La météo, une discipline scientifique au service de l’économie

Dossier : La mutation du service publicMagazine N°635 Mai 2008
Par Daniel ROUSSEAU (61)

REPÈRES
1854 : créa­tion du pre­mier ser­vice météorologique français sous l’impulsion de Le Verrier ;
1950 : appari­tion des cal­cu­la­teurs et de la prévi­sion numérique ;
1960 : util­i­sa­tion des satel­lites artificiels ;
1980 : sim­u­la­tion du cli­mat dans divers scé­nar­ios socio-économiques.

REPÈRES
1854 : créa­tion du pre­mier ser­vice météorologique français sous l’impulsion de Le Verrier ;
1950 : appari­tion des cal­cu­la­teurs et de la prévi­sion numérique ;
1960 : util­i­sa­tion des satel­lites artificiels ;
1980 : sim­u­la­tion du cli­mat dans divers scé­nar­ios socio-économiques.
Évolu­ant selon une trans­po­si­tion de la fameuse « loi de Moore » des infor­mati­ciens, l’échéance des prévi­sions est passée, à qual­ité équiv­a­lente, de un à huit jours en quelques décennies.

Une lim­ite théorique
Le car­ac­tère tur­bu­lent de l’atmosphère impose une lim­ite théorique aux prévi­sions météorologiques.
Il reste cepen­dant aujourd’hui une marge de pro­gres­sion pos­si­ble impor­tante. Par exem­ple, la prise en compte des inter­ac­tions entre l’atmosphère, l’océan et la biosphère per­me­t­tra d’indiquer, par­mi les évo­lu­tions pos­si­bles à long terme, celles qui seront sus­cep­ti­bles de se dérouler.

La prévi­sion météorologique reste le domaine le plus vis­i­ble de l’activité des ser­vices météorologiques. Cette activ­ité, assurée dans le monde entier par 182 Ser­vices météorologiques nationaux (SMN), néces­site d’importants moyens tech­niques et humains en con­tinu, dif­fi­cile­ment per­cep­ti­bles par celui qui regarde ou écoute un bul­letin de prévi­sions. L’investissement pour l’équipement et le fonc­tion­nement des ser­vices météorologiques est l’un des plus renta­bles qui soit pour la com­mu­nauté. Les divers­es études réal­isées pour éval­uer la rentabil­ité des ser­vices météorologiques esti­ment que les avan­tages économiques obtenus sont de 10 à 40 fois supérieurs aux coûts globaux des SMN.

Un environnement mondial


Le bâti­ment du secré­tari­at per­ma­nent de l’OMM, inau­guré en 1999, a été conçu pour dépenser un min­i­mum d’énergie non renou­ve­lable (cli­ma­ti­sa­tion naturelle, puits cana­di­en, facade dynamique, éclairage intel­li­gent).© MÉTÉO-FRANCE

Un ser­vice nation­al rem­plit une dou­ble fonc­tion : par­ticiper au réseau mon­di­al d’observation et fournir aux util­isa­teurs les ser­vices req­uis. À l’échelon mon­di­al, la coor­di­na­tion relève de l’Organisation météorologique mon­di­ale (OMM), agence spé­cial­isée des Nations Unies qui a suc­cédé en 1951 à l’Organisation mon­di­ale inter­na­tionale créée dès 1873. Au niveau européen citons le Cen­tre européen de prévi­sion météorologique à moyen terme (CEPMMT), fondé en 1975 ; Eumet­sat, fondé en 1986 pour l’exploitation des satel­lites météorologiques européens (Météosat, géo­sta­tion­naire et Metop, défi­lant) ; Eumet­net, fondé en 1996, pour la coor­di­na­tion des pro­grammes (obser­va­tion, traite­ment des don­nées, prévi­sion, cli­ma­tolo­gie, recherche et développe­ment, formation).

Vers des prévisions saisonnières

La prévi­sion à quelques jours, voire à une dizaine de jours, de l’arrivée sur la France d’une vague de froid ou de chaleur ne peut se faire que grâce à un sys­tème glob­al d’observation ou de trans­mis­sion auquel par­ticipe l’ensemble des SMN et grâce à des mod­èles numériques de sim­u­la­tion que seule­ment une dizaine de pays, dont la France, sont capa­bles de dévelop­per et d’exploiter.
La pos­si­bil­ité de prévoir à quelques heures l’arrivée d’un sys­tème orageux accom­pa­g­né de fortes rafales repose sur des moyens nationaux. Com­men­cent à être pro­duites des prévi­sions saison­nières, grâce à la mise en com­mun des sim­u­la­tions effec­tuées par les grands cen­tres mon­di­aux de prévi­sion numérique, dont la France.

Une mémoire du climat

La France apporte une con­tri­bu­tion impor­tante aux activ­ités de recherche internationales

Les don­nées cli­ma­tologiques accu­mulées dès la fin du XIXe siè­cle présen­tent un intérêt économique impor­tant puisqu’elles per­me­t­tent d’évaluer à toute époque de l’année et en tout lieu la répar­ti­tion des valeurs des paramètres météorologiques sus­cep­ti­bles de se pro­duire : valeurs moyennes, fréquence des phénomènes extrêmes, etc. Ces élé­ments présen­tent une impor­tance toute par­ti­c­ulière dans les domaines de l’agriculture, du génie civ­il ou de l’hydrologie.
Le Cen­tre nation­al de recherche météorologique (CNRM) de Météo-France fait par­tie, comme l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL) du CNRS, de la quin­zaine de cen­tres dans le monde qui réalisent les sim­u­la­tions cli­ma­tiques. Ces sim­u­la­tions per­me­t­tent au Groupe d’experts inter­gou­verne­men­tal sur l’évolution du cli­mat (GIEC), qui s’est vu attribuer récem­ment le prix Nobel de la paix, d’établir des esti­ma­tions sur le cli­mat futur en fonc­tion de divers scé­nar­ios économiques pos­si­bles pour la planète.


Vue de la météo­pole de Toulouse où sont local­isés les ser­vices cen­traux de Météo-France (au pre­mier plan le cen­tre de cal­cul, la prévi­sion, la cli­ma­tolo­gie, puis à droite le CNRM, au fond l’École nationale de la météorolo­gie. © MÉTÉO-FRANCE

Météo-France, vedette mondiale

Les ser­vices à l’aéronautique sont désor­mais ouverts à la con­cur­rence par le « ciel unique européen »

Le SMN français se classe par­mi les meilleurs ser­vices météorologiques nationaux au monde. Les per­for­mances de ses mod­èles de prévi­sion le pla­cent dans les trois pre­miers rangs, avec le CEPMMT et le Met Office anglais, avant même les États-Unis.
Nom­bre de sci­en­tifiques issus du ser­vice météorologique français occu­pent des posi­tions de pre­mier plan dans les organ­i­sa­tions inter­na­tionales (par exem­ple, actuelle­ment, le secré­taire général de l’OMM, le directeur et le directeur de la recherche du CEPMMT).
Le sys­tème de sur­veil­lance français des phénomènes dan­gereux est le plus com­plet d’Europe et l’un des plus dévelop­pés au monde.
Le cen­tre de recherche apporte une con­tri­bu­tion impor­tante aux activ­ités de recherche inter­na­tionales (travaux de mod­éli­sa­tion, cam­pagnes de mesure, études pour la genèse des tem­pêtes, etc.).


La vig­i­lance, une alerte appré­ciée avant l’apparition pos­si­ble de phénomènes dan­gereux. © MÉTÉO-FRANCE

Un mil­li­er d’ingénieurs
L’établissement pub­lic Météo-France emploie 2 700 per­son­nes dont un mil­li­er d’ingénieurs, par­mi lesquels près d’une cen­taine de polytechniciens.
Son bud­get (321 mil­lions d’euros en 2006) est con­sti­tué pour 60 % de sub­ven­tions de l’État, 25 % de rede­vances aéro­nau­tiques et 15 % de recettes commerciales.
L’activité opéra­tionnelle, vingt-qua­tre heures sur vingt-qua­tre, est assurée par le ser­vice cen­tral de Toulouse, sept ser­vices inter­ré­gionaux en métro­pole et les ser­vices d’outre-mer (Antilles-Guyane, La Réu­nion, Polynésie, Nou­velle-Calé­donie), dont la posi­tion géo­graphique joue un rôle impor­tant au sein du sys­tème mon­di­al d’observation.

Des performances sans cesse améliorées

Le mod­èle numérique de base pour la prévi­sion à courte échéance a les mêmes per­for­mances aujourd’hui pour soix­ante-douze heures que pour quar­ante-huit heures il y a quinze ans. L’échéance des bul­letins de prévi­sion, qui était à cette époque lim­itée à cinq jours, a été portée à sept jours à par­tir de 1999. Le sys­tème d’alerte des phénomènes dan­gereux, dif­fusé aujourd’hui sous forme de cartes de vig­i­lance au pub­lic comme aux autorités, et dont les per­for­mances sont éval­uées pour leur util­ité opéra­tionnelle par la sécu­rité civile, con­naît une pro­gres­sion en ter­mes d’événements prévus cor­recte­ment anticipés…

La Résolution 40, ou comment gagner des sous

Une activ­ité de services
Météo-France Inter­na­tion­al (MFI), fil­iale créée en 2002, exporte le savoir-faire de Météo-France dans de nom­breux pays, en par­ti­c­uli­er dans le Maghreb, en Afrique, au Moyen-Ori­ent, en Asie et dans cer­tains pays d’Europe.

L’irruption en France, comme dans de nom­breux pays, d’un aspect com­mer­cial de la météo a ébran­lé l’organisation mon­di­ale qui repo­sait, depuis plus de cent ans, sur un échange libre et gra­tu­it de l’information entre tous les ser­vices météorologiques nationaux. Il est apparu que des ser­vices spé­ci­fiques pou­vaient être ren­dus à des util­isa­teurs privés. Cette com­mer­cial­i­sa­tion est pra­tiquée aux États-Unis, mais par des sociétés privées, le ser­vice pub­lic améri­cain four­nissant pour sa part gra­tu­ite­ment l’information météorologique de base, au pub­lic comme au monde entier.
Un com­pro­mis a pu être trou­vé à l’OMM en 1995. Dénom­mé Réso­lu­tion 40, il stip­ule que les don­nées et pro­duits indis­pens­ables pour le fonc­tion­nement du réseau mon­di­al appar­ti­en­nent au domaine pub­lic et peu­vent être util­isés sans restric­tion. Par con­tre, des don­nées « sup­plé­men­taires » peu­vent être com­mer­cial­isées avec cer­taines restric­tions (elles doivent notam­ment être disponibles gra­tu­ite­ment pour l’enseignement et la recherche).
La Réso­lu­tion 40 laisse sub­sis­ter de grandes diver­gences d’application. Les ser­vices nationaux de l’Allemagne et des Pays-Bas ont adop­té la posi­tion améri­caine et ne com­mer­cialisent plus de ser­vices. Le Roy­aume-Uni, la Suède et la France pra­tiquent, à côté de leur mis­sion de ser­vice pub­lic, une activ­ité de ser­vices com­mer­ci­aux notable (15 % du bud­get de Météo-France).

À la recherche de l’équilibre financier
En 1992, à la veille de la créa­tion de l’établissement pub­lic Météo-France, l’État finançait 70 % du bud­get, l’aéronautique 22 % et les activ­ités com­mer­ciales 8 %. En 2008, la répar­ti­tion est sen­si­ble­ment de 60 %, 25 % et 15 %.
L’effectif est resté à peu près le même. La part de marché de Météo-France est de l’ordre de 70 % du marché français. Les ser­vices à l’aéronautique sont désor­mais ouverts à la con­cur­rence par le « ciel unique européen ».
L’accès gra­tu­it via Inter­net et le développe­ment de sociétés privées con­cur­rentes con­courent à grig­not­er un marché qui ne peut se dévelop­per que par des pro­duits inno­vants. Il est en out­re impératif de main­tenir une grande qual­ité de recrute­ment et de formation.

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