Lengow : anticiper le e-commerce de demain

Nommé en décembre 2023 à la tête de Lengow, entreprise technologique spécialisée dans l’optimisation des flux e-commerce, Nicolas Appert s’appuie sur trente ans d’expérience dans l’innovation numérique. Sous sa direction, la société nantaise aide ses 3 600 clients à se démarquer sur un marché en mutation profonde. Marketplaces, IA générative, tarification dynamique : rencontre avec un dirigeant lucide sur les enjeux de ce « nouveau Far West numérique », et déterminé à y faire prendre l’avantage à ses clients.
Quel a été votre parcours jusqu’à la direction de Lengow ?
Je suis entrepreneur dans les technologies depuis près de 30 ans. J’ai fondé et dirigé plusieurs entreprises dans le numérique, avant de me spécialiser dans le repositionnement d’entreprises à fort potentiel. Lengow est une société que je connaissais bien avant d’en prendre la direction fin 2023. Mon rôle aujourd’hui est de piloter son accélération stratégique, en France comme à l’international, en consolidant son rôle de plateforme de référence dans l’écosystème e-commerce européen.
Quelle est l’activité principale de Lengow aujourd’hui ?
Nous proposons une plateforme SaaS qui permet aux marques de diffuser leurs produits sur l’ensemble des canaux de vente digitaux. Cette activité inclut les marketplaces (Amazon, Leroy Merlin, Fnac…), les moteurs de recherche (Google Shopping), les réseaux sociaux (Meta, TikTok…) et de plus en plus, les assistants conversationnels. Lengow structure, enrichit et distribue les catalogues produits sur ces plateformes, pour maximiser la visibilité et la performance au profit de nos clients. Notre force réside dans notre capacité à centraliser des flux complexes, dans 47 pays et sur plus de 400 canaux marketing.
Vous avez récemment lancé une nouvelle suite logicielle. De quoi s’agit-il ?
Notre nouvelle suite combine quatre produits. NetMarkets, pour piloter les marketplaces ; NetAmplify, pour gérer les campagnes marketing ; NetRivals, pour la veille concurrentielle et l’optimisation des prix ; et NetMonitor, pour assurer la conformité des revendeurs. Cette architecture modulaire répond aux besoins croissants de nos clients en matière d’agilité, de rapidité et d’analyse. Elle incarne notre vision : celle d’un commerce omnicanal fluide, piloté par la donnée et l’automatisation.
Qui sont vos clients types ?
Nous accompagnons aussi bien de grands groupes (LVMH, Chanel, Decathlon) que des acteurs très spécialisés dans la vente en ligne. Certains font plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires, d’autres quelques millions. Ce qui les unit, c’est le besoin de centraliser la gestion de leurs produits et d’optimiser leur présence sur des dizaines de canaux. Nous adressons des verticales très diverses : luxe, sport, bricolage, mode, mobilier, et même alimentation. Le e-commerce ne se résume plus à « ouvrir une boutique » : il faut être visible partout, tout le temps.
Comment travaillez-vous avec vos clients pour assurer leur compétitivité ?
C’est une démarche à trois volets. D’abord, nous optimisons leur visibilité produit via la diffusion multicanale. Ensuite, nous leur fournissons des outils d’analyse et de pricing intelligence. Enfin, nous les accompagnons dans la structuration de leurs données pour gagner en cohérence et en rapidité d’exécution. Nous avons aussi une forte exigence de performance : chaque intégration doit produire des résultats tangibles, qu’il s’agisse de croissance des ventes, de réduction des coûts, ou d’extension géographique.
L’intelligence artificielle joue un rôle important dans vos produits. Comment l’utilisez-vous concrètement ?
Elle irrigue toute notre activité. En interne, nos équipes l’utilisent au quotidien, y compris dans le développement et la prospection commerciale. Côté clients, nous avons mis en place un assistant IA multilingue pour faciliter l’onboarding et le support technique. Résultat : un taux de satisfaction client de 97,5 % en 2024, en hausse de plus de 8 points en deux ans. L’IA intervient aussi dans le matching de catalogues, l’enrichissement sémantique, la traduction, et bientôt dans des scénarios d’optimisation prédictive.
L’arrivée de ChatGPT Shopping et de Perplexity marque-t-elle une rupture dans le e-commerce ?
Absolument. Le référencement traditionnel (SEO) est challengé par le GSO : Generative Search Optimization. Les IA génératives ne lisent plus des mots-clés, mais des contenus enrichis, conversationnels, immersifs. Les marques doivent donc transformer leurs fiches produits pour qu’elles soient « comprises » par ces algorithmes. C’est un changement majeur, qui touche la structure des catalogues, les formats d’écriture, et les logiques d’interaction. Nous accompagnons déjà nos clients dans cette transformation.
Que change ce nouveau paradigme pour les fiches produits elles-mêmes ?
Tout. Là où une fiche se limitait à une série de caractéristiques techniques, elle doit désormais raconter une histoire : usages, styles de vie, tonalité, avis clients… L’IA ne capte pas que des faits, mais aussi des signaux faibles : popularité perçue, adéquation aux tendances, langage usuel. Nous développons donc des modules d’enrichissement automatique, qui permettent à nos clients de générer des descriptions conversationnelles à grande échelle.
En quoi cette évolution technologique redéfinit-elle votre métier ?
Nous passons du rôle de « connecteur de flux » à celui de curateur de données intelligentes. Le simple fait de distribuer un catalogue n’est plus suffisant : il faut qu’il soit optimisé pour chaque canal, dans chaque langue, avec une granularité très fine. C’est là que l’IA devient un partenaire stratégique, et non plus un simple outil. Cela redéfinit également les compétences internes que nous recherchons : linguistique computationnelle, data science, UX sémantique…
Comment vous préparez-vous aux évolutions des géants de la tech ?
Nous observons avec attention les expérimentations de ChatGPT, Gemini, Perplexity ou Claude dans l’univers du shopping. Nous anticipons que ces acteurs ouvriront prochainement leurs API. Comme pour Amazon ou Google Shopping, nous nous y connecterons dès que possible pour permettre à nos clients d’y figurer. Il y aura aussi, à terme, des opportunités de sponsorisation ou de placement produit au sein même des interfaces conversationnelles. C’est un terrain encore vierge, mais déjà stratégique.
Quelle est votre empreinte internationale et votre stratégie de développement ?
Nous sommes installés à Nantes (siège), Paris et Barcelone, avec 170 collaborateurs, dont 60 à Barcelone. Notre couverture est résolument européenne, mais nous travaillons aussi avec des marchands chinois qui veulent accéder aux marchés occidentaux. Notre croissance repose sur deux piliers : l’innovation produit, et l’implantation sur les canaux de vente en termes de couverture géographique.
Comment se traduit cette croissance en termes de recrutement ?
Nous recrutons massivement dans les domaines de la data, de l’intelligence artificielle, du développement logiciel et de la veille concurrentielle. Deux polytechniciens et plusieurs centraliens sont déjà dans nos équipes. Nous cherchons des profils rigoureux, curieux, capables de traduire une complexité technique en bénéfices concrets pour le client. Nous croyons à l’excellence appliquée : comprendre les enjeux business, et y répondre par l’ingénierie.
Un mot pour les jeunes X qui hésiteraient à se tourner vers le e-commerce tech ?
C’est l’un des rares secteurs où la technologie est à la fois centrale et immédiatement visible. Un algorithme bien pensé peut faire gagner 15 % de ventes à une marque — en quelques jours. Le e-commerce, aujourd’hui, c’est de l’IA, de la data, de la linguistique, de la stratégie. Et surtout, c’est un terrain d’impact. Les X ont toute leur place ici pour concevoir le commerce de demain.


