Un train dans la Région Grand Est

La Région Grand Est : préparer et construire l’avenir

Dossier : Dossier FFEMagazine N°719 Novembre 2016
Par François BOUCHARD (75)

Pouvez-vous nous en dire plus sur la fusion des 3 anciennes Régions ?

Avant le lan­ce­ment de la fusion déci­dée par le gou­ver­ne­ment en 2014, il y avait eu, en Alsace, une pro­cé­dure de fusion des col­lec­ti­vi­tés qui avait failli abou­tir. Le « OUI » avait récol­té 58 % au réfé­ren­dum de 2013. Néan­moins, le résul­tat n’était pas suf­fi­sant, car les règles du réfé­ren­dum exi­geaient que plus de 25 % des ins­crits votent « OUI », or la par­ti­ci­pa­tion n’avait pas été suffisante. 

L’idée d’un conseil unique en Alsace a été aban­don­née, mais remise à l’ordre du jour un an plus tard avec le lan­ce­ment des regrou­pe­ments des Régions. Alors que pen­dant un long moment nous atten­dions une fusion de l’Alsace et de la Lor­raine, la nou­velle Région a ras­sem­blé l’Alsace, la Lor­raine et la Champagne-Ardenne. 

Après son élec­tion Phi­lippe Richert m’a deman­dé de deve­nir le Direc­teur Géné­ral des Ser­vices de la Région qu’il allait pré­si­der. Mal­gré le carac­tère inat­ten­du de cette loi, nous avons tout de même pu réa­li­ser un tra­vail de pré­pa­ra­tion qui nous per­met de mettre en oeuvre main­te­nant des actions. 

Avec le recul, la Région est une enti­té ration­nelle et contrai­re­ment aux idées reçues sur la loi et le regrou­pe­ment des Régions, nous sommes en train de faire des éco­no­mies. Même si cela va néces­si­ter du temps, nous obser­vons une cer­taine cohé­rence qui s’appuie, entre autres, sur le cali­brage des moyens et des effec­tifs au fur et à mesure des votes du budget. 

Concrè­te­ment, la fusion a été géné­ra­trice de ratio­na­li­té et de res­pon­sa­bi­li­tés, alors que l’effet de taille aura, à mon avis, un effet posi­tif sur l’augmentation et la pro­gres­sion régu­lière de la per­for­mance. Et dans ce nou­veau cadre, ma mis­sion est d’organiser une admi­nis­tra­tion performante. 

Dans ce processus de fusion, quels ont été les dossiers qui ont monopolisé votre attention ?
Quels ont été les dossiers prioritaires qui vous ont alors occupés ?

Les dif­fé­rences mana­gé­riales et sociales entre les trois anciennes admi­nis­tra­tions et les dif­fé­rences d’approche poli­tique sont les prin­ci­paux dos­siers qui ont mobi­li­sé notre attention. 

Les Régions ont des his­to­riques dif­fé­rents qui impactent leur ges­tion sociale et managériale. 

Par exemple, la Lor­raine s’est dis­tin­guée des deux autres Régions par son his­to­rique admi­nis­tra­tif. Elle a été très for­te­ment tou­chée par le choc indus­triel des années 70 : arrêt de l’activité sidé­rur­gique, fer­me­ture des mines de charbon… 

“ CONTRAIREMENT AUX IDÉES REÇUES SUR LA LOI ET LE REGROUPEMENT DES RÉGIONS, NOUS SOMMES EN TRAIN DE FAIRE DES ÉCONOMIES. ”

À l’époque des 30 Glo­rieuses, l’État, fort de ses moyens finan­ciers, a requa­li­fié le ter­ri­toire, réins­tal­lé des entre­prises et com­pen­sé ses pertes d’emplois en résor­bant le chô­mage à tra­vers des recru­te­ments de pro­fils avec une qua­li­fi­ca­tion de base sur des postes de fonc­tion­naires (per­son­nel tech­nique et ouvrier de lycée, agent de tra­vaux des routes…). 

Il a fal­lu gérer ce déca­lage et cette situa­tion com­plexe. Notre réponse mana­gé­riale a été de redon­ner un sens au tra­vail de cha­cun et de pré­pa­rer une ratio­na­li­sa­tion des effec­tifs, mais éga­le­ment des rému­né­ra­tions, ce qui pren­dra du temps. Nous devons trou­ver des for­mules pour faire évo­luer les choses en allant dans le sens de la performance. 

Nous nous sommes pré­pa­rés à la fusion tout au long de l’année 2015. Quand la Région a été créée le 4 jan­vier 2016, nous avons mis en place immé­dia­te­ment un direc­teur dans chaque domaine. Ain­si, l’administration de la grande Région a exis­té dès le pre­mier jour ! 

Mal­gré les pro­blèmes de conver­gences des poli­tiques sur les dif­fé­rentes thé­ma­tiques, nous sommes aujourd’hui une Région où les choses se mettent en place de manière per­ti­nente et bénéfique. 

Aujourd’hui, quels sont les principaux centres de préocLettrinecupation ?

Nous avons deux grandes prio­ri­tés politiques : 

  • la com­pé­ti­ti­vi­té éco­no­mique et l’emploi : nous dis­po­sons d’outils éla­bo­rés héri­tés des Régions et qui ne prennent pas uni­que­ment la forme de sub­ven­tions, mais qui sont éga­le­ment des fonds d’investissement stra­té­giques visant à sou­te­nir le déve­lop­pe­ment des PME ;
     
  • le pacte pour la rura­li­té : la nais­sance de la Région Grand Est a mis en évi­dence d’immenses espaces peu denses et ruraux. Dans ce contexte, nous avons mis en avant avec les élus un pacte pour la rura­li­té qui s’appuie sur une admi­nis­tra­tion proche du ter­rain pour évi­ter un cer­tain centralisme.
    Aujourd’hui, sur ces ter­ri­toires, les auto­routes imma­té­rielles (la fibre optique) sont le ser­vice le plus atten­du. Alors que l’État se fixe un objec­tif à 10 ans pour appor­ter la fibre optique à tous les foyers fran­çais, dans le Grand Est, nous visons un élar­gis­se­ment de la fibre optique à toute la région d’ici 5 ans. 

Pour contri­buer à la com­pé­ti­ti­vi­té de la Région, les 23 du bud­get, qui s’élève à envi­ron 3 mil­liards d’euros, sont alloués à la for­ma­tion (les lycées, la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle des deman­deurs d’emploi, la for­ma­tion sani­taire et sociale, l’apprentissage) à hau­teur d’un mil­liard d’euros, et au trans­port (TER, trans­port sco­laire et urbain) soit 900 mil­lions d’euros.

Le reste du bud­get per­met de finan­cer, entre autres, des actions pour les entre­prises, ou encore l’environnement.

Un lycée dans la Région Grand Est

La Région se veut plus proche des citoyens et des territoires. Qu’est-ce que cela va impliquer concrètement ?

L’organisation de la Région s’appuie sur trois sites, les trois Mai­sons de la Région à Stras­bourg, Metz et Châ­lons-en-Cham­pagne. Nous nous diri­geons vers une ter­ri­to­ria­li­sa­tion plus fine afin d’être plus près du ter­rain avec la créa­tion de douze agences ter­ri­to­riales qui vont gérer avec la meilleure sub­si­dia­ri­té tous les aspects qui peuvent l’être direc­te­ment sur le ter­rain, en cir­cuit court. 

Elles auront à leur tête un direc­teur qui va jouir du même rang que les direc­teurs cen­traux. Et nous sommes, d’ailleurs, en avance sur ces sujets par rap­port aux autres Régions. 

Quels sont vos principaux enjeux, mais également les perspectives qui en découlent ?

La réforme a appor­té un chan­ge­ment assez posi­tif au niveau des Régions. En paral­lèle, la rela­tion entre l’État et les Régions a éga­le­ment chan­gé de nature. De nou­velles com­pé­tences vont nous être trans­fé­rées, comme, dès 2017, les trans­ports sco­laires et interurbains. 

La France de demain ne sera plus orga­ni­sée autour d’un État et de ses dépar­te­ments. En effet, l’État aura des fonc­tions plus légères sans pour autant se diri­ger vers le fédéralisme. 

Des Régions plus grandes avec des fonc­tions et des com­pé­tences ren­for­cées vont se pro­fi­ler petit à petit, alors que de très grosses inter­com­mu­na­li­tés ver­ront le jour. 

Pour accom­pa­gner ces chan­ge­ments, nous devons mettre en place une orga­ni­sa­tion per­for­mante, proche du ter­rain et qui soit capable d’accueillir de nou­velles compétences. 

Et pour conclure ?

Des lois qui ont pu sur­prendre peuvent conduire à des tour­nants his­to­riques. C’est le cas de cette loi et du redé­cou­page des Régions qui va avoir des consé­quences très importantes. 

Fina­le­ment, quand le hasard vous donne l’occasion de jouer un rôle inté­res­sant dans une telle évo­lu­tion, c’est évi­dem­ment pas­sion­nant et rele­ver le défi devient un devoir !

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