Le nucléaire, une filière en perpétuel devenir

Dossier : Dossier FFEMagazine N°698 Octobre 2014
Par Stéphane AUBARBIER

Quelle place la filière nucléaire française accorde-t-elle à l’export ?

La perte du marché de 4 cen­trales nucléaires aux Emi­rats Arabes Unis, au prof­it des coréens, en décem­bre 2009, a mis à jour un dys­fonc­tion­nement de la fil­ière nucléaire française à l’export.

C’est dans ce con­texte et avec la mise en place du Comité Stratégique de la Fil­ière Nucléaire (CSFN) que celle-ci s’est remise en cause et réor­gan­isée autour d’EDF et d’AREVA. Un des groupes de tra­vail du CSFN est dédié à l’export ce qui traduit une vraie prise de con­science du manque de lis­i­bil­ité à l’international et de la dis­per­sion des acteurs de la fil­ière qui ne fai­saient pas tou­jours front commun.

Afin de pal­li­er cette dif­fi­culté, l’Association des Indus­triels Expor­ta­teurs de Nucléaire (AIFEN) a été créée avec notam­ment pour voca­tion le développe­ment des moyens d’une meilleure pro­mo­tion. Cela se con­cré­tise cette année, en octo­bre, par la tenue au Bour­get, de la World Nuclear Exhi­bi­tion (WNE), pre­mier grand salon inter­na­tion­al du nucléaire.

En 2013, il a été décidé d’installer la direction des activités “ Energy & Infrastructure ” à Dubaï ce qui matérialise notre axe de développement stratégique à l’international.

L’une de ses mis­sions est aus­si d’améliorer le posi­tion­nement de la fil­ière à l’international qui réalise aujourd’hui env­i­ron 10 % de son chiffre d’affaires à l’export. La stratégie con­sis­tant à fédér­er les acteurs de la fil­ière aboutit à plus de clarté et com­mence à porter ses fruits si l’on en juge par la façon dont EDF et AREVA abor­dent ensem­ble le marché saoudien.

La fil­ière béné­fi­cie de cer­tains atouts. Avec près de 50 ans d’expérience acquise à tra­vers le grand pro­gramme nucléaire français, elle a pu dévelop­per des com­pé­tences à la fois par la con­struc­tion du parc, les pro­grammes de défense et le cycle du com­bustible. L’image de mar­que tech­nique et tech­nologique de la France à l’étranger est très forte.

Nous nous posi­tion­nons par­mi les trois grands du secteur aux côtés des USA et de la Russie. Au nom­bre des atouts fig­ure aus­si la capac­ité à fournir des réac­teurs de divers­es puis­sances ce qui per­met de répon­dre aux besoins des pays dont le réseau ne sup­port­erait pas les 1 600 MW de l’EPR.

Mais ces atouts ne sont pas suff­isants : occu­per une place de pre­mier plan à l’international va aus­si pass­er par la vente des tech­nolo­gies français­es à l’international, par le fait qu’EDF soit un parte­naire stratégique pour un cer­tain nom­bre de pays, mais aus­si par l’exportation des pro­duits et des ser­vices des entre­pris­es sous-trai­tantes de nos grands opéra­teurs, y com­pris au prof­it de pro­grammes con­duits par des acteurs non français.

Quelle est la stratégie de développement à l’international du pôle nucléaire d’Assystem ?

Forts des exper­tis­es acquis­es au cours des cinquante ans de notre his­toire dans le nucléaire, nous avons décidé, au milieu des années 2000, de nous repo­si­tion­ner à l’international sur la con­struc­tion d’installations, le main­tien en con­di­tions opéra­tionnelles de cen­trales exis­tantes et le déman­tèle­ment des instal­la­tions en fin de vie.

À titre d’exemple, la filière nucléaire française prévoit 110 000 embauches d’ici 2020. quant à nous, nous avons aujourd’hui 2500 collaborateurs travaillant dans le secteur nucléaire où nous réalisons 5 à 10% de croissance annuelle.

L’aventure inter­na­tionale a débuté en Angleterre où nous sommes inter­venus pour déman­tel­er plusieurs instal­la­tions. Nous y sommes aujourd’hui très présents, notam­ment auprès d’EDF sur un con­trat por­tant sur deux réac­teurs EPR de 1 650 MW.

En 2013, il a été décidé d’installer la direc­tion des activ­ités “ Ener­gy & Infra­struc­ture ” à Dubaï ce qui matéri­alise notre axe de développe­ment stratégique à l’international puisque près de la moitié de l’activité du groupe est désor­mais pilotée depuis les Emi­rats Arabes Unis. Le Moyen- Ori­ent nous appa­raît comme la région recélant poten­tielle­ment le plus grand nom­bre de nou­veaux entrants sur le marché du nucléaire.

Nous enten­dons par­ticiper le plus large­ment pos­si­ble au développe­ment du pro­gramme saou­di­en ain­si qu’aux huit réac­teurs émi­ratis actuelle­ment en pro­jet. Nous avons déjà quar­ante per­son­nes en assis­tance à maîtrise d’ouvrage sur le pro­gramme émi­rati en cours.

Quel avenir voyez-vous au nucléaire ?

Quand on con­sid­ère, au niveau mon­di­al, le nom­bre de pro­jets de con­struc­tion de cen­trales que ce soit au Moyen-Ori­ent, en Chine, au Brésil, en Angleterre, etc. qu’on y ajoute le main­tien en con­di­tions opéra­tionnelles et les pro­grammes de déman­tèle­ment, on peut dire que l’avenir de la fil­ière est assuré à moyen terme.

EN BREF

Créé en 1966 pour mettre en service le parc nucléaire français et celui vendu par la France à l’étranger, Assystem est aujourd’hui la première ingénierie indépendante en Europe dans le domaine de l’Aéronautique et la quatrième ingénierie nucléaire au niveau mondial.
Présent dans 20 pays, le groupe réalise un CA de plus d’1 Md$, emploie plus de 11 000 personnes dans le monde et compte plus de 40 % de son activité à l’étranger. Son pôle « Energy & Infrastructure » a réalisé en 2013 un CA de 260 M$ dans le secteur du nucléaire.

Cepen­dant, cette dernière fait face à des défis de taille. D’une part, les délais de réal­i­sa­tion des pro­jets de con­struc­tion sont incer­tains ten­ant pour par­tie à la néces­sité de men­er une réflex­ion appro­fondie sur ce que devra être le mix énergé­tique de demain et aux dif­fi­cultés ren­con­trées à faire accepter ces pro­jets par l’opinion publique. D’autre part, les prob­lèmes de finance­ment sont encore un frein majeur au développe­ment du nucléaire, les investisse­ments étant très élevés et sur le long terme.

Par ailleurs, il n’y a pas aujourd’hui suff­isam­ment de gens por­teurs d’une expéri­ence du nucléaire pour assur­er tous ces pro­jets. Cette pénurie de main‑d’œuvre touche l’ensemble de la chaîne de valeur du nucléaire. Le recrute­ment et la for­ma­tion sont donc des sujets cruciaux.

À titre d’exemple, la fil­ière nucléaire française prévoit 110 000 embauch­es d’ici 2020. Quant à nous, nous avons aujourd’hui 2 500 col­lab­o­ra­teurs tra­vail­lant dans le secteur nucléaire où nous réal­isons 5 à 10 % de crois­sance annuelle. Avec un turn-over de 10 %, il nous est néces­saire de recruter 4 à 500 per­son­nes par an dont 75 % sont des débu­tants ce qui représente un vrai chal­lenge en ter­mes de main­tien et développe­ment des compétences.

Nous avons donc été amenés à mon­ter en interne une école de for­ma­tion, l’Assys­tem Nuclear Insti­tute (ANI) qui nous per­met de for­mer à l’industrie du nucléaire et à ses dif­férents métiers, les jeunes ingénieurs général­istes que nous recru­tons avec déjà un excel­lent niveau de com­pé­tences technique.

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