Le défi du décideur face à l’incertitude

Le défi du décideur face à l’incertitude

Dossier : Covid-19Magazine N°758 Octobre 2020
Par Philippe SILBERZAHN

Com­ment des déci­deurs peuvent-ils se faire sur­prendre par des évé­ne­ments qu’ils auraient dû pré­voir ? Com­ment, alors que notre époque croule sous les don­nées et se croyait toute-puis­sante en matière de pré­vi­sion, a‑t-on pu tant tar­der à réagir ? Ces ques­tions ne sont pas nou­velles mais elles ont pris une acui­té par­ti­cu­lière avec la crise de la Covid-19 dont l’ampleur est consi­dé­rable et dont les réper­cus­sions se feront sen­tir pen­dant longtemps.

Ce type de sur­prise est un défi pour les déci­deurs même les plus aguer­ris. La crise que nous tra­ver­sons nous invite à nous inter­ro­ger sur la notion d’incertitude et sur les prin­cipes d’action que nous pou­vons pro­po­ser pour le dirigeant.

La prédiction est un art difficile

Lorsqu’une sur­prise sur­vient, on cherche à iden­ti­fier des gens qui l’avaient pré­dite. Ain­si, pour la Covid-19, cer­tains ont noté qu’un rap­port de la CIA avait évo­qué le risque d’une pan­dé­mie, tan­dis que d’autres ont retrou­vé une vidéo de Bill Gates, un entre­pre­neur deve­nu phi­lan­thrope enga­gé dans les causes médi­cales, aver­tis­sant lui aus­si sur ce risque. Conclu­sion : l’épidémie était pré­vue, les gou­ver­ne­ments ont été pré­ve­nus et ils n’ont rien fait !

Mal­heu­reu­se­ment l’histoire ne tient pas, pour deux rai­sons : d’une part parce que nous pas­sons notre vie à faire des pré­vi­sions. Chaque jour, un déluge de pré­vi­sions est pro­duit dans le monde sur tout et n’importe quoi. Et puis un jour un évé­ne­ment se pro­duit. On se tourne alors vers le pas­sé et on s’étonne de trou­ver quelqu’un, quelque part, qui l’avait pré­dit ! Quel génie ! Quelle pré­mo­ni­tion ! Quel est son secret ? Mais il s’agit bien sûr d’un biais rétros­pec­tif. Nous oublions toutes les fausses pré­vi­sions faites pour fil­trer rétros­pec­ti­ve­ment celle qui cor­res­pond à ce qui s’est pas­sé et nous nous convain­quons qu’il s’agissait d’une pré­vi­sion exacte.

Prédiction ou prévision ?

D’autre part, et de façon simi­laire, il est nor­mal qu’un spé­cia­liste fasse des pré­vi­sions dans son domaine et qu’un jour l’une d’entre elles devienne vraie. Bill Gates s’investit dans la san­té publique au tra­vers de sa fon­da­tion. Les épi­dé­mies n’ont rien de nou­veau, elles existent depuis la nuit des temps. Il est donc nor­mal que quelqu’un qui tra­vaille sur les épi­dé­mies soit sen­sible à ce risque, comme il est nor­mal qu’un pom­pier annonce des incen­dies. Est-ce pour autant une pré­dic­tion ? Non. Une pré­dic­tion consis­te­rait à décrire à l’avance ce qui va se pas­ser et quand, ce que n’a pas fait Bill Gates, pour la simple rai­son que c’est impossible.

“Le simple fait que les experts continuent à être en désaccord
sur à peu près tous les points
fondamentaux est tout à fait typique d’un problème incertain.”

Quatre rappels sur la gestion de l’incertitude

L’émergence inat­ten­due de l’épidémie ain­si que ses consé­quences incer­taines nous rap­pellent quatre choses que nous aurions dû savoir, ou que nous savions mais que nous avons igno­rées, sur l’environnement dans lequel nous vivons : que le monde évo­lue de façon non linéaire, que l’incertitude, ce n’est pas le risque, que l’avenir est impré­dic­tible, et que les sur­prises bou­le­versent nos modèles mentaux.

Le monde évolue de façon non linéaire

La majo­ri­té du chan­ge­ment de notre envi­ron­ne­ment se fait au cours de brusques sauts, et non de façon conti­nue. Le monde évo­lue peu pen­dant assez long­temps, puis sou­dai­ne­ment quelque chose sur­vient qui apporte un chan­ge­ment pro­fond. La Covid-19, comme la crise finan­cière de 2008, le Prin­temps arabe, la guerre en Syrie ou encore le Brexit sont des exemples typiques récents de sur­prises par­mi tant d’autres. Plus la phase d’évolution faible a été longue, plus nous nous sommes habi­tués à un chan­ge­ment faible, et plus le chan­ge­ment bru­tal peut nous sur­prendre et avoir de consé­quences sérieuses. Nous nous habi­tuons à pen­ser que l’état du monde que nous connais­sons va durer pour tou­jours et une sur­prise vient mettre fin à cette illu­sion. La non-linéa­ri­té du monde est géné­ra­trice d’incertitude.

L’incertitude, ce n’est pas le risque

Éric Caumes, chef du ser­vice des mala­dies infec­tieuses de la Pitié-Sal­pê­trière, décla­rait au début de l’épidémie : « Si vous n’avez pas peur de la grippe (jusqu’à 10 000 décès par an en France), pour­quoi avez-vous peur du coro­na­vi­rus ? » Cela sem­blait le bon sens même, et pour­tant la com­pa­rai­son n’était pas légi­time, car elle igno­rait une dis­tinc­tion impor­tante, celle entre le risque et l’incertitude. La grippe est un évé­ne­ment récur­rent et connu ; il relève du risque, c’est-à-dire qu’il est gérable par obser­va­tion sta­tis­tique. La Covid-19 est inédite et son impact était impré­vi­sible. Cela relève de l’incertitude et est donc moins faci­le­ment gérable. Le simple fait que les experts conti­nuent, près d’un an après le début de l’épidémie, à être en désac­cord sur à peu près tous les points fon­da­men­taux qui la concernent est tout à fait typique d’un pro­blème incertain.

L’avenir est imprédictible

Un monde incer­tain est un monde impré­vi­sible. Rap­pe­lez-vous le début de l’année et les pré­vi­sions des experts pour 2020. Chaque année c’est la même chose. L’économie, la socié­té, tout y passe, et chaque année c’est la même chose : un évé­ne­ment sur­vient qui rend caduques toutes les pré­vi­sions. Ce qui était annon­cé ne se pro­duit pas et ce qui se pro­duit n’était pas annon­cé. Nous le savons, mais nous conti­nuons à pro­duire des pré­vi­sions et à les croire en agis­sant sur leur fon­de­ment. Tant que nous conti­nue­rons à prendre nos déci­sions sur un para­digme pré­dic­tif, nous res­te­rons fra­giles, c’est-à-dire qu’il suf­fi­ra que nos pré­vi­sions se révèlent fausses, ce qui arrive sou­vent, pour que ces déci­sions deviennent catastrophiques.

Les surprises bouleversent nos modèles mentaux

Le propre d’une sur­prise est de remettre en ques­tion nos modèles men­taux, ces croyances que nous construi­sons sur nous-même et sur le monde. Ces modèles sont indis­pen­sables ; c’est à tra­vers eux que nous pou­vons agir. Ils vont nous rendre très effi­caces dans cer­tains domaines et com­plé­te­ment aveugles dans d’autres. Comme ces modèles men­taux sont consti­tu­tifs de notre iden­ti­té, ce par quoi nous sommes sur­pris dépend donc de qui nous sommes. Dans un monde de sur­prise, il est donc indis­pen­sable d’examiner de façon sys­té­ma­tique et régu­lière ses grandes croyances, consti­tu­tives de ses modèles men­taux, en se posant la ques­tion sui­vante : « Qu’est-ce que je crois qui est (peut-être) deve­nu faux ? »

“La seule arme du généraliste face à l’expert est
le questionnement ouvert.”

Cinq principes pour le décideur en incertitude

Le quo­ti­dien du déci­deur est fait d’avertissements dans tous les domaines, notam­ment par des ser­vices sou­cieux de se cou­vrir. La dif­fi­cul­té est donc de choi­sir par­mi ceux qu’il va trai­ter, car il ne peut bien sûr les trai­ter tous. Il va le faire selon ce qu’il juge impor­tant, c’est-à-dire selon son modèle men­tal. Il n’a pas d’autre choix qu’exercer son juge­ment. Face à 50 annonces de catas­trophes pos­sibles, voire immi­nentes, à tout moment, il n’existe aucun moyen objec­tif de choi­sir car nous sommes dans le domaine de l’incertitude, c’est-à-dire de l’inédit pour lequel il n’existe pas de don­nées sur la base des­quelles cal­cu­ler ce qu’il faut choi­sir en priorité.

Ima­gi­nons un conseiller brie­fant le Pré­sident Macron en décembre 2019 sur un virus qui tue quelques Chi­nois âgés dans une pro­vince peu connue de Chine. Mais nous sommes en pleine grève des trans­ports, le pays est à l’arrêt, les Gilets jaunes sac­cagent les centres-villes depuis plus d’un an, les poli­ciers sont épui­sés, l’opposition accuse le Pré­sident de fas­cisme ou de laxisme (c’est selon), sans par­ler des menaces d’attentat. Dif­fi­cile d’attirer l’attention du Pré­sident sur le virus dans ces conditions.

Sur le fon­de­ment de ce qui pré­cède, on peut pro­po­ser cinq prin­cipes à suivre pour le déci­deur dans cette situation.

L’expertise est utile, elle ne suffit pas

La plu­part des déci­sions étant d’une grande com­plexi­té, le déci­deur doit natu­rel­le­ment s’appuyer sur des experts tech­niques, mais cela ne va pas sans poser pro­blème face à un évé­ne­ment inédit. Dans cette incer­ti­tude, l’expertise n’est que par­tiel­le­ment utile car, pour reprendre l’expression de Ber­trand de Jou­ve­nel, dans cette situa­tion une méthode éprou­vée est sou­vent une méthode révo­lue et l’expert est un homme du pas­sé. L’expert peut dire ce qui a été, c’est l’objet de son exper­tise, mais cela ne signi­fie pas qu’il soit capable de nous dire ce qui sera, en par­ti­cu­lier en situa­tion de crise, car c’est pré­ci­sé­ment là que sur­git l’inédit. Aucune épi­dé­mie n’est comme une autre et cha­cune com­porte donc une part impor­tante d’incertitude.

La décision se prend sur la base du jugement, pas du calcul

Face à l’inédit, et donc à l’incertain, la déci­sion doit se faire avec ce que l’on sait à un moment don­né, ce qui sou­vent n’est pas grand-chose. Elle ne peut donc résul­ter d’un seul cal­cul. En 2010, Rose­lyne Bache­lot n’a guère de cri­tère objec­tif pour déci­der quelle quan­ti­té de vac­cins ache­ter. Si elle en n’achète pas assez et que l’épidémie sévit, elle sera accu­sée d’incurie. Si elle en achète assez et que l’épidémie est contrô­lée, per­sonne ne se ren­dra compte de rien (un acci­dent évi­té n’a jamais exis­té). Si elle en achète trop et qu’il n’y a pas d’épidémie, comme ce qui s’est pas­sé, elle est accu­sée de gas­piller les fonds publics, voire d’être à la solde du lob­by pharmaceutique.

En incer­ti­tude, le déci­deur ne peut donc rien faire d’autre, une fois le dia­logue avec les experts ter­mi­né, qu’exercer son juge­ment, c’est-à-dire une appré­cia­tion sub­jec­tive et cir­cons­tan­ciée per­met­tant de for­mer une opi­nion sur ce qui va advenir.

La décision est un processus créatif, pas un choix d’options préexistantes

Le propre des situa­tions inédites est qu’elles n’ont jamais été ren­con­trées avant ; l’incertitude qui les carac­té­rise néces­site donc une approche créa­tive : à situa­tion nou­velle, solu­tion for­cé­ment nou­velle. Tout repose donc sur la façon dont le déci­deur va per­mettre à ce pro­ces­sus créa­tif de prendre place au sein de l’appareil de déci­sion. L’attitude du pré­sident Ken­ne­dy durant la crise des mis­siles de Cuba en 1962 est un modèle en la matière. Insa­tis­fait de l’option unique pro­po­sée ini­tia­le­ment par les mili­taires, raser Cuba par une attaque pré­ven­tive, il a consti­tué un groupe et l’a for­cé à trou­ver une autre solu­tion qui a per­mis une sor­tie de crise pacifique.

Le politique s’appuie sur les experts en leur posant des questions

Il est très facile pour un déci­deur, qui est très pro­ba­ble­ment un géné­ra­liste, voire un néo­phyte face au pro­blème consi­dé­ré, d’être noyé, voire bala­dé par les experts qui sont tous convain­cus de savoir ce qu’il faut faire mais qui ne voient qu’une par­tie du pro­blème. La seule arme du géné­ra­liste face à l’expert est donc le ques­tion­ne­ment, en par­ti­cu­lier le ques­tion­ne­ment ouvert. Le déci­deur ne doit pas avoir peur de poser des ques­tions qui semblent idiotes et doit tou­jours se rap­pe­ler qu’il sera seul comp­table de la déci­sion. Il doit donc s’agir d’une conver­sa­tion, où les ques­tions émergent des réponses pré­cé­dentes et où ce que l’expert ne dit pas peut être aus­si impor­tant que ce qu’il dit.

C’est le décideur qui décide, pas l’expert

Le rôle du déci­deur est d’embrasser le pro­blème dans son inté­gra­li­té, d’avoir une vision stra­té­gique, tan­dis que les experts res­tent au niveau tac­tique, dans leur domaine. La déci­sion n’est pas la somme des déci­sions tac­tiques, mais une agré­ga­tion, ce qui néces­site de résoudre des conflits. C’est donc du domaine du poli­tique. Par exemple, les méde­cins recom­mandent un confi­ne­ment total, ce qui satis­fait leur objec­tif sani­taire, mais celui-ci asphyxie l’économie, ce qui engendre des pro­blèmes très graves à court terme. Seul le déci­deur peut tran­cher, c’est son rôle.

Être prêts à affronter ce qui n’a jamais été 

Il res­sort de tout cela qu’on ne peut pas exi­ger des déci­deurs qu’ils puissent pré­voir ce qui va se pas­ser, mais cela ne signi­fie pas se rési­gner et attendre les catas­trophes. En effet, pour agir pré­ven­ti­ve­ment, on n’a pas besoin de savoir exac­te­ment ce qui va se pas­ser et quand. Si l’on craint une épi­dé­mie, on peut déve­lop­per les centres de sur­veillance, encou­ra­ger la recherche de test et de vac­cin, sto­cker des masques, for­mer des méde­cins, etc.

Sortir du paradigme prédictif

Au-delà, ce à quoi appellent impli­ci­te­ment ces rap­pels et ces prin­cipes d’action, c’est une révo­lu­tion dans notre sys­tème édu­ca­tif. Mal­gré la suc­ces­sion de sur­prises mas­sives de tous ordres que nous avons vécues au moins depuis les quinze der­nières années, nous for­mons en effet tou­jours nos futurs diri­geants sur un para­digme pré­dic­tif autour de la notion de risque cal­cu­lable, alors que tout ce qui compte vrai­ment n’est ni pré­dic­tible, ni cal­cu­lable. Dans un monde cer­tain, la pré­dic­tion donne un degré de contrôle sur l’avenir, mais dans un monde incer­tain cela ne fonc­tionne pas.

Il y a quelque chose de déses­pé­rant à voir qu’aucune leçon n’a été tirée des échecs mas­sifs de ce para­digme, que ce soit en finance, en éco­no­mie, en poli­tique ou plus récem­ment avec la Covid-19. Son­geons que le débat qui a agi­té la France en avril était la renais­sance de notre indus­trie autour… de la fabri­ca­tion de masques, pré­sen­tée comme stra­té­gique pour notre sou­ve­rai­ne­té future. Sur cette pré­dic­tion, des entre­prises fran­çaises se sont lan­cées dans leur fabri­ca­tion, comp­tant sur le sou­tien de l’État en anti­ci­pant ses com­mandes. Aujourd’hui, ces masques s’achètent quelques cen­times chez n’importe quel Chi­nois et l’État est pas­sé à autre chose, aban­don­nant ces entre­prises à leur triste sort. Le para­digme pré­dic­tif, c’est pré­pa­rer avec appli­ca­tion la der­nière guerre…

Acquérir une culture de l’incertitude

Les effets de cette incon­sé­quence sont consi­dé­rables, mais il n’est jamais trop tard pour réagir. Les déci­deurs, dans quelque domaine que ce soit, doivent abso­lu­ment acqué­rir une véri­table culture de l’incertitude. Cela devrait être l’objectif pre­mier de l’enseignement qui pour­ra s’inspirer de Paul Valé­ry lorsqu’il écri­vait à ce sujet : « … Il s’agit de faire de vous des hommes prêts à affron­ter ce qui n’a jamais été. »

2 Commentaires

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jean yves guedjrépondre
8 octobre 2020 à 11 h 46 min

remar­quable article, véri­table grille de lec­ture de ce qui s’est pas­sé et de ce qui sa passe en matière de COVID19 , tant en France que dans le monde( pan­dé­mie). vous illus­trez chaque prin­cipe décrit par des exemples concrets qui montrent la nature de cer­taines incer­ti­tudes tant sani­taires qu” éco­no­miques. pour­rions nous déve­lop­per ces illus­tra­tions en y rajou­tant des évè­ne­ments mar­quants qui sont sur­ve­nus dans le temps en 2020, car comme vous le dites il n’est jamais trop tard pour s »amé­lio­rer. Paul Vale­ry disait des experts ce sont ceux qui se trompent selon les règles.

Hen­ri Chellirépondre
13 octobre 2020 à 16 h 30 min

Il est effec­ti­ve­ment dif­fi­cile de pré­voir l’im­pré­vi­sible. Bien des mana­gers, des cher­cheurs, des pré­vi­sion­nistes et d’autres s’y sont cas­sés les dents.
En fait, à mon avis, la meilleure façon de se pré­pa­rer à l’im­pré­vi­sible consiste à se struc­tu­rer et à orga­ni­ser ses opé­ra­tions de façon à leur confé­rer une très bonne capa­ci­té d’a­dap­ta­tion, de réac­ti­vi­té et de recom­po­si­tion. La struc­ture en « équipes auto­nomes », des opé­ra­tions fon­dées sur des pro­ces­sus « de-bout-en-bout » et une orga­ni­sa­tion géné­rale fon­dée sur les prin­cipes de « l’en­tre­prise libé­rée » ont démon­tré leur grande rési­lience et leur capa­ci­té à tirer béné­fice de ces moments de crise.

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