A 400 M

La politique de l’Etat à l’égard de l’industrie de défense

Dossier : La politique militaireMagazine N°570 Décembre 2001
Par Laurent GIOVACHINI (80)

L’industrie de défense à l’aube du XXIe siècle

De la création de la DMA à la chute du mur de Berlin : l’essor d’une industrie nationale d’armement autonome et polyvalente

L’industrie de défense à l’aube du XXIe siècle

De la création de la DMA à la chute du mur de Berlin : l’essor d’une industrie nationale d’armement autonome et polyvalente

La créa­tion de la Délé­ga­tion minis­té­rielle pour l’ar­me­ment (DMA) par le géné­ral de Gaulle en 1961, deve­nue Délé­ga­tion géné­rale pour l’ar­me­ment (DGA) en 1977, est prin­ci­pa­le­ment jus­ti­fiée par la néces­si­té de regrou­per sous une même auto­ri­té l’en­semble des ser­vices sus­cep­tibles de concou­rir à la mise sur pied de la force de frappe. Mais le rôle de la DMA/DGA ne se limite pas aux pro­grammes nucléaires. Elle contri­bue à la mise en ser­vice dans les armées d’une pano­plie com­plète de moyens réa­li­sés la plu­part du temps en toute indé­pen­dance par notre indus­trie. La DGA veille éga­le­ment à accroître puis à pré­ser­ver le niveau de finan­ce­ment des études conduites en amont des pro­grammes d’ar­me­ment pro­pre­ment dits de manière à déve­lop­per puis à main­te­nir le poten­tiel tech­no­lo­gique du pays.

La conduite et la mise en cohé­rence des dif­fé­rents pro­grammes d’ar­me­ment béné­fi­cient de la géné­ra­li­sa­tion des lois de pro­gram­ma­tion mili­taire. La visi­bi­li­té qu’ap­portent ces der­nières per­met la mise en œuvre d’une poli­tique indus­trielle à moyen et long terme. L’in­dus­trie fran­çaise de défense connaît ain­si au cours des années 1960 et 1970 un pro­ces­sus de concen­tra­tion et de spé­cia­li­sa­tion autour de quelques grands maîtres d’œuvre et équi­pe­men­tiers. Aero­spa­tiale (mis­siles balis­tiques et tac­tiques, avions civils, héli­co­ptères, satel­lites et lan­ceurs spa­tiaux) est créée en 1970 à par­tir du regrou­pe­ment des socié­tés Nord Avia­tion et Sud Avia­tion (elles-mêmes issues dans les années 1950 du rap­pro­che­ment des six socié­tés natio­nales de construc­tion aéro­nau­tique créées par le Front popu­laire) avec la Sereb, entre­prise publique créée au début des années 1960 pour déve­lop­per les mis­siles balis­tiques. Das­sault Avia­tion (avions de com­bat, avions d’af­faires) absorbe Bré­guet en 1967.

Les autres grands pôles s’ar­ti­culent autour de Thom­son-CSF (sys­tèmes et équi­pe­ments élec­tro­niques), Matra (mis­siles tac­tiques et satel­lites), Snec­ma (moteurs d’a­vion), le GIAT (véhi­cules blin­dés, sys­tèmes d’ar­tille­rie, muni­tions) et la DCN (bâti­ments de sur­face, sous-marins, sys­tèmes de com­bat navals). Ce pro­ces­sus de consti­tu­tion d’un nombre limi­té de groupes d’ar­me­ment impor­tants est faci­li­té par la mon­tée en puis­sance des expor­ta­tions, dont la part dans le chiffre d’af­faires des entre­prises fran­çaises d’ar­me­ment passe de 8 % en 1960 à 31 % en 1990. Il s’ac­com­mode de l’exis­tence de struc­tures capi­ta­lis­tiques variables d’une entre­prise à l’autre.

Concentration et émancipation de l’industrie européenne de défense dans le contexte de l’après-guerre froide

La pre­mière moi­tié des années 1990 est mar­quée en France par le déca­lage exis­tant entre un contexte stra­té­gique radi­ca­le­ment modi­fié et un concept de défense qui n’é­vo­lue pas signi­fi­ca­ti­ve­ment. La France se sin­gu­la­rise en se refu­sant à tirer pré­ma­tu­ré­ment les consé­quences de » l’é­loi­gne­ment » d’une menace majeure dont elle ne peut exclure la » résur­gence « . Dans le domaine de l’ar­me­ment, le main­tien du bud­get d’é­qui­pe­ment à un niveau arti­fi­ciel­le­ment éle­vé fra­gi­lise l’in­dus­trie fran­çaise qui n’est pas inci­tée à se restruc­tu­rer. Alors que le Royaume-Uni et l’Al­le­magne ont regrou­pé leurs forces res­pec­ti­ve­ment autour de deux (Bri­tish Aeros­pace et GEC Mar­co­ni) et d’un (DASA) grands groupes, l’in­dus­trie fran­çaise est han­di­ca­pée par son mor­cel­le­ment et les sur­ef­fec­tifs qui en découlent dans les bureaux d’é­tudes et les centres de pro­duc­tion. Seules quelques » joint ven­tures » euro­péennes voient le jour (Matra Mar­co­ni Space en 1990, Euro­cop­ter en 1992, Thom­son Mar­co­ni Sonar en 1992, Matra BAe Dyna­mics en 1996).

L’in­dus­trie fran­çaise de défense consti­tue un sec­teur signi­fi­ca­tif de notre éco­no­mie. Son chiffre d’af­faires annuel moyen au cours des trois der­nières années (1998−2000) est de près de 14 Md€ (90 MdF), dont un tiers réa­li­sé à l’ex­por­ta­tion. Le nombre d’emplois cor­res­pon­dants est d’en­vi­ron 170 000. La bonne com­pé­ti­ti­vi­té de ce sec­teur est illus­trée par le niveau éle­vé des com­mandes obte­nues à l’ex­por­ta­tion (plus de 6 Md€ en moyenne au cours des trois der­nières années).

La déci­sion annon­cée en 1996 de pro­fes­sion­na­li­ser entiè­re­ment les armées, d’en réduire signi­fi­ca­ti­ve­ment le for­mat et de sus­pendre l’ap­pel sous les dra­peaux s’ac­com­pagne d’une dimi­nu­tion assu­mée du bud­get d’é­qui­pe­ment mili­taire, qui passe d’un mon­tant annuel voi­sin de 100 mil­liards de francs à un niveau sta­bi­li­sé de 85 mil­liards de francs. Paral­lè­le­ment, des pers­pec­tives sont tra­cées pour l’in­dus­trie fran­çaise de défense, qui doit se regrou­per autour d’un cer­tain nombre de » pôles « , dont un pôle aéro­nau­tique et un pôle élec­tro­nique. Ces regrou­pe­ments inter­viennent à par­tir de 1997. Un pôle d’élec­tro­nique pro­fes­sion­nelle et de défense est créé autour de Thom­son-CSF, qui absorbe Das­sault Élec­tro­nique et les acti­vi­tés mili­taires d’Al­ca­tel. Un pôle aéro­nau­tique est ensuite consti­tué par la fusion entre Aero­spa­tiale et Matra Hautes Tech­no­lo­gies et le trans­fert à Aero­spa­tiale des actions déte­nues par l’É­tat (46 %) au capi­tal de Das­sault Avia­tion. D’autres réor­ga­ni­sa­tions, de moindre ampleur, inter­viennent au cours de la même période au sein de l’in­dus­trie fran­çaise d’ar­me­ment : le groupe Sagem, après avoir absor­bé la Sat, acquiert la Sfim, la Com­pa­gnie des signaux (ex-CSEE) cède une large part de ses acti­vi­tés mili­taires à Matra, et Tur­bo­mé­ca rejoint le groupe Snecma.

Ces rap­pro­che­ments réa­li­sés sur une base natio­nale vont rendre pos­sible la consti­tu­tion de groupes trans­na­tio­naux glo­baux. Dès décembre 1997, les chefs d’É­tat et de gou­ver­ne­ment fran­çais, bri­tan­nique et alle­mand se pro­noncent solen­nel­le­ment dans une décla­ra­tion conjointe en faveur de la consti­tu­tion d’une indus­trie aéro­nau­tique et de défense euro­péenne inté­grée. Cepen­dant, les logiques natio­nales demeurent fortes dans ce sec­teur consi­dé­ré comme » stra­té­gique » par les États. On le voit en jan­vier 1999 quand Bri­tish Aeros­pace annonce l’ac­qui­si­tion des acti­vi­tés de défense du groupe GEC et crée BAE Sys­tems, met­tant ain­si un terme à son pro­jet de rap­pro­che­ment avec l’Al­le­mand DASA.

La consti­tu­tion d’en­sembles trans­na­tio­naux » glo­baux » ne va d’ailleurs pas de soi du point de vue de l’in­té­rêt des États. Les » joint ven­tures » créées au début des années 1990 n’ont pas véri­ta­ble­ment remis en cause les rela­tions qu’en­tre­tiennent les gou­ver­ne­ments avec l’in­dus­trie de défense : les ques­tions impor­tantes (finan­ce­ment des pro­grammes et auto­ri­sa­tion d’ex­por­ter) ont conti­nué à faire l’ob­jet, comme aupa­ra­vant, de dis­cus­sions entre les admi­nis­tra­tions natio­nales et les » mai­sons mères » (Bri­tish Aeros­pace, DASA, Matra, Aero­spa­tiale, Thom­son-CSF), demeu­rées elles aus­si » natio­nales « . Il en va autre­ment avec la créa­tion en juillet 2000 du groupe fran­co-his­pa­no-alle­mand EADS, qui ras­semble l’en­semble des acti­vi­tés d’Ae­ro­spa­tiale Matra, de DASA et de CASA, et la fusion de Thom­son-CSF et de Racal, qui fait de l’en­semble ain­si consti­tué une véri­table entre­prise fran­co-bri­tan­nique, rebap­ti­sée Thales à la fin de l’an­née 2000. Les États euro­péens, qui ont encou­ra­gé ces regrou­pe­ments, recherchent paral­lè­le­ment des méca­nismes per­met­tant à la fois de faci­li­ter et d’en­ca­drer l’ac­ti­vi­té des entre­prises trans­na­tio­nales nou­vel­le­ment créées.

Le développement des capacités industrielles et technologiques dans le cadre de l’Europe de la défense

La refondation de la relation entre les États et les entreprises de défense

Les États-Unis consti­tuent un espace fédé­ral homo­gène, au sein duquel les ques­tions stra­té­giques et de défense sont for­te­ment cen­tra­li­sées. Il est donc aisé à l’ad­mi­nis­tra­tion amé­ri­caine d’im­po­ser aux entre­prises d’ar­me­ment les évo­lu­tions qu’elle estime néces­saires. De même, pour cha­cun des pays euro­péens consi­dé­ré en par­ti­cu­lier, dès lors que chaque État est le client natio­nal unique de son indus­trie de défense et qu’il en contrôle rigou­reu­se­ment les expor­ta­tions, il lui est rela­ti­ve­ment aisé d’en orien­ter le déve­lop­pe­ment, comme en témoigne en France la part qu’a prise l’É­tat aux restruc­tu­ra­tions inter­ve­nues depuis 1997.

La consti­tu­tion d’en­tre­prises à l’é­chelle euro­péenne dans le domaine de la défense sou­lève en revanche des dif­fi­cul­tés inédites, qui ne pour­ront être réso­lues de manière plei­ne­ment satis­fai­sante que lorsque l’U­nion euro­péenne sera à même de jouer en matière de défense un rôle com­pa­rable à celui des États-Unis. Or la recherche d’ac­cords indus­triels trans­na­tio­naux glo­baux est pré­ci­sé­ment regar­dée comme l’un des moyens de pro­gres­ser sur la voie de la construc­tion euro­péenne dans le domaine de la défense. Il serait donc contre-pro­duc­tif d’y renon­cer dans l’at­tente d’une évo­lu­tion ins­ti­tu­tion­nelle majeure. Il convient dès lors de défi­nir et de mettre en œuvre les solu­tions per­met­tant aux États de conser­ver un contrôle suf­fi­sant sur cette indus­trie euro­péenne de défense en voie d’in­té­gra­tion, en même temps que d’har­mo­ni­ser les condi­tions d’ap­pli­ca­tion des régle­men­ta­tions natio­nales pour faci­li­ter l’ac­ti­vi­té des socié­tés transnationales.

Tel est le but des tra­vaux enga­gés conjoin­te­ment en 1998 par les ministres de la Défense des six pays euro­péens inté­res­sés (Alle­magne, Espagne, France, Ita­lie, Royaume-Uni et Suède) qui abou­tissent en 2000 à la signa­ture du trai­té dit » Let­ter of Intent « .

Ses dis­po­si­tions visent notam­ment à assu­rer une coor­di­na­tion des poli­tiques de recherche mili­taire et une har­mo­ni­sa­tion des pro­cé­dures d’exportation.

Elles visent éga­le­ment à défi­nir les condi­tions d’une assis­tance réci­proque contri­buant à une meilleure sécu­ri­té d’approvisionnement.

Chaque nation conserve cepen­dant une res­pon­sa­bi­li­té propre vis-à-vis de son industrie.

En France, l’É­tat est aujourd’­hui deve­nu un action­naire par­mi d’autres des entre­prises de défense. Il détient ain­si 15 % du capi­tal d’EADS et 33 % du capi­tal de Thales.

Afin de jouer plei­ne­ment son rôle d’ac­tion­naire, il a éta­bli avec ses par­te­naires pri­vés fran­çais et étran­gers des règles de gou­ver­ne­ment d’en­tre­prise des­ti­nées à assu­rer un fonc­tion­ne­ment trans­pa­rent et effi­cace des organes sociaux (conseils d’ad­mi­nis­tra­tion et comi­tés asso­ciés). Sans inter­fé­rer avec la ges­tion quo­ti­dienne des groupes concer­nés, l’É­tat veille dans ce cadre au res­pect des orien­ta­tions stra­té­giques défi­nies au regard des enjeux de défense.

Au-delà de son rôle d’ac­tion­naire, l’É­tat, consi­dé­ré cette fois en tant que régu­la­teur, dis­pose des moyens régle­men­taires lui per­met­tant de s’as­su­rer que les évo­lu­tions du pay­sage indus­triel s’ef­fec­tuent dans le res­pect des inté­rêts de défense.

Ain­si, les inves­tis­se­ments étran­gers envi­sa­gés en France sont sou­mis à auto­ri­sa­tion préa­lable dès lors que les acti­vi­tés concer­nées com­portent une part mili­taire. L’in­té­rêt de mettre en place une telle pro­cé­dure à l’é­chelle euro­péenne mérite cer­tai­ne­ment d’être examiné.

Enfin, en tant que » maître d’œuvre du sys­tème de défense « , l’É­tat se doit de don­ner aux entre­prises une infor­ma­tion suf­fi­sante sur ses options à moyen et long terme (besoins en équi­pe­ments, axes de recherche, poli­tique de coopé­ra­tion et d’ex­por­ta­tion…) afin de leur per­mettre d’o­rien­ter leurs stra­té­gies en conséquence.

Tel est l’ob­jet du » par­te­na­riat stra­té­gique » mis en place entre la DGA et les prin­ci­pales socié­tés fran­çaises et trans­na­tio­nales de défense.

En outre, la DGA s’ef­force de res­pon­sa­bi­li­ser les maîtres d’œuvre sur des objec­tifs plu­ri­an­nuels glo­baux. En échange d’une dimi­nu­tion du prix des maté­riels, l’É­tat offre ain­si aux entre­prises une visi­bi­li­té qui dépasse l’ho­ri­zon bud­gé­taire et une garan­tie sur la conduite à bonne fin des programmes.

Les progrès de l’Europe de l’armement

Le pro­ces­sus de conso­li­da­tion enga­gé en France il y a quelques années a conduit à la consti­tu­tion de groupes euro­péens puis­sants, à l’ac­ti­vi­té lar­ge­ment duale, dis­po­sant de capa­ci­tés auto­nomes de maî­trise d’œuvre, plei­ne­ment com­pé­ti­tifs et désor­mais en mesure de nouer des par­te­na­riats équi­li­brés avec les entre­prises amé­ri­caines. C’est en par­ti­cu­lier le cas dans les domaines aéro­spa­tial et électronique.

Des évo­lu­tions ana­logues devraient inter­ve­nir dans les sec­teurs de la pro­pul­sion et des maté­riels ter­restres, ain­si que dans celui des navires mili­taires et sys­tèmes de com­bat navals.

Deux pro­blé­ma­tiques demeurent à ce stade insuf­fi­sam­ment prises en compte.


L’A 400 M. © DICOD

La pre­mière concerne le finan­ce­ment public de la recherche. Opé­ré il y a quelques années dans un contexte de dimi­nu­tion du bud­get d’é­qui­pe­ment des armées, le recen­trage du finan­ce­ment éma­nant du minis­tère de la Défense sur les opé­ra­tions de recherche à fina­li­té exclu­si­ve­ment mili­taire et sur les tech­no­lo­gies » orphe­lines » de tout mar­ché civil ne s’est pas accom­pa­gné d’une aug­men­ta­tion de l’ef­fort de recherche finan­cé par les minis­tères civils. Cette situa­tion, que l’on retrouve dans plu­sieurs autres pays euro­péens, est d’au­tant plus pré­oc­cu­pante qu’au cours de la même période les dépenses mili­taires consa­crées aux États-Unis à la recherche et à la tech­no­lo­gie (R et T) ont crû dans des pro­por­tions signi­fi­ca­tives et qu’elles sont appe­lées à aug­men­ter encore dans le cadre du pro­gramme » Mis­sile Defense « .

La seconde pro­blé­ma­tique a trait aux entre­prises de » deuxième rang » et aux PME exer­çant une acti­vi­té de défense. L’au­to­no­mie des maîtres d’œuvre euro­péens récem­ment consti­tués pour­rait être remise en cause si leurs coopé­rants et sous-trai­tants, qui maî­trisent une large part de la tech­no­lo­gie incor­po­rée dans les sys­tèmes d’armes, étaient majo­ri­tai­re­ment contrô­lés par des inté­rêts non euro­péens. Or plu­sieurs entre­prises occu­pant une place impor­tante dans le tis­su indus­triel natio­nal sont d’ores et déjà filiales de socié­tés non européennes.

Ces deux pro­blé­ma­tiques ne pour­ront trou­ver de réponses satis­fai­santes qu’à l’é­chelle européenne.

La coopé­ra­tion en matière d’ar­me­ment doit notam­ment per­mettre de tirer le meilleur par­ti des res­sources dont dis­posent les pays euro­péens et de créer pro­gres­si­ve­ment les condi­tions d’un mar­ché intérieur.

Le pro­jet de loi de pro­gram­ma­tion mili­taire 2003–2008 pré­voit que 30 % du bud­get consa­cré aux pro­grammes d’ar­me­ment clas­siques sera affec­té à la réa­li­sa­tion de pro­grammes en coopé­ra­tion. Il pré­voit en outre une aug­men­ta­tion signi­fi­ca­tive des cré­dits de recherche et technologie.

La future loi per­met­tra notam­ment la pour­suite des pro­grammes d’hé­li­co­ptères fran­co-alle­mand Tigre et fran­co-ger­ma­no-ita­lo-néer­lan­dais NH 90, le lan­ce­ment par huit pays du pro­gramme d’a­vion de trans­port mili­taire Air­bus A 400M et la réa­li­sa­tion conjointe, res­pec­ti­ve­ment par la France et l’Al­le­magne, des pro­grammes de satel­lites d’ob­ser­va­tion Hélios II et Sar Lupe. L’OCCAR (Orga­ni­sa­tion conjointe de coopé­ra­tion en matière d’ar­me­ment), créée en 1996 par la France, l’Al­le­magne, le Royaume-Uni et l’I­ta­lie, et dotée depuis le mois de jan­vier 2001 d’un sta­tut lui per­met­tant de conclure avec l’in­dus­trie des contrats au nom des pays par­te­naires, est appe­lée à jouer un rôle majeur dans la conduite des pro­grammes réa­li­sés en coopé­ra­tion. C’est ain­si qu’elle devrait accueillir, non seule­ment le pro­gramme A 400M, mais éga­le­ment le pro­gramme de mis­sile anti­aé­rien PAAMS qui inté­resse la France, l’I­ta­lie et le Royaume-Uni. L’OC­CAr pour­rait en outre pro­chai­ne­ment s’é­lar­gir à de nou­veaux par­te­naires (Bel­gique, Espagne, Pays-Bas).

La prise en compte pro­gres­sive des ques­tions d’ar­me­ment par l’U­nion euro­péenne, dans le cadre inter­gou­ver­ne­men­tal qui a per­mis les récents pro­grès de l’Eu­rope de la défense, doit per­mettre de fran­chir une nou­velle étape. Il s’a­git d’en­ga­ger et de mener à bien les pro­grammes qui per­met­tront de com­bler les lacunes iden­ti­fiées en matière de capa­ci­tés mili­taires néces­saires à la réa­li­sa­tion, par les pays de l’U­nion euro­péenne, des mis­sions de ges­tion de crises dites » de Peters­berg « . D’ores et déjà, pour concou­rir à cet objec­tif, un cer­tain nombre de pays euro­péens ont pris la déci­sion de rejoindre la France et ses par­te­naires tra­di­tion­nels (Alle­magne, Royaume-Uni, Ita­lie) afin de par­ti­ci­per aux pro­grammes en cours ou futurs (entrée de la Bel­gique dans le pro­gramme Hélios II ; acqui­si­tion par le Por­tu­gal, la Suède, la Nor­vège et la Fin­lande d’hé­li­co­ptères NH 90 ; etc.).

Conclusion

La France s’est don­né maintes fois à elle-même la preuve de la part essen­tielle des choix d’ar­me­ment dans son his­toire. Les gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs ont mis en œuvre depuis plus de qua­rante ans une poli­tique déter­mi­née qui a per­mis la consti­tu­tion d’un outil indus­triel de défense poly­va­lent et auto­nome. Cette poli­tique a per­mis à notre pays de tenir son rang dans le contexte sta­bi­li­sé de la guerre froide. Elle est éga­le­ment à l’o­ri­gine des suc­cès que notre pays et ses par­te­naires euro­péens ont connu dans les domaines aéro­nau­tique et spa­tial civils (Air­bus, Ariane).

L’é­vo­lu­tion du contexte stra­té­gique et éco­no­mique a conduit à repen­ser les moda­li­tés du contrôle et du sou­tien appor­té par l’É­tat à une indus­trie de défense désor­mais lar­ge­ment duale et euro­péa­ni­sée. Mais si le rôle de l’É­tat a chan­gé, il demeure essen­tiel au main­tien d’une base indus­trielle forte et compétitive.

La coopé­ra­tion euro­péenne appa­raît aujourd’­hui comme le moyen de ren­for­cer nos capa­ci­tés tech­no­lo­giques et indus­trielles, dont le déve­lop­pe­ment condi­tionne nos futures capa­ci­tés mili­taires et qui consti­tuent à ce titre une com­po­sante essen­tielle de nos capa­ci­tés de défense.

L’ar­me­ment est donc appe­lé à occu­per une place signi­fi­ca­tive dans le pro­jet euro­péen qui anime et ras­semble les nations du vieux continent.

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