours plus per­son­na­li­sée et de nou­veaux ser­vices qui répondent par­fai­te­ment à leurs attentes. Dans ce cadre, les banques doivent leur pro­po­ser des ser­vices tou­jours plus per­ti­nents et inté­grés au sein de leur envi­ron­ne­ment. Grâce aux nou­velles tech­no­lo­gies, et notam­ment les API, elles peuvent plus faci­le­ment s’interfacer avec des acteurs et des par­te­naires qui vont leur per­mettre d’étendre et de diver­si­fier leur offre.

Enfin, le troi­sième sujet clé concerne l’optimisation et la valo­ri­sa­tion de la don­née, de plus en plus grâce aux tech­no­lo­gies d’Intelligence Arti­fi­cielle (IA). Les banques doivent trou­ver le par­fait équi­libre entre deux enjeux : en tant que tiers de confiance, elles doivent garan­tir la confi­den­tia­li­té et la sécu­ri­sa­tion des don­nées per­son­nelles de leurs clients, mais elles doivent aus­si apprendre à les valo­ri­ser dans des cas d’usages clairs et qui apportent une réelle valeur à leurs clients. Il y a des usages qui ne posent pas ques­tion comme la lutte contre la fraude ou le blan­chi­ment d’argent, l’automatisation des pro­cess (etc.), mais aus­si des usages qui néces­sitent une accep­ta­tion expli­cite des clients, par exemple lorsqu’il s’agit d’utiliser ces don­nées à des fins mar­ke­ting pour pro­po­ser aux clients des ser­vices plus per­son­na­li­sés ou complémentaires.

Et dans ce cadre, comment vous positionnez-vous et comment accompagnez-vous vos clients bancaires afin d’appréhender l’ensemble de ces sujets et ces nouvelles tendances ?

Sopra Ste­ria est une entre­prise euro­péenne de conseil et de ser­vices numé­riques qui emploie 50 000 col­la­bo­ra­teurs et qui génère un chiffre d’affaires de plus de 5 mil­liards d’euros dans le monde.

De par nos exper­tises et notre posi­tion­ne­ment, nous sommes donc en pre­mière ligne pour les accom­pa­gner grâce à nos trois prin­ci­paux métiers :

  • Le conseil : nous conseillons les banques dans leurs réflexions et dans leurs trans­for­ma­tions au niveau de leurs métiers, de leur sys­tème d’information…
  • Les ser­vices numé­riques et l’intégration : nous les accom­pa­gnons dans la réa­li­sa­tion concrète de ces trans­for­ma­tions en les aidant à main­te­nir et moder­ni­ser leur sys­tème d’information, à en assu­rer la sécu­ri­té, à déve­lop­per de nou­velles applications ;
  • L’édition de logi­ciel : notre filiale Sopra Ban­king Soft­ware est un des prin­ci­paux édi­teurs mon­diaux de logi­ciels pour le sec­teur des ser­vices finan­ciers ce qui nous per­met de pro­po­ser une large gamme de solu­tions dans le domaine de la tenue de compte, des cré­dits, des paie­ments, de la conformité.

Nous nous posi­tion­nons donc vis-à-vis de nos clients ban­caires pour les accom­pa­gner dans leurs acti­vi­tés et pro­cess métiers au quo­ti­dien mais aus­si dans leurs grands pro­jets de trans­for­ma­tion, en Europe et dans le monde, avec une approche globale.

Au-delà, quels sont les autres sujets et questions qui vous mobilisent actuellement ?

Comme je viens de l’indiquer, nous avons une très grande diver­si­té d’activités au ser­vice de nos clients ban­caires, ce qui nous per­met d’adresser la plu­part des grands domaines métier des banques et de leurs enjeux. Ain­si, nous inter­ve­nons beau­coup sur tout ce qui tourne autour de la cyber­sé­cu­ri­té et de la confor­mi­té. Les banques sont, en effet, sou­mises à des régle­men­ta­tions très strictes et for­te­ment évo­lu­tives. Actuel­le­ment, par exemple, nous tra­vaillons sur la régle­men­ta­tion DORA qui entre­ra en vigueur début 2025 et dont l’objet est de ren­for­cer la rési­lience opé­ra­tion­nelle des banques. Ce règle­ment impose notam­ment aux banques de mettre en place des plans de conti­nui­té d’activité et de réver­si­bi­li­té très détaillés ; une ges­tion effi­cace de leurs four­nis­seurs sur le plan contrac­tuel ; des tests régu­liers de leur sys­tème d’information… Ce sont autant d’enjeux autour des­quels nos équipes sont en mesure d’accompagner et de conseiller les banques.

« Ainsi, nous intervenons beaucoup sur tout ce qui tourne autour de la cybersécurité et de la conformité. »

Nous sommes aus­si régu­liè­re­ment sol­li­ci­tés sur des pro­jets autour de l’expérience client avec des par­ti­cu­liers et des entre­prises qui sont de plus en plus exi­geants vis-à-vis de leur banque sur ce sujet. Ils sou­haitent dis­po­ser non seule­ment de sites web et d’applications mobile au meilleur niveau, mais aus­si de par­cours simples et entiè­re­ment déma­té­ria­li­sés ain­si que de ser­vices per­son­na­li­sés, adap­té à leurs besoins. Typi­que­ment sur ce sujet, nous pou­vons inter­ve­nir à dif­fé­rents niveaux : la concep­tion de nou­veaux ser­vices, le desi­gn des appli­ca­tions ban­caires, l’optimisation et la flui­di­fi­ca­tion des par­cours client, …

Enfin, un autre exemple, dans un envi­ron­ne­ment très évo­lu­tif, les banques doivent déve­lop­per leur effi­ca­ci­té et agi­li­té pour s’adapter en per­ma­nence au contexte du mar­ché et aux attentes de leurs clients. Les banques s’appuient cepen­dant encore sur des sys­tèmes infor­ma­tiques anciens, qui ont fait leur preuve et sont fiables, mais qui ne sont pas assez agiles ce qui peut les frei­ner en termes d’innovation ou time-to-mar­ket… Pour les aider à rele­ver ce défi, nous avons conçu une offre dédiée qui per­met d’établir un bilan de la situa­tion tech­no­lo­gique d’un domaine appli­ca­tif d’une banque afin d’identifier les leviers d’amélioration et les actions à déployer. Nous pou­vons ain­si ensuite les accom­pa­gner pour adop­ter de nou­velles méthodes et stan­dards de déve­lop­pe­ment plus per­for­mants, à remettre au meilleur niveau tech­no­lo­gique leur logi­ciels et les redé­ployer, voire à les migrer sur le cloud.

En parallèle, sur le plan technologique, quelles sont les pistes que vous explorez ?

De manière pros­pec­tive, nous nous inté­res­sons à plu­sieurs sujets. Nous avons la chance d’être sur une indus­trie avec de nom­breuses innovations.
Il y a, tout d’abord les cryp­toac­tifs, et l’euro numé­rique, qui sont des tech­no­lo­gies qui per­mettent d’adresser des cas d’usages finan­ciers et ban­caires spé­ci­fiques. Nous accom­pa­gnons les banques pour être en confor­mi­té avec les régle­men­ta­tions sur les cryp­toac­tifs et menons des réflexions avec les auto­ri­tés de régu­la­tion, les banques et l’écosystème de manière géné­rale afin de mieux cer­ner les usages, la valeur ajou­tée d’une mon­naie numé­rique, mais aus­si afin de déter­mi­ner com­ment les banques pour­ront la déployer.

» Le sujet technologique le plus prégnant reste bien évidemment l’intelligence artificielle qui permet d’exploiter la richesse des données dont les banques disposent. »

Nous nous inté­res­sons aux enjeux de l’identité numé­rique, à la fois pour les banques et les gou­ver­ne­ments. A l’échelle euro­péenne, plu­sieurs pays ont déve­lop­pé des solu­tions d’identité numé­riques comme Spid en Ita­lie, Itsme en Bel­gique, Veri­mi en Alle­magne mais leurs usages ne sont pas encore très répan­dus. Nous avons aus­si un règle­ment por­tant sur l’interopérabilité des iden­ti­tés numé­riques, ce volet n’est tou­te­fois pas encore très bien déve­lop­pé. La Com­mis­sion euro­péenne pré­pare actuel­le­ment un pro­jet impor­tant, le Digi­tal Iden­ti­ty Wal­let, afin de faire émer­ger une iden­ti­té numé­rique euro­péenne, qui ouvri­rait la voie à plein de nou­veaux ser­vices. Sur ce sujet, notre convic­tion est que les banques ont un rôle impor­tant à jouer à ce niveau de par leur rôle his­to­rique de tiers de confiance.

Enfin, le sujet tech­no­lo­gique le plus pré­gnant reste bien évi­dem­ment l’intelligence arti­fi­cielle qui per­met d’exploiter la richesse des don­nées dont les banques dis­posent et, par exemple, d’optimiser les par­cours client ou de lut­ter contre la fraude… Sur ce sujet, nous nous concen­trons sur des enjeux tech­no­lo­giques bien sûr mais aus­si de plus en plus sur des enjeux éthiques. Ain­si, nous tra­vaillons sur l’explicabilité des algo­rithmes afin de com­prendre les résul­tats et les déci­sions qui sont pous­sés par la tech­no­lo­gie, et d’autre part, son moni­to­ring afin d’éviter des biais qui pour­raient impac­ter les résul­tats et déci­sions. À l’heure, où l’intelligence arti­fi­cielle est de plus en plus uti­li­sée pour orien­ter ou prendre des déci­sions, dis­po­ser d’une IA de confiance est plus que jamais indis­pen­sable pour les banques. Nous par­ti­ci­pons ain­si à l’association IA de confiance avec plu­sieurs autres acteurs pour faire avan­cer la pra­tique sur ce sujet.

Pour relever l’ensemble de ces défis, le capital humain est clé. Quels sont les talents et les compétences que vous recherchez pour renforcer vos équipes ?

Sopra Ste­ria enre­gistre une crois­sance struc­tu­relle de près de 7 %. L’entreprise s’appuie sur une expé­rience, des exper­tises et une pré­sence très fortes dans les ser­vices finan­ciers à l’échelle mon­diale pour accom­pa­gner les banques dans leurs trans­for­ma­tions, leurs réflexions et leurs enjeux, mais aus­si dans le déploie­ment opé­ra­tion­nel de leurs pro­jets. Au sein de Sopra Ste­ria, ma mis­sion est jus­te­ment de garan­tir que nous soyons en mesure de mobi­li­ser tous nos métiers, exper­tises et équipes au ser­vice des besoins et des défis de nos clients bancaires.

« L’humain est clé pour la valeur ajoutée que nous apportons à nos clients. »

Dans ces métiers de ser­vice, l’humain est clé pour la valeur ajou­tée que nous appor­tons à nos clients. Chaque année, notre groupe se classe ain­si par­mi les pre­miers employeurs de jeunes diplô­més. Dans les ser­vices finan­ciers, nous dis­po­sons de consul­tants et d’équipes spé­cia­li­sées sur plu­sieurs domaines métiers impor­tants des banques : les paie­ments, les cré­dits, la conformité…et sur des volets tech­no­lo­giques majeurs comme l’IA, l’architecture data, la blo­ck­chain, la cyber­sé­cu­ri­té… Nous avons tou­jours une acti­vi­té de recru­te­ment impor­tante, sur tous ces domaines, à la fois pour des pro­fils juniors et des pro­fils plus expé­ri­men­tés cou­vrant ces spé­cia­li­tés… Avis aux intéressés !


Digi­tal Ban­king expe­rience Report : Digi­tal Ban­king Expe­rience Report 2022 (soprasteria.com)

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