Le renseignement criminel, le changement de paradigme policier

Orienté sur l’élémentaire nécessité de savoir avant d’agir, le renseignement criminel n’est pas naturel pour les forces de l’ordre. Si la réactivité est d’humeur, la proactivité est de volonté… Traditionnellement, l’action policière repose sur la réactivité : une alerte au 17, une plainte déposée, une infraction constatée… autant de déclencheurs d’intervention. Le sociologue Egon Bittner fut l’un des premiers à analyser les caractéristiques pyramidales, bureaucratiques réactives et égocentrées de l’institution policière, historiquement tournée vers la répression judiciaire. Dans les années 1970, cette approche est remise en question par le Nothing Works de Robert Martinson. Une réflexion scientifique sur l’action policière émerge alors, posant les fondements de l’Evidence-Based Policing (EBP). De nouveaux modèles proactifs se développent, tels que la police de proximité (Community-Oriented Policing – COP) ou de résolution de problèmes (Problem-Oriented Policing – POP).
À la fin des années 90, le criminologue anglais fonde une action à plus grande échelle, en conceptualisant une police guidée par le renseignement (Intelligence-Led Policing – ILP), reposant sur la compréhension des dynamiques criminelles par la centralisation de l’information, l’analyse des données et la détermination de priorités opérationnelles. Cette approche éclairée de la lutte contre la délinquance va prospérer au fil du perfectionnement des méthodes de travail et du progrès technique, de l’informatisation des services et du développement des capacités de traitement de la donnée. Plusieurs mouvements voient ainsi le jour : Prolific Offenders Policing orienté sur les cibles d’intérêt prioritaires, Hot-Spot Policing orienté sur les concentrations criminelles, Predictive Policing tentant de mieux anticiper la commission des faits, Forensic Intelligence proposant d’élaborer le renseignement par l’exploitation des traces matérielles et numériques.
“Mieux connaître la délinquance pour mieux l’entraver.”
Le présent dossier thématique réalise un état des lieux de ce changement de paradigme policier vu à travers le prisme des sciences. Les enjeux du renseignement criminel seront successivement présentés pour la criminologie, la lutte contre la cybercriminalité, les sciences de la donnée, l’intelligence artificielle, la compréhension des logiques délinquantes, le renseignement forensique, la modélisation des réseaux criminels et l’innovation sur fond de guerre hybride. Ce dossier souhaite informer le lecteur sur les avancées de diverses disciplines dans l’élaboration d’un renseignement criminel moderne, permettant de mieux connaître la délinquance pour mieux l’entraver.





