Le grand débat sur le plateau

Dossier : Nouvelles du platâlMagazine N°744 Avril 2019Par Quentin LOUIS (2016)
Comment tenter de tirer parti de la crise actuelle ? C’est la question à laquelle ont voulu répondre des élèves de l’X, de l’Ensta et de l’Ensae en organisant sur le plateau de Palaiseau une rencontre du grand débat national, une bonne pratique qu’ils souhaitent pérenniser.

Loué par Mar­lène Schi­ap­pa comme un « grand moment démoc­ra­tique » dans l’émission de Cyril Hanouna, cri­tiqué par l’opposition comme une mas­ca­rade, ce grand débat nation­al était « mal emmanché » selon le soci­o­logue Bruno Latour, mais il nous est paru néces­saire de « tâch­er d’en faire quelque chose ». En effec­tu­ant un pas de côté, une quar­an­taine d’élèves de l’X, de l’Ensta et de l’Ensae, dans la per­spec­tive de pouss­er la col­lab­o­ra­tion entre les écoles, se sont lancés dans l’aventure. L’idée fut avant tout de prof­iter de cette occa­sion pour ini­ti­er un débat sur le plateau, en usant des thèmes du gou­verne­ment, qui, mal­gré l’aspect glob­al et loin­tain qu’ils peu­vent avoir au pre­mier abord, nous con­cer­nent directement.

Sondages et communications préliminaires

Ces deux semaines de grand débat du 11 au 21 févri­er se sont déroulées en plusieurs par­ties. Le lun­di 11 févri­er, nous avons com­mencé avec un sondage Sta­tis­tix, asso­ci­a­tion organ­isant des sondages auprès des élèves de l’X, basé sur les ques­tions posées sur le site du grand débat, agré­men­tées de quelques-unes de notre cru afin de pren­dre la tem­péra­ture des pro­mo­tions. Le mer­cre­di 13 févri­er, un jour­nal Info Grand Débat à l’X et un Enstan­ta­né (jour­nal de l’Ensta) hors-série ont été pub­liés avec les arti­cles que les élèves nous ont com­mu­niqués : des doléances, des réflex­ions sur le grand débat ain­si que sur les qua­tre thèmes. Jeu­di 14 févri­er, les choses sérieuses ont com­mencé avec le pre­mier thème « Tran­si­tion écologique ». Afin d’avoir un débat calme et intéres­sant, une intro­duc­tion fut réal­isée comme lors de cha­cun des débats par le DDX (l’asso éco­lo de l’X) et Ecosyst’aime (sœur jumelle de l’Ensta). Se sont suc­cédé le lun­di 18 le débat sur la fis­cal­ité et les dépens­es publiques, le mar­di sur la démoc­ra­tie et la citoyen­neté, et le mer­cre­di le dernier débat sur l’organisation de l’État et des ser­vices publics.

Bien préparer l’organisation concrète

Beau­coup de remar­ques que nous avons pu enten­dre chez les étu­di­ants por­taient sur l’organisation pra­tique d’un débat et sur com­ment s’y pren­dre pour avoir des dis­cus­sions per­ti­nentes tout en s’attaquant à des sujets qui peu­vent nous paraître loin­tains. Voici quelques points qui nous ont paru pri­mor­diaux pour faire vivre un débat effi­cace. Tout d’abord, le débat doit être intro­duit par une per­son­ne ayant pré­paré le thème. Cela per­met de pos­er les bases d’une dis­cus­sion sere­ine et éviter que le débat « ne prenne pas » car nous n’aurions pas posé un ter­rain com­mun où la « diplo­matie » pour­rait s’engager. Un angle d’attaque par­ti­c­uli­er doit être don­né afin d’éviter l’énonciation d’un dis­cours pré­con­stru­it et il est impor­tant que l’introducteur exprime ses idées pro­pres. À titre d’exemple, sur le débat démoc­ra­tie et citoyen­neté, l’introduction por­tait sur la légitim­ité pour des jeunes mobiles – comme nous sommes et serons dans les quelques années à venir – de chang­er de lieu de vie si une sit­u­a­tion devait tourn­er au vinai­gre. Que sig­ni­fie alors appartenir à un pays dans ce con­texte ? Quelles con­sid­éra­tions, pos­i­tives et néga­tives, cela impose-t-il de pren­dre en compte ? Out­re l’introducteur, il faut un mod­éra­teur qui mette en place une liste des tours de parole afin de respecter toutes les deman­des d’expression avant de la dis­tribuer. Un secré­taire doit égale­ment être présent pour ren­dre compte des échanges. Suite à l’introduction, il faut don­ner la parole à ceux qui ont pré­paré une réflex­ion per­son­nelle dif­férente. Ces dif­férentes pris­es de parole per­me­t­tent d’ajouter dif­férentes visions argu­men­tées et con­stru­ites. Idéale­ment, elles sus­ci­tent des remar­ques et des ques­tions qui lanceront le débat. Lorsqu’un point par­ti­c­uli­er ou tech­nique est évo­qué à plusieurs repris­es, le mod­éra­teur se charge de définir un temps alloué à ce thème afin de ne pas s’embourber et ain­si abor­der dif­férents aspects de la ques­tion. Enfin, il faut un dou­ble temps de débat : après une pre­mière par­tie formelle, une dis­cus­sion plus informelle doit s’engager car il est plus aisé de con­va­in­cre et de répon­dre en face-à-face que lors d’une inter­ven­tion orale devant un large pub­lic. L’idéal est que les gens puis­sent se lever et se retrou­ver autour de quelques ver­res : nous sommes une asso­ci­a­tion étu­di­ante après tout, pas besoin de beau­coup plus pour notre bonheur !

“Se confronter à la réaction de l’autre
lorsqu’on exprime une idée est indispensable
pour se construire”

Plus que les idées, c’est la démarche qui compte

Tout ne s’est pas for­cé­ment déroulé comme prévu et l’organisation fut par­fois dif­fi­cile. Aus­si, les principes que nous avons énon­cés ci-dessus se sont con­stru­its tout au long de ces deux semaines de débats mais nous pen­sons être arrivés à une forme finale intéres­sante. Out­re les con­clu­sions qui pour­raient être tirées sur les dif­férents thèmes – si tant est qu’il soit pos­si­ble d’en tir­er au vu des opin­ions con­traires qui se sont exprimées – mais qui n’ont en réal­ité pas de grande impor­tance, c’est la démarche qui nous est apparue d’un grand intérêt et cela pour divers­es raisons. Tout d’abord, se forg­er une opin­ion devant d’autres per­son­nes, se con­fron­ter à la réac­tion de l’autre lorsqu’on exprime une idée est indis­pens­able pour se con­stru­ire et sor­tir d’un dis­cours bien ficelé qu’il peut être facile de se répéter seul ou au sein de sa sphère sociale. S’approprier des sujets cru­ci­aux sur lesquels nous ne savons que peu de choses et où la bien­séance voudrait que nous suiv­ions le con­sen­sus est égale­ment un exer­ci­ce très profitable.

Plus de débats, un enjeu de construction personnelle

Avec les élèves qui ont par­ticipé, nous avons décidé de péren­nis­er l’initiative. Des moments de calme, dans un lieu accueil­lant doivent exis­ter plus sou­vent à l’X. Dans un cadre sco­laire où les cours et les activ­ités s’enchaînent, le risque court tou­jours qu’il n’y ait plus de moment de stase, de calme, où nous puis­sions accepter de nous décen­tr­er, de nous con­fi­er, de con­stru­ire nos idées au-delà des injonc­tions que peut avoir le milieu étu­di­ant du plateau.

Nous envis­ageons l’organisation d’un débat par mois. Le thème sera don­né au début du mois par l’équipe organ­isatrice dans les jour­naux respec­tifs des écoles. Puis, l’équipe et les élèves qui le souhaiteront pour­ront y con­tribuer chaque semaine avec des arti­cles sur ce thème. À la fin du mois, une soirée de débats sera organ­isée en salle Titus (annexe de la Kès) pour échang­er sereinement.

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