L’AFFAIRE L’HISTOIRE DU PLUS GRAND SCANDALE FINANCIER FRANÇAIS

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°642 Février 2009Par : Daniel Lebard (59) et Ghislaine OttenheimerRédacteur : Serge Raffet (50)

Les affaires finan­cières sont à la mode en ce moment. On en entend par­ler dans tous les pays et M. Bernard Mad­off à New York vient de bat­tre un record mon­di­al qui entr­era dans les annales. On peut espér­er que quelqu’un écrira un jour un ouvrage de référence sur cette his­toire éton­nante où tout le monde accepte l’idée que cinquante mil­liards de dol­lars se sont éva­porés en toute sim­plic­ité, sans que per­son­ne ne s’en émeuve, entre les doigts d’un seul homme vieil­lis­sant, hon­or­able­ment con­nu, souri­ant et sym­pa­thique. La vérité est sans doute très dif­férente et j’attends avec curiosité qu’on vienne nous l’expliquer.

En France, pays des Lumières, nous sommes plus com­pliqués et Daniel Lebard vient de pub­li­er aux Édi­tions du Seuil un ouvrage dont le titre : L’Affaire, l’histoire du plus grand scan­dale financier français sur une cou­ver­ture rouge sang est déjà tout un programme.

Daniel Lebard n’est pas un ama­teur : c’est lui qui, à 25 ans, est allé ouvrir le marché en pre­mière monte du pneu français aux États-Unis pour Miche­lin. Ensuite, il a col­lec­tion­né les titres de PDG de grandes entre­pris­es puis est devenu redresseur d’affaires, ou liq­ui­da­teur intel­li­gent selon les cas, ce qui revient au même tech­nique­ment. En 1999, sur la demande de l’une des plus grandes affaires indus­trielles français­es, voire mon­di­ales, il a pris la direc­tion d’une grande entre­prise chim­ique à Lon­dres dans le cadre d’une com­plexe opéra­tion de portage et com­mençant à fouin­er, parce que c’est un esprit intel­li­gent et curieux, il racon­te com­ment il a mis à jour ce qu’il qual­i­fie lui-même d’escroquerie finan­cière et indus­trielle du siè­cle. Il décrit dans ce livre ce qu’il a trou­vé, citant sans hési­ta­tion les noms des acteurs, per­son­nal­ités con­nues du monde français des affaires, de l’industrie et de la finance, dont un ancien min­istre récent, avançant des chiffres, citant les références des com­mu­niqués des sociétés, les dates des pub­li­ca­tions, des Assem­blées et des Con­seils, accu­sant, véhé­ment, agres­sif. Ce livre est présen­té sous la forme d’une inter­view par le rédac­teur en chef d’une revue finan­cière con­nue et la jour­nal­iste sem­ble effarée de ce qu’elle entend Lebard lui décrire dans le plus grand détail.

Quand j’ai lu cet ouvrage, j’ai été éton­né — on n’a pas l’habitude en France de pub­li­er ce genre de brûlot aus­si détail­lé. Ayant eu l’occasion de ren­con­tr­er cer­tains des pro­tag­o­nistes cités par Lebard, je leur ai demandé ce qu’ils en pen­saient. Beau­coup de mal m’ont-ils unanime­ment répon­du avec colère et qu’ils allaient riposter en jus­tice pour diffama­tion et autres joyeusetés. Tout cela est très récent et j’attends de voir ce qui va en sor­tir — je sup­pose que Lebard est encore plus curieux…

On peut se pos­er des ques­tions, tant les pro­pos de Lebard sont directs, doc­u­men­tés, accusatoires, sou­vent bru­taux. Le pro­pos est présen­té de façon logique, chronologique, cohérente. S’est-il lais­sé égar­er et emporter par sa pas­sion et les dom­mages qu’il pré­tend avoir subis per­son­nelle­ment dans cette « Affaire », ou at- il effec­tive­ment mis au jour une con­spir­a­tion économique à grande échelle où deux per­son­nal­ités du monde français de la haute finance sont mortes dans des cir­con­stances trag­iques à un âge pré­coce — comme dans un roman polici­er, mais ces deux morts sem­blent expliquées bien que l’une d’entre elles soit sur­v­enue à la suite d’événements claire­ment inhab­ituels dont l’une des pro­tag­o­nistes attend un juge­ment depuis deux ans dans une prison suisse ?

Vrai ou faux, ce livre est au-delà des événe­ments qu’il relate un bon manuel d’information sur le fonc­tion­nement des sociétés en France et au-delà. Les livres les plus instruc­tifs ne sont pas tou­jours d’évidence ceux qui sont apparem­ment des­tinés à l’enseignement. Quand j’ai créé ma pre­mière entre­prise en 1956 au Brésil, Vasseur (33), ami inspiré, m’a offert un livre inti­t­ulé Les fraudes en compt­abil­ité. Cet ouvrage m’a appris beau­coup plus que de nom­breux manuels uni­ver­si­taires et m’a per­mis d’éviter de nom­breux pièges dans la vie courante des affaires. Le livre de Lebard m’y fait penser et c’est pour cela que j’en recom­mande la lecture.

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