Le pouvoir en Chine Entretien avec François Jullien

Dossier : Les différences culturellesMagazine N°624 Avril 2007Par François JULLIEN
Par Philippe d'IRIBARNE (55)

Beau­coup d’i­dées cir­culent sur la socié­té chi­noise. Cer­tains la voient comme très com­mu­nau­taire, d’autres comme très indi­vi­dua­liste. Pour votre part, quels liens faites-vous avec les formes pro­pre­ment poli­tiques ? Ce rôle du pou­voir chi­nois, ce mélange… ou ce qui donne l’im­pres­sion, de l’ex­té­rieur, d’un mélange de force de la struc­ture et de vigueur de l’in­di­vi­dua­lisme… com­ment appré­hen­dez-vous cela ?

Fran­çois Jul­lien : J’é­vite de pas­ser d’emblée par ces caté­go­ries géné­rales qui seraient indi­vi­dua­liste, holiste. J’ai sou­vent enten­du dire, sou­vent par les Chi­nois eux-mêmes : « Les Grecs, les Euro­péens, sont du côté de l’in­di­vi­duel, les Chi­nois du côté du col­lec­tif. » C’est faux, rien n’est plus col­lec­tif que la Cité de Pla­ton et la caté­go­rie de l’in­di­vi­duel existe en chi­nois clas­sique. Donc, j’é­vi­te­rais de pas­ser par ce genre de caté­go­ries, toutes européennes. 

Dépayser la pensée

La Chine n’est pas l’in­verse ou l’op­po­sé de la pen­sée euro­péenne. Car, si on la pense ain­si, on en fait tou­jours l’autre du même, c’est-à-dire le même ren­ver­sé, donc on reste chez soi. Il y a cette dif­fi­cul­té que j’ai appe­lée « dépay­ser la pen­sée », déca­té­go­ri­ser, au fond, redé­plier ce que nous avons plié, nous, intel­lec­tuel­le­ment, pour avoir un plan de tra­vail com­mun avec la pen­sée chi­noise. Sur la ques­tion du poli­tique, l’é­cart essen­tiel est que la Chine n’a jamais consti­tué des formes du poli­tique, comme dans la posi­tion grecque, déjà pré­sentes chez Héro­dote, puis chez Pla­ton, Aris­tote, puis chez nous, chez Mon­tes­quieu… il y a des formes du poli­tique dans « pen­ser l’af­faire poli­tique », au sens de la poli­teïa, du « vivre ensemble », à par­tir de formes plu­rielles stric­te­ment poli­tiques, comme « monar­chie », « oli­gar­chie », « démo­cra­tie », « les bons régimes », « les mau­vais régimes » et la com­pa­rai­son entre eux.

En Chine, et c’est là, la dif­fi­cul­té, il n’y a pas des formes du poli­tique, il n’y a qu’une concep­tion du poli­tique et qui, étant seule, ne s’est pas abs­traite à titre de forme. C’est ce qu’on appel­le­ra « la voie royale », la « monar­chie » ou plu­tôt, en chi­nois, wang­dao, la voie royale : le pou­voir d’un seul, avec tout un appa­reil, bien sûr… Il faut en tenir compte pour com­prendre la Chine d’au­jourd’­hui et son par­ti com­mu­niste dans un régime hyper­ca­pi­ta­liste. Ce qui fait bar­rage à l’a­vè­ne­ment de ce qu’on appelle, nous, la démo­cra­tie est qu’il n’y a qu’une forme de poli­tique, pas une forme, un régime, non seule­ment cen­tra­li­sé, mais mono­po­li­sé. Le par­ti, alors qu’il n’y a plus du tout d’i­déo­lo­gie socia­liste en Chine, garde cette fonc­tion de mono­po­li­sa­tion du poli­tique, qui a en vue une chose essen­tielle encore aujourd’­hui : assu­rer l’ordre. La grande alter­na­tive de la pen­sée chi­noise dans le poli­tique… c’est « ordre » ou « désordre », zhi ou luan, le bon prince, le mau­vais prince.

Tout se conçoit à par­tir de cette notion d’ordre, qui en induit une autre, intra­dui­sible, mais, dont on sait bien, dont Mon­tes­quieu dit bien, qu’elle est la chose chi­noise et qu’on tra­duit par « rites » – terme évi­dem­ment très inadé­quat. Dans l’Es­prit des lois, cha­pitre XVII, livre XIX il dit : « Pro­prié­té par­ti­cu­lière au gou­ver­ne­ment de la Chine » (vous voyez, la ques­tion nous tient depuis trois siècles…) : « Ils confon­dirent la reli­gion, les lois, les mœurs, et les manières ; tout cela fut la morale, tout cela fut la ver­tu. Les pré­ceptes qui regar­daient ces quatre points furent ce qu’on appe­la les rites. » Donc, du reli­gieux au moral en pas­sant par le poli­tique, toutes nos caté­go­ries de base se trouvent dépla­cées, retra­vaillées, déca­té­go­ri­sées par quelque chose qu’on désigne uni­tai­re­ment en Chine par rites.

Un mode de régulation

Ce qu’on entend par là, c’est pro­cé­dures, terme qui évoque pro­ces­sus, sous lequel j’en­tends le tao chi­nois, la via­bi­li­té des choses. Je crois que la Chine a pen­sé la via­bi­li­té, non pas la voie qui mène à une véri­té, une révé­la­tion, un abso­lu, mais la voie par où ça passe, par où c’est viable. La voie de la régu­la­tion : cette façon de main­te­nir l’ordre à tra­vers la durée et au sein du chan­ge­ment. Pour moi, régu­la­tion s’op­pose à règle. Lisez cer­tains pro­ces­sus : il n’y a pas de règle, mais il y a cet art d’in­di­quer com­ment régu­ler, com­ment main­te­nir l’é­qui­libre au tra­vers du chan­ge­ment. La Chine n’a pas pen­sé l’é­ter­ni­té, n’a pas pen­sé à l’i­déa­li­té…, mais elle a pen­sé qu’il fal­lait main­te­nir l’é­qui­libre, pour que ce qui est en jeu : orga­nismes, méca­nismes…, se renouvelle.

Ce qui nous ren­voie à la figure du Ciel ; le Ciel, cette régu­la­tion qui, parce qu’elle est conti­nue, parce qu’elle ne dévie pas, se renou­velle : la régu­la­tion du froid et du chaud, du jour et de la nuit, etc. Et, dans ce renou­vel­le­ment conti­nu, inépui­sable, il y a cette notion de rites, si mal tra­duite en fran­çais. Je dirais mode de régu­la­tion du social, poli­tique, reli­gieux, de tous ces termes mis ensemble, puisque effec­ti­ve­ment c’est un rap­port du ciel et de la terre, pour nous, donc, dans le cadre du reli­gieux, c’est un rap­port au social, c’est ce qui donne forme à l’or­ga­ni­sa­tion poli­tique, et c’est aus­si le com­por­te­ment indi­vi­duel. Donc, pour nous, c’est la morale au sens propre. C’est cette exi­gence régu­la­trice par confor­ma­tion : il faut se confor­mer. J’op­po­se­rai cette exi­gence de confor­ma­tion à la pen­sée de la for­ma­li­sa­tion des Grecs, du côté du logos. For­ma­li­sa­tion, puisque aus­si bien chez Pla­ton, chez Aris­tote, logos signi­fie aus­si bien forme, arti­cu­la­tion des choses que dis­cours, défi­ni­tion. La Chine, elle, pense ce que nous tra­dui­sons par rites comme, disons, des modes de confor­ma­tion per­met­tant la régu­la­tion du social.

Certes, la Chine d’au­jourd’­hui ne se veut pas dans cette tra­di­tion-là. La révo­lu­tion cultu­relle était aus­si une grande entre­prise contre ça. Néan­moins, cette rai­son par confor­ma­tion, ce que j’ap­pel­le­rais le confor­misme à bon escient – pas le confor­misme néga­tif tel qu’il est vu chez nous mais plu­tôt une sorte d’at­ti­tude à se confor­mer à des modes de régu­la­tions sociaux -, reste mar­quante encore aujourd’­hui. La Chine n’y a pas renon­cé. Et ça reste notam­ment encore visible dans les entre­prises, en Chine comme au Japon d’ailleurs.

Une forme de pensée cohérente

Ce qui veut dire que l’i­mage occi­den­tale selon laquelle il faut bien dis­tin­guer pou­voir tem­po­rel, pou­voir spi­ri­tuel, rôle du poli­tique et rôle du moral, et donc que le res­pon­sable d’une forme de pou­voir ne doit sur­tout pas inter­fé­rer avec celui de l’autre pou­voir, ne cor­res­pond pas vrai­ment à la Chine…

F. J. : En effet, et je ne suis pas sûr que, dans le prin­cipe, les choses ne sont pas plus conjointes qu’on le dit. La figure de la sépa­ra­tion, le cho­ris­mos était déjà pré­sente chez Héra­clite, chez tous les Grecs. Ils ont pen­sé la sépa­ra­tion, et on a effec­ti­ve­ment sépa­ré le reli­gieux, le poli­tique, la morale, etc. Je vois que la Chine, elle, offre une forme de pen­sée cohé­rente qui n’a pas fait ces sépa­ra­tions, et dont la cohé­rence même vient du fait qu’elle n’a pas sépa­ré. La notion de rites fait appa­raître les conni­vences qu’il y a entre ces dif­fé­rents ordres que nous avons tout fait, nous, pour sépa­rer, parce que, dans la sépa­ra­tion, on a vu la liberté.

C’est la liber­té qui est en jeu. C’est elle qui a conduit à cette sépa­ra­tion pour lais­ser un espace pos­sible où faire adve­nir la figure de la liber­té. C’est là, évi­dem­ment, le pro­blème de la Chine : dans cette sorte de glo­ba­li­té qui s’ap­pelle « rai­son par confor­ma­tion », la liber­té, au sens d’é­man­ci­pa­tion, a du mal à venir. Tout se tient si bien qu’il n’y a pas d’es­pace pour cette figure là. Le grand écart entre la pen­sée chi­noise et la pen­sée euro­péenne, c’est que dans l’Eu­rope – la Grèce d’a­bord, et déjà chez Pla­ton -, on a sépa­ré un plan de l’i­déa­li­té d’un plan des rap­ports de force. On l’ap­pelle la loi, la jus­tice, le Bien au sens platonicien.

Bref, un plan des idées, qui trans­cende les rap­ports de force, trans­cende les pro­ces­sus. En Chine, il n’y a d’autres plans que celui des pro­ces­sus. Et le Ciel, figure emblé­ma­tique de ce qui serait le reli­gieux chi­nois, et l’Em­pe­reur comme fils du Ciel, qu’est-ce ? C’est le pro­cès du monde dans sa glo­ba­li­té et dans son carac­tère abso­lu. C’est la tota­li­sa­tion ou l’ab­so­lu­ti­sa­tion du grand pro­cès du monde.

Deve­nir fiable
On entend sou­vent dire dans les entre­prises implan­tées en Chine : « Un Chi­nois va res­ter tant que vous lui appre­nez quelque chose ; si vous ne lui appre­nez plus rien, il s’en va. »

F. J. : C’est vrai et c’est faux. C’est vrai parce que, pour les Chi­nois, il faut uti­li­ser l’Occidental ; Mao l’a dit, tout le monde l’a dit. Après le trau­ma­tisme de la Chine occu­pée par l’Europe, agres­sée, colo­ni­sée, il y a une revanche à prendre : « Rat­tra­per et dépas­ser l’Occident » est un grand mot d’ordre de l’époque chi­noise anté­rieure. Donc c’est l’idée du pro­fit. Et d’autre part, il y a ce que j’appelle moi, « la via­bi­li­té » ou « la fia­bi­li­té » c’est-à-dire le bon usage des rap­ports de l’amitié en Chine. Je crois qu’il y a le fiable qui ne tient pas à la parole ; il ne suf­fit pas d’avoir dit la chose, il faut qu’il y ait du pro­ces­sus. Si vous vou­lez faire des affaires en Chine, il faut arri­ver à nouer des liens, mon­trer qu’on tient ce qu’on dit, et puis lais­ser venir et deve­nir fiable. Au bout d’un cer­tain temps que vous serez fiable, ça mar­che­ra. Donc, je crois que la fia­bi­li­té, pas la sin­cé­ri­té, mais quelque chose qui se tient dans la durée, fait que la confiance advient ; elle est un capi­tal de confiance.

Pas de modélisation

Il n’y a donc pas d’in­ter­mé­diaire entre la sou­mis­sion abso­lue à l’ordre et la révolte absolue ?

F. J. : En effet. J’ai tra­vaillé sur la dis­si­dence. Il y a les grands effon­dre­ments des dynas­ties : la légi­ti­mi­té de la résis­tance fait par­tie de la réflexion chi­noise. Quand le Prince est déloyal, qu’il dévie, il y a la remon­trance, ritua­li­sée, d’ailleurs. On a le « fonc­tion­naire » de la remon­trance et tout un rite sur la manière dont il quitte la cour, la len­teur qu’il y met pour que le prince puisse le rap­pe­ler… La pre­mière concep­tion de l’i­mage poé­tique est poli­tique : elle per­met d’en dire assez pour faire entendre le sens au Prince mais pas trop pour ne pas ris­quer sa tête. Il y a donc une pen­sée de la dis­si­dence ; le pro­blème est qu’elle n’a pas pu s’a­dos­ser à un autre plan que celui des rap­ports de force. Et le grand poids dans l’his­toire, c’est qu’elle n’a jamais cau­sé la révo­lu­tion. La révo­lu­tion, les Chi­nois en ont emprun­té le modèle à l’Eu­rope, à la fin du XIXe siècle. Les mots sont chi­nois ge ming « cou­pure du man­dat », mais cela n’a jamais signi­fié révo­lu­tion en Chine. Cela signi­fiait que la dynas­tie régnante avait démé­ri­té, dévié. Il fal­lait la rem­pla­cer par une autre, mais tou­jours selon le même ordre. Il y a trans­mis­sion, déploie­ment, conso­li­da­tion, mais pas d’ordre nou­veau comme chez Pla­ton pour tra­cer la forme d’une poli­teïa nou­velle, idéale…

Le grand écart entre les pen­sées chi­noise et euro­péenne, c’est que la pen­sée euro­péenne tire sa force, sa fécon­di­té, de l’i­dée de modé­li­sa­tion, notam­ment dans la science, la mathé­ma­ti­sa­tion, pas la chi­noise. Il y a bien des mathé­ma­tiques chi­noises, mais elles sont locales, trans­for­ma­tion­nelles, elles sont opé­ra­toires à la chi­noise, algo­rith­miques, avec le déve­lop­pe­ment de l’al­gèbre, etc. Mais il n’y pas une pen­sée des formes modèles, avec le déve­lop­pe­ment de la géo­mé­trie, et sur­tout il n’y a pas l’i­dée que les mathé­ma­tiques soient un lan­gage. Or la grande force de l’Oc­ci­dent, c’est l’i­dée de modé­li­sa­tion, de mathé­ma­ti­sa­tion. Enfin, l’i­dée que Dieu a créé le monde en forme géo­mé­trique – Gali­lée – la Chine ne l’a jamais eue. Et donc, en face de la modé­li­sa­tion euro­péenne, je met­trais la régu­la­tion du côté chinois.

Pas de distinction entre morale et politique

Reve­nons un ins­tant sur les consé­quences très pra­tiques de ce que vous disiez. Au fond, quand les res­pon­sables occi­den­taux qui vont en Chine sont dans une vision dans laquelle l’au­to­ri­té du lea­der, du lea­der­ship, dans l’or­ga­ni­sa­tion, ne doit pas être morale, ils se trompent…

F. J. : Qu’on aille en Chine ou au Japon, en effet, cela ne convient pas. Cette dis­tinc­tion du moral et du poli­tique est une chose non chi­noise ; n’im­porte quel confu­céen le dit. D’ailleurs, en chi­nois, pays se dit Guo­jia, Guo : pays, Jia : famille. L’i­dée chi­noise, c’est que le bon prince c’est celui qui régule sa conduite : cela influence sa femme, ses enfants, ses voi­sins et ce, de proche en proche, jus­qu’au bout du monde.

Du côté confu­céen, on ne pense pas que le poli­tique soit sépa­rable de la morale ; du côté inverse, celui des légistes, la dic­ta­ture auto­ri­ta­riste chi­noise, on consi­dère qu’il n’y a pas de morale : il n’y a que la machine du pou­voir. Donc, l’exi­gence morale liée à la per­sonne et l’exi­gence poli­tique liée à la forme de la com­mu­nau­té ne sont pas en posi­tion de riva­li­té. Ils ont consi­dé­ré soit le poli­tique, dans le seul pro­lon­ge­ment de la morale – et le pro­lon­ge­ment, c’est les rites, jus­te­ment. Soit, dans l’hy­po­thèse adverse, très com­bat­tue par l’i­déo­lo­gie chi­noise, il n’y a que l’ef­fec­ti­vi­té du pou­voir, donc « la machine à obéissance ».

Pen­sons au cas d’une entre­prise chi­noise dans laquelle un res­pon­sable s’é­tait ser­vi de prin­cipes d’ac­tion très moraux pour tran­cher un pro­blème concret, ce qui, vu de France est choquant.

F. J. : En Chine, non seule­ment ce n’est pas cho­quant, mais c’est comme ça que ça se fait, que ça doit se faire. Voyons la cohé­rence de part et d’autre : du côté euro­péen, la sépa­ra­tion est liée à la liber­té, donc, si je mora­lise le poli­tique, j’empiète sur la liber­té de l’in­di­vi­du, notam­ment sur sa liber­té per­son­nelle, puisque, en tant que sujet, il serait alié­né par un dis­cours de morale. En revanche, en terme non plus de résis­tance ou de choix démo­cra­tique mais de cohé­sion, la moda­li­té où le ges­tion­naire et le moral sont liés a ses effets. Alié­na­tion, cohé­sion, c’est là que le choix se pose.

Le profit, c’est l’ordre

Com­ment se fait cette légi­ti­mi­té du pro­fit avec l’i­dée de l’ordre col­lec­tif, du pou­voir qui doit assu­rer cette uni­té, cet ordre à la fois légal, moral ?

F. J. : Le pro­fit n’est pas une notion condam­nable. C’est la notion de li. Dans la pers­pec­tive du chan­ge­ment à l’é­chelle de la col­lec­ti­vi­té, le pro­fit est une notion juste. À l’é­chelle du par­ti­cu­lier ou d’une mino­ri­té, c’est l’acte du Stra­tège. Ce n’est pas une notion néga­tive, sauf quand c’est le pro­fit indi­vi­duel face au col­lec­tif. Sinon, à l’é­chelle glo­bale, c’est l’ordre, justement.

Ce qui est inté­res­sant, en Chine, c’est de voir com­ment peuvent être tenues pour insé­pa­rables des choses qu’en Europe on a mis tant d’éner­gie à sépa­rer. On a sépa­ré le vital et l’i­déal : « nour­rir sa vie » en Chine, c’est aus­si bien nour­rir sa vita­li­té que sa mora­li­té. On a sépa­ré le poli­tique du moral. Cette sépa­ra­tion des plans est une des grandes ten­sions, des grandes forces de l’Oc­ci­dent, et une de ses grandes génia­li­tés. La Chine nous apprend ce que peut être le fait que ces plans ne soient pas sépa­rables, ou même qu’on ne pense pas leur sépa­ra­tion. La Chine, au fond, nous apprend à voir com­ment des sépa­ra­tions qui ont été le moteur de l’in­ven­ti­vi­té euro­péenne peuvent appa­raître, non seule­ment, comme, à ne pas faire, mais – je ne juge pas – comme n’é­tant pas tenables ou pensables…

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