Mastère spécialisé de l'École des ponts

L’École des Ponts ParisTech, acteur majeur de la mobilité intelligente dans la smart city de demain

Dossier : Dossier FFEMagazine N°733 Mars 2018
Par Thierry SIMOULIN
Par Olivier HAXAIRE

Présentez-nous le MS Ingénierie et Management des Smart Cities.

Thier­ry Simou­lin : Lan­cé en 2015, le MS pro­pose 350 heures de for­ma­tion conti­nue, une semaine par mois en alter­nance aux Bac+5. Nous avons vou­lu repro­duire l’écosystème de la créa­tion de la ville, tant avec la soixan­taine d’intervenants, pro­fes­sion­nels de col­lec­ti­vi­tés et d’entreprises, qu’avec les élèves, ingé­nieurs, archi­tectes urba­nistes et pro­fils de type école de com­merce ou sciences politiques. 

Le pro­gramme est construit sur 3 briques prin­ci­pales : ana­lyse de l’existant (ana­lyse ter­ri­to­riale, ana­lyse des usages et gou­ver­nances), ingé­nie­rie (des­crip­tion de l’ensemble des sys­tèmes urbains – eau-assai­nis­se­ment, éner­gie, logis­tique-déchets, mobi­li­té et leurs inter­ac­tions, sys­tèmes d’informations et data) et mana­ge­ment des pro­jets urbains & nou­veaux modèles économiques. 

Nous avons intro­duit du desi­gn thin­king pour mettre l’usager au centre des méthodes de concep­tion et nos élèves mettent en oeuvre sur le ter­rain le conte­nu des modules ensei­gnés dans le cadre de Des­cartes 21, démons­tra­teur indus­triel de la ville durable de l’Epamarne (Éta­blis­se­ment public d’aménagement de Marne-la-Vallée). 

Le for­mat s’adapte par­fai­te­ment à l’actualité des entre­prises et per­met d’adresser les pro­blé­ma­tiques les plus récentes, d’où une for­ma­tion très dynamique. 

Qu’en est-il du MS Smart Mobility — Transformation numérique des systèmes de mobilité ?

Oli­vier Haxaire : Déli­vré conjoin­te­ment par l’École des Ponts Paris­Tech et Tele­com Paris­Tech, le MS est axé sur les sys­tèmes de mobi­li­té et leur trans­for­ma­tion par le numé­rique. Il vise à for­mer des étu­diants à même de diri­ger des pro­jets com­plexes et trans­verses de mobi­li­té en com­pre­nant les enjeux et pro­blé­ma­tiques des experts métiers et en orien­tant et inté­grant leurs contri­bu­tions au projet. 

La for­ma­tion, déli­vrée en anglais, se déroule une semaine par mois sur 11 mois, sui­vie par une thèse pro­fes­sion­nelle de 4 à 6 mois. Elle est déli­vrée par un réseau d’intervenants de pre­mier plan, tant ensei­gnants-cher­cheurs qu’experts de la mobi­li­té intelligente. 

Nous avons la chance d’avoir une pre­mière pro­mo­tion 201718 très diverse, avec des étu­diants en pour­suite d’étude ou en reprise d’étude, venant du monde entier et issus en majo­ri­té de la filière ingé­nieur et quelques-uns d’école de com­merce. Cela en fait la richesse. 

En quoi l’optimisation des réseaux urbains est-elle la condition préalable à la construction d’une ville durable et intelligente ?

T.S. : La smart city est le résul­tat de deux ten­dances conco­mi­tantes : la tran­si­tion éco­lo­gique et la tran­si­tion numé­rique. S’agissant de la tran­si­tion éco­lo­gique, Le Gre­nelle de l’environnement a don­né la nou­velle direc­tion du déve­lop­pe­ment durable. L’organisation en éco­no­mie cir­cu­laire des dif­fé­rents sys­tèmes urbains néces­si­tait une remise à plat. 

En effet, leurs échelles tem­po­relles, géo­gra­phiques, les sys­tèmes de gou­ver­nance dif­fèrent en fonc­tion des recou­pe­ments admi­nis­tra­tifs entre la carte des com­munes et les divers syn­di­cats. Il s’agit éga­le­ment de tra­vailler sur le mana­ge­ment pour faire évo­luer les logiques de silos vers plus de trans­ver­sa­li­tés pour une meilleure per­for­mance envi­ron­ne­men­tale des pro­jets urbains. 

Sans oublier la sen­si­bi­li­sa­tion du grand public sur les modes de consom­ma­tion et leur impact sur l’environnement.

La révo­lu­tion numé­rique, avec le BIM et la data, a eu un impact majeur sur les méthodes de tra­vail dans le bâti­ment, avec davan­tage de col­la­bo­ra­tion entre les diverses par­ties pre­nantes, de la concep­tion jusqu’à l’exploitation des bâtiments. 

Avec les nou­veaux ser­vices sont nés les nou­veaux usages et beau­coup plus d’interactions et de créa­tion de don­nées de la part des usa­gers, géné­rant de nou­veaux modèles socio-éco­no­miques, type Uber. Le numé­rique doit être un moyen de sou­te­nir ces nou­veaux usages pour impli­quer les citoyens dans la créa­tion d’un sys­tème urbain durable, opti­mi­sé avant tout au niveau envi­ron­ne­men­tal pour des villes plus vertueuses. 

Quels sont les grands enjeux actuels en termes de mobilité intelligente ?

O.H. : La mobi­li­té intel­li­gente par­ti­cipe d’une trans­for­ma­tion en cours, pro­fonde bien qu’encore récente, de la notion de trans­port clas­sique vers la notion de ser­vices de mobi­li­té mul­ti­mo­daux, de porte à porte. C’est ce que l’on observe notam­ment avec les sys­tèmes d’information mul­ti­mo­daux et les pla­te­formes de VTC, d’autopartage ou de covoi­tu­rage, dont le déve­lop­pe­ment a été impul­sé par l’apparition des smart­phones et de l’internet depuis moins de 10 ans. 

La mobi­li­té évo­lue vers un usage loca­tif à la demande, avec la « mobi­li­ty as a ser­vice » qui outre l’information voya­geur mul­ti­mo­dale four­nit l’accès à tous les ser­vices de mobi­li­té sur un ter­ri­toire avec un pos­sible paie­ment for­fai­taire (Whim en Finlande). 

La notion même de pro­prié­té sera trans­for­mée par les voi­tures auto­nomes : que signi­fie être le pro­prié­taire d’un véhi­cule conduit par un robot en termes de res­pon­sa­bi­li­té civile ? Le déve­lop­pe­ment de trans­ports inter­mé­diaires à l’initiative d’opérateurs pri­vés ou d’autorités publiques, entre le véhi­cule indi­vi­duel et le trans­port col­lec­tif de masse, capable d’être modu­lés en fonc­tion des besoins est aus­si un enjeu majeur. 

On peut ain­si citer les exemples d’une ligne de bus créée et opé­rée par City­Map­per à Londres ou de Bee­line à Sin­ga­pour qui est un concept expé­ri­men­tal d’itinéraires adap­ta­tifs de bus ; les nou­velles routes étant acti­vées en fonc­tion de la demande et les routes exis­tantes pou­vant évo­luer au fil du temps. Ces nou­velles solu­tions sont ren­dues pos­sibles par l’analyse de don­nées mas­sives et la tech­no­lo­gie mobile. 

On voit ain­si appa­raître le « On-demand mass tran­sit » — trans­port col­lec­tif à la demande, per­çu comme une appli­ca­tion pos­sible des flottes de véhi­cules auto­nomes dans le futur. 

De nou­veaux ser­vices comme le « Pay as you drive » qui pour­ront venir modu­ler le coût de l’assurance ou de la loca­tion longue durée de véhi­cules sont fon­dés sur l’analyse des don­nées d’utilisation du véhi­cule connec­té, avec les ques­tions de pro­tec­tion de la vie pri­vée et de cyber­sé­cu­ri­té que cela implique. 

Ces tech­no­lo­gies vont dans le sens d’une connais­sance tou­jours plus fine de notre mobi­li­té avec en consé­quence un impact sur la tari­fi­ca­tion des ser­vices. Elles modi­fie­ront aus­si l’aménagement de l’espace urbain, en ouvrant les pos­sibles sur une réuti­li­sa­tion opti­mi­sée des espaces libé­rés par les nou­veaux modes et ser­vices de mobilité. 

Quel est l’impact du véhicule électrique sur la mobilité et la ville intelligentes ?

T.S. : Silen­cieux et moins pol­luant en ville (la pol­lu­tion est dépor­tée sur les lieux de fabri­ca­tion), le véhi­cule élec­trique contri­bue à un plus grand confort urbain. Mais son impact sera réel­le­ment démul­ti­plié avec la dimen­sion auto­nome qui va trans­for­mer la ville : plus besoin de par­king devant chez soi, la voi­ture vient nous cher­cher quand on a en besoin, ce qui libère un espace public consi­dé­rable pour d’autres usages. 

Par ailleurs, le sujet de la charge est cru­cial pour les sys­tèmes élec­triques urbains : les avan­cées en matière de sto­ckage pour­raient per­mettre d’utiliser les véhi­cules élec­triques pour sto­cker les éner­gies renou­ve­lables et les uti­li­ser au moment oppor­tun. Grâce à l’information pré­dic­tive et à l’intelligence arti­fi­cielle, il devient pos­sible de gérer la flotte de bat­te­ries connec­tées à des fins d’optimisation de la consom­ma­tion d’énergie en milieu urbain. 

Issy-les-Mou­li­neaux a ain­si mis en place un démons­tra­teur de smart grid opé­ra­tion­nel depuis 2017 qui réuti­lise les bat­te­ries de seconde vie (actuel­le­ment rem­pla­cées quand elles ont per­du 30 % de leur capa­ci­té) pour sto­cker l’énergie solaire pro­duite par les bureaux aux alen­tours et l’utiliser au besoin. 

L’étape sui­vante consis­te­rait à uti­li­ser les bat­te­ries en place dans les voi­tures. Les véhi­cules seraient ain­si connec­tés au réseau comme solu­tion de sto­ckage tem­po­raire. Une pers­pec­tive encore fic­tive, mais qui ne tar­de­ra pas à deve­nir réalité… 

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