Le luxe, une réinvention permanente

Enfin un dossier sur l’industrie du luxe dans La Jaune et la Rouge ! Récemment, je rencontrais un X78. Sans le savoir, il m’offrait la parfaite accroche pour la préface : « Et dans quoi officies-tu ? », me demande-t-il, avec le tutoiement d’usage ; « Dans l’industrie du luxe ! », dis-je, enthousiaste ; « Ah… » et, après quelques secondes de réflexion, « Il y a bien des X qui deviennent prêtres… » Est-ce à dire que notre industrie aurait à voir avec le sacré ? Sans aller jusqu’à cet extrême (mais nous pourrions y réfléchir), il semble paradoxal à beaucoup que des polytechniciens y travaillent. C’est, en réalité, le moindre paradoxe de notre secteur.
« Le superflu, chose très nécessaire », écrivait Voltaire (Le Mondain – 1736). L’industrie du luxe crée, manufacture, distribue à l’échelle internationale des biens et des services précieux et de qualité, accessibles seulement à une minorité, qui ne correspondent à aucune nécessité. Principalement française et italienne, elle crée une très tangible richesse nationale. Elle est un agent de rayonnement et d’influence de la France dans le monde. Dans le même temps, cette distribution globale de produits ou services considérés comme exceptionnels et inaccessibles implique que ces mêmes produits et services demeurent rarement l’apanage d’une minorité. Une telle tension paradoxale entre exclusivité et banalisation catalyse une réinvention permanente, une force créative qui caractérise cette industrie, s’exprimant dans les objets produits, dans les expériences offertes et dans le dialogue constant avec le monde des arts et de la culture.
“Le superflu, chose très nécessaire.”
Pour les experts du luxe, il est facile de poser de nombreux autres paradoxes, apparents ou réels : intemporalité et mode, tradition et disruption, créativité et rationalité économique, objets tangibles et désir, artisanat et reproduction industrielle, superfluité et responsabilité, art et commerce, cool et prestige, distribution globale et pertinence locale, etc. Répondre à ces paradoxes est l’objectif principal des leaders de l’industrie et le creuset même de la désirabilité des marques. Graal suprême ! Couplée à l’exclusivité, la désirabilité assure la prospérité des maisons de luxe.
Nous avons demandé à des professionnels de l’industrie, majoritairement Xe et X, de nous en parler, de présenter leurs activités et leurs métiers, en réfléchissant aux paradoxes décrits ci-dessus. Il n’y a pas de plus puissant stimulant pour la réflexion. Nous avons également voulu montrer la diversité de notre secteur : ses différents savoir-faire, ses métiers, ses acteurs, des géants du CAC 40 aux PME familiales. Il faudrait en réalité un deuxième, voire un troisième dossier, pour couvrir la grande diversité des activités du luxe, par exemple l’hôtellerie, non abordée ici. Nous espérons que vous éprouverez autant de plaisir à lire le dossier que nous en avons eu à le préparer et qu’il éclairera pourquoi des camarades ont décidé un jour de rejoindre cette industrie à la jonction de la créativité, des savoir-faire et du commerce.