La venue de l’avenir / Jeunes mères / Le répondeur / Le rendez-vous de l’été / Différente

Dossier : Arts, lettres et sciences | Magazine N°806 Juin 2025
Par Christian JEANBRAU (X63)

Une douzaine de séjours dans les salles obscures. Deux titres répulsifs émergent : The Phoenician Scheme de Wes Anderson, bêtise affligeante, et Mission impossible de Christopher McQuarrie, à peu près idiot. Fuyez. À côté de cela des divertissements estimables : le doux-amer Partir un jour d’Amélie Bonnin, même si inférieur au court-métrage qui en est la source, Little Jaffna de Lawrence Valin, Zion de Nelson Foix, Cloud de Kioshi Kurosawa et surtout L’ultime braquage de Frédéric Louis Hviid, quatre bons thrillers très typés qui font mouche. Enfin cinq films, plus nuancés, qu’on a envie de mettre en avant.

 

La venue de l’avenir (réalisateur : Cédric Klapisch – 2 h 06)

Très joli, porté par le charme d’acteurs délicieux, avec mention spéciale pour Julia Piaton, Paul Kircher, Vincent Macaigne et Cécile de France, choix très subjectif (injuste ?). On se régale de les voir. Les allers-retours d’un siècle à l’autre se succèdent dans la fluidité. La prise collective d’un psychotrope fournit une scène d’anthologie au salon des refusés de 1874 (celui d’« Impression soleil levant »). L’ensemble est nourri de subtilités touchantes. Pourquoi ne pas avouer qu’on est sorti enchanté de cette quête des origines par un quatuor inattendu de descendants d’une Adèle du XIXe siècle mis devant la nécessité de décider du sort d’une propriété familiale à l’abandon menacée par un projet municipal d’aujourd’hui. Un spectacle plein de nuances et de grâce.

 

Jeunes mères (réalisateurs : J.-P. & L. Dardenne – 1 h 45)

Beau film autour de la question des jeunes filles saisies trop tôt par la maternité. Quatre destins bien distincts, ancrés dans des enfances contrariées, abandonnées ou difficiles et quatre avenirs bien différents que les réalisateurs veulent laisser ouverts sur l’espoir, malgré tout. Quatre personnalités auxquelles on s’attache. C’est formidablement filmé avec une efficacité étonnante dans un « rendu » du réel qui nous fait témoins directs de situations vécues et non jouées. La maison maternelle où ces quatre parcours ont trouvé un havre provisoire exprime une merveilleuse bienveillance et, malgré des contextes dramatiques, il semble qu’une lumière puisse s’entrevoir. La crédibilité des acteurs est absolue. J’y allais à reculons, j’en suis revenu touché et plus que convaincu. C’est à voir !

 

Le répondeur (réalisatrice : Fabienne Godet – 1 h 42)

Tout à fait divertissant. Podalydès égal à lui-même, Salif Cissé excellent et subtil dans un rôle étonnant de clone vocal (toutes les imitations du film sont très réussies, un coup de chapeau à l’imitateur Michael Grégorio qui a coaché l’ensemble) et Clara Bretheau (une découverte !), pertinente et piquante. Cette affaire d’écrivain à succès débordé par son portable (Podalydès) qui s’offre un avatar (Cissé) pour recommencer à vivre est bien menée, drôle, plutôt touchante et inattendue. La comédie se met en place, se développe, réserve de bonnes surprises. Une petite galerie bien dessinée de personnages secondaires et des fils psychologiques et narratifs parallèles astucieux. Un très bon moment.

 

Le rendez-vous de l’été (réalisatrice : Valentine Cadic – 1 h 17)

Très joli spectacle, tendre, nuancé, mélancolique, touchant, qui décrit quelques jours à Paris, dans l’effervescence des JO 2024, d’une trentenaire un peu godiche venue de sa Normandie pour suivre les efforts de la nageuse française Beryl Gastadello dont le parcours l’a émue. Médiocrement gâtée par la nature mais dotée d’une infinie placidité et d’une gentillesse à toute épreuve, imperméable aux rebuffades – et merveilleusement incarnée par Blandine Madec –, elle traverse pendant 72 heures la folie de la capitale et les péripéties d’un accueil refusé en auberge de jeunesse comme au bord de la piscine, puis obtenu chez une demi-sœur (India Hair, impeccable) à l’existence bousculée de mère séparée d’un activiste anti-JO encore bien présent. Ce portrait d’une femme infiniment en marge de tout et d’une absolue sincérité est étonnant de douceur.

 

Différente (réalisatrice : Lola Doillon – 1 h 40)

Une pépite ! Ce petit film discret est éclatant de qualités. Autour d’une jeune femme qui se découvre autiste (Jehnny Beth est éblouissante de justesse), une narration fine, subtile, qui documente un problème mal connu ou caricaturé à travers une fiction aux multiples facettes, attachante, diversifiée, imposant son étonnante vérité. Tous les acteurs sont à la hauteur de l’enjeu. Il y a là une vraie richesse de rapports humains à découvrir.

 

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