Le dessalement, une alternative prometteuse

Dossier : De l’eau pour tousMagazine N°683 Mars 2013
Par Jacques BLEIN (80)
Par Philippe GISLETTE

Différentes tech­nolo­gies sont acces­si­bles pour le traite­ment et le dessale­ment des eaux saumâtres et des eaux de mer. On dis­tingue prin­ci­pale­ment deux grandes familles de tech­nolo­gies aujourd’hui mis­es en œuvre à l’échelle indus­trielle : les tech­nolo­gies de type « ther­mique » et les tech­nolo­gies de type « membranaire ».

REPÈRES
Face à l’accroissement de la pop­u­la­tion mon­di­ale et à la raré­fac­tion des ressources en eau douce disponibles, la recherche de solu­tions alter­na­tives d’approvisionnement est d’ores et déjà un impératif pour un nom­bre impor­tant et crois­sant de pays. La demande mon­di­ale en eau est en effet atten­due en aug­men­ta­tion de l’ordre de 40 % d’ici à 2020. D’ici 2025, 1 800 mil­lions de per­son­nes vivront dans une région con­nais­sant une pénurie d’eau (ONU).
D’autre part, 60 % des villes majeures dans le monde n’ont pas d’accès à l’eau douce et sont local­isées près de la mer.

Évaporation et distillation

Il existe plusieurs tech­nolo­gies de type ther­mique par­mi lesquelles on peut citer les deux plus fréquem­ment appliquées indus­trielle­ment : le procédé MSF (Mul­ti-Stages Flash) et le procédé MED (Mul­ti-Effect Dis­til­la­tion).

Ces procédés reposent sur le principe d’une éva­po­ra­tion- dis­til­la­tion de l’eau saumâtre ou de mer dans dif­férentes cham­bres dont la pres­sion est contrôlée.

Techniques membranaires

Osmose inverse
Le principe des procédés met­tant en œuvre des mem­branes est l’élimination des sels de l’eau par pas­sage au tra­vers d’une mem­brane organique en appli­quant, à l’eau à traiter, une pres­sion supérieure à la pres­sion osmo­tique : c’est le procédé d’osmose inverse. L’eau débar­rassée de ses sels tra­verse la mem­brane tan­dis que les sels sont retenus pour être ensuite rejetés.

Ce sont les tech­niques et tech­nolo­gies mem­branaires qui ont, ces dernières années, béné­fi­cié des plus gros efforts en ter­mes de recherche et développe­ment et qui sont aujourd’hui les plus couram­ment util­isées dans le monde et ont sur­passé les tech­nolo­gies ther­miques, en rai­son notam­ment de leurs per­for­mances et de l’abaissement du coût au mètre cube d’eau produit.

Les tech­niques mem­branaires ont sur­passé les tech­nolo­gies thermiques

Dépen­dant de la qual­ité de l’eau à traiter, un traite­ment en amont des mem­branes est tou­jours néces­saire et met en œuvre des tech­nolo­gies qui vont de la fil­tra­tion sur lit de sable à des mem­branes d’ultrafiltration ou encore à de la coag­u­la­tion-floc­u­la­tion suiv­ie d’une étape de sépa­ra­tion telle que la flot­ta­tion à l’air dis­sous ou la décantation.

Des prix en baisse

On trou­ve sur le marché un nom­bre sans cesse crois­sant de type de mem­branes (matéri­aux, mod­ules) pour le procédé d’osmose inverse. Cette forte con­cur­rence, l’accroissement de la pro­duc­tion de ces mem­branes et l’industrialisation des procédés de fab­ri­ca­tion ont per­mis de réduire très sen­si­ble­ment leur coût, ren­dant ain­si ce procédé de plus en plus com­péti­tif par rap­port aux procédés util­isant des tech­nolo­gies de type thermique.

Évo­lu­tion his­torique et prévi­sion­nelle de la capac­ité cumu­la­tive des tech­nolo­gies ther­miques et mem­branaires (1990–2015)​
Évolution de la capacité des technologies thermiques et membranaires de dessalement d'eau de mer

La mod­u­lar­ité et la flex­i­bil­ité de fonc­tion­nement des instal­la­tions de dessale­ment par mem­branes d’osmose jouent égale­ment en faveur de cette technologie.

Des débits de pro­duc­tion de plusieurs cen­taines de mil­liers de mètres cubes par jour

Les développe­ments tech­nologiques récents sur les équipements élec­tromé­caniques util­isés dans ces fil­ières de traite­ment per­me­t­tent, en out­re, aujourd’hui de récupér­er une par­tie de l’énergie appliquée pour le fonc­tion­nement du procédé d’osmose inverse (tur­bines, pom­pes, etc.), réduisant ain­si la fac­ture énergé­tique glob­ale du procédé.

Un parc en forte croissance

Per­for­mances énergé­tiques en hausse
Grâce à ces développe­ments suc­ces­sifs, la con­som­ma­tion énergé­tique rap­portée au mètre cube d’eau pro­duit lors de l’étape de traite­ment de l’eau est passée respec­tive­ment d’une valeur de 7 kWh/m3 dans les années 1970 à des valeurs de 3 à 6 kWh/m3 dans les années 1990 et à une valeur avoisi­nant 2 kWh/m3 actuellement.

Le nom­bre d’installations de traite­ment des eaux de mer par le procédé d’osmose inverse est en forte aug­men­ta­tion dans de nom­breuses régions du globe, et il est égale­ment impor­tant de not­er que la taille de ces instal­la­tions ne cesse de croître pour attein­dre des débits de pro­duc­tion de plusieurs cen­taines de mil­liers de mètres cubes d’eau par jour.

Ain­si, à Mel­bourne en Aus­tralie, Degré­mont vient d’achever une usine de pro­duc­tion de 450 000m3 d’eau traitée par jour qui en fait une des plus impor­tantes références mon­di­ales dans le domaine du dessale­ment de l’eau de mer par osmose inverse.

Des défis pour demain

Il reste encore de nom­breux défis à relever pour faire du dessale­ment d’eau un procédé uni­verselle­ment répandu.

La recherche de la per­for­mance énergé­tique est le défi majeur

Les prin­ci­paux axes de tra­vail pour l’amélioration des procédés por­tent en pre­mier lieu sur la réduc­tion des coûts d’investissement et des coûts d’exploitation asso­ciés aux traite­ments actuelle­ment disponibles. Des recherch­es de type incré­men­tal sont en cours afin d’améliorer le ren­de­ment des mem­branes (débit d’eau pas­sant par mètre car­ré instal­lé) et ain­si réduire le mon­tant des investisse­ments à réaliser.

Con­cer­nant les coûts d’exploitation, la recherche de la per­for­mance énergé­tique est aujourd’hui le défi majeur, car c’est le point le plus cri­tique de l’équation économique du dessale­ment de l’eau de mer.

Ces travaux visent à la mise au point de matéri­aux présen­tant une moin­dre résis­tance au pas­sage de l’eau au tra­vers de la mem­brane (perte de charge). Dans ce cadre, l’utilisation de nou­veaux polymères et de nanomatéri­aux gref­fés sur les mem­branes font, par exem­ple, par­tie des voies explorées.

Technologies de rupture

Autre grand axe de tra­vail, la recherche et la mise au point de nou­velles tech­niques et tech­nolo­gies en rup­ture avec l’existant et per­me­t­tant de franchir d’importantes étapes pour une réduc­tion sen­si­ble des coûts.

Des procédés dits « hybrides » tels que des cou­plages de mem­branes d’osmose inverse et de l’électrodialyse sont par exem­ple étudiés dans le but de rechercher le meilleur com­pro­mis entre coûts d’investissement et coûts d’exploitation.

L’usine de dessalement d'eau de mer de Melbourne (Australie)
L’usine de dessale­ment de Mel­bourne (Aus­tralie) — 450 000 m3/jour. © DEGRÉMONT

Empreintes carbone et environnementale

Une solu­tion pérenne
La baisse régulière des coûts d’investissement et de la fac­ture énergé­tique du dessale­ment par osmose inverse ain­si que la réduc­tion de son empreinte envi­ron­nemen­tale en font une solu­tion pérenne, encore plus large­ment plébisc­itée afin de pal­li­er le déficit des ressources en eau à tra­vers le monde.

Enfin, le troisième axe de pro­grès est la réduc­tion de l’empreinte car­bone, par réduc­tion de l’énergie con­som­mée et par l’utilisation d’énergies renou­ve­lables telles que l’énergie solaire ou éolienne.

À titre d’exemple, l’électricité con­som­mée par l’usine de Mel­bourne est 100% d’origine éolienne.

De même, la réduc­tion de l’empreinte envi­ron­nemen­tale est un enjeu majeur, notam­ment en ce qui con­cerne le devenir des saumures pro­duites par la réten­tion et la con­cen­tra­tion des sels dont la val­ori­sa­tion est un défi à relever.

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