gestion de l'eau potable

La gestion de l’eau potable : investir ensemble au service des territoires

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°760 Décembre 2020
Par André SANTINI

Dans la pers­pec­tive du chan­ge­ment cli­ma­tique et de l’évolution des normes sani­taires tou­jours plus exi­geantes, assu­rer en per­ma­nence la pro­duc­tion et la dis­tri­bu­tion d’eau potable en qua­li­té et en quan­ti­té suf­fi­santes au meilleur prix pour plus de 4.6 mil­lions de Fran­ci­liens, reste le défi quo­ti­dien rele­vé par le Syn­di­cat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF) depuis 1923. Ce ser­vice public essen­tiel à la vie et à l’activité éco­no­mique, repose sur des valeurs clés : mutua­li­sa­tion, soli­da­ri­té inter­com­mu­nale, res­pon­sa­bi­li­té, inno­va­tion, proxi­mi­té et trans­pa­rence. Ren­contre avec André San­ti­ni, son Président.

Quelles sont les problématiques auxquelles les collectivités sont confrontées dans le cadre de la gestion de l’eau ?

En Île-de-France, la com­pé­tence eau potable est par­ta­gée par un grand nombre d’autorités orga­ni­sa­trices (Aqua­vesc, Sénéo, le SEDIF et Paris), qui puisent dans la Seine, la Marne et l’Oise (excep­tion faite pour Eau de Paris, qui uti­lise les nappes phréa­tiques pour 50 % de son appro­vi­sion­ne­ment en eau).

Dans le contexte du chan­ge­ment cli­ma­tique, qui devrait conduire à des inon­da­tions plus fré­quentes et des séche­resses plus longues, il est pri­mor­dial de mieux se coordonner.

Une approche col­lec­tive pour sécu­ri­ser la res­source et par­ta­ger la pro­duc­tion est à recher­cher, au-delà des moyens de sécu­ri­sa­tion propres à cha­cun, et déjà d’un niveau éle­vé. D’où l’idée que je défends d’un « ring de l’eau » au sein du Grand Paris. Une usine de secours délo­ca­li­sée, par exemple au bord d’un des réser­voirs de l’EPTB Seine Grands lacs consti­tue­rait une sécu­ri­té sup­plé­men­taire. D’autres métro­poles étran­gères l’ont déjà fait.

À l’initiative du SEDIF, une étude a été lan­cée avec Sénéo, AQUAVESC et la Ville de Paris, afin d’identifier puis, le cas échéant, mettre en œuvre les actions col­lec­tives pour ren­for­cer la sécu­ri­té des appro­vi­sion­ne­ments, la qua­li­té de ser­vice et de l’eau distribuée.

Quant au SEDIF, son prin­ci­pal enjeu est de tou­jours mieux répondre aux attentes des consom­ma­teurs, en amé­lio­rant encore la qua­li­té de l’eau, au-delà des normes sani­taires actuelles déjà stric­te­ment respectées.

C’est le pro­jet « Vers une eau pure, sans cal­caire, sans chlore », sans per­tur­ba­teurs endo­cri­niens, et tou­jours sans déchets plas­tiques. Ces résul­tats seront atteints grâce au déploie­ment dans cha­cune de nos usines, de l’Osmose Inverse Basse Pres­sion (OIBP), en com­plé­ment des trai­te­ments actuels. Un inves­tis­se­ment de près d’un mil­liard d’euros, sur une dizaine d’années. Pour les usa­gers, ce pro­jet est créa­teur de valeur, géné­rant pour chaque foyer envi­ron 100 € d’économie par an.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la technologie de l’OIBP ?

L’Osmose Inverse Basse Pres­sion est un trai­te­ment mem­bra­naire proche du des­sa­le­ment de l’eau de mer. Elle per­met de pro­duire une eau équi­va­lente aux eaux de source, et de for­te­ment réduire sa teneur en cal­caire (objec­tif : une dure­té de l’eau com­prise entre 8 à 10°F contre 17°F à 33°F aujourd’hui). Ce pro­cé­dé per­met­tra d’obtenir une eau encore plus pure, sans micro­pol­luants comme les rési­dus médi­ca­men­teux ou les per­tur­ba­teurs endo­cri­niens, sans chlore, ni calcaire.

De quelle façon cette technologie contribue-t-elle à la réduction de vos émissions de CO2 ?

L’OIBP contri­bue à la réduc­tion des émis­sions de CO2 du SEDIF à tra­vers la dimi­nu­tion de la consom­ma­tion d’énergie glo­bale. Le SEDIF déploie dès aujourd’hui les tech­no­lo­gies de demain ! La pre­mière usine à béné­fi­cier de ce trai­te­ment sera celle d’Arvigny (Seine-et-Marne). Les tra­vaux débu­te­ront en 2021 pour une mise en ser­vice mi-2022.

Ce pro­jet s’inscrit par­fai­te­ment dans notre ambi­tion d’être à la pointe de la pré­ven­tion du chan­ge­ment cli­ma­tique : le SEDIF est depuis 2016 le pre­mier et le seul ser­vice d’eau au monde neutre en car­bone. Toutes les émis­sions de CO2 qui ne peuvent pas être évi­tées sont inté­gra­le­ment compensées.

Comment appréhendez-vous les défis liés à la crise sanitaire actuelle ?

Bien évi­dem­ment nos trai­te­ments éli­minent tous les virus ! L’eau potable dis­tri­buée ne pré­sente aucun risque pour la san­té. Pour le SEDIF, la crise sani­taire a sur­tout été un enjeu orga­ni­sa­tion­nel : la mobi­li­sa­tion des sala­riés du SEDIF et de son délé­ga­taire Veo­lia Eau d’Île-de-France, et la sécu­ri­sa­tion de nos four­nis­seurs ont per­mis d’assurer la continuité.

Le confi­ne­ment n’a pas entraî­né de baisse de la consom­ma­tion d’eau, et l’économie du ser­vice public de l’eau a donc été pré­ser­vée. Je me suis atta­ché à ce que les tra­vaux redé­marrent dès la fin du pre­mier confi­ne­ment. Nous avons fait face avec suc­cès à cet évè­ne­ment dif­fi­ci­le­ment anticipable.

Ce résul­tat est la consé­quence de sa culture de pré­pa­ra­tion et de ges­tion des crises, qui par­fois sont conco­mi­tantes comme actuel­le­ment le risque atten­tats ou le risque de déles­tages énergétiques.

Au-delà de cette crise sani­taire, nous nous sommes fixés trois grands objectifs :

  • Fédé­rer, en res­tant le pivot de la ges­tion de l’eau en Île-de-France : quand la poli­tique poli­ti­cienne et le dog­ma­tisme sont mis de coté, notre attrac­ti­vi­té est recon­nue, comme le démontre la récente adhé­sion de l’EPT Plaine Com­mune, ou les ventes d’eau en gros d’une qua­li­té excep­tion­nelle, à la CA de Cer­gy Pontoise.
  • Ensuite, inno­ver aux béné­fices des consom­ma­teurs : le nou­veau bond en avant qu’est l’OIBP est syno­nyme d’audace maî­tri­sée, comme l’a été en 1999, la Nano Fil­tra­tion à Méry-sur-Oise.
  • Et enfin, déli­vrer un ser­vice de qua­li­té à coût maî­tri­sé : par exemple le choix actuel de la délé­ga­tion de ser­vice public per­met des opti­mi­sa­tions tech­niques et éco­no­miques récur­rentes (l’accès à la Recherche et Déve­lop­pe­ment de Veo­lia par exemple).

Comment déployez-vous les nouvelles technologies au service des usagers ?

Le SEDIF est en veille per­ma­nente afin d’identifier et de mettre en œuvre les inno­va­tions utiles à ses usa­gers. Par­mi elles figurent en pre­mière ligne les nou­velles tech­no­lo­gies de l’information et de la com­mu­ni­ca­tion – NTIC. En effet, les objets connec­tés, les réseaux de com­mu­ni­ca­tion de plus en plus puis­sants et rapides, le Big data et l’IA seuls et sur­tout com­bi­nés, consti­tuent une source de chan­ge­ments qua­si sans limite. La meilleure démons­tra­tion est le Ser­vO, centre d’hypervision de der­nière géné­ra­tion, trai­tant en temps réel plus de 400 000 don­nées d’exploitation des usines et des réseaux, de la rela­tion clients, de la modé­li­sa­tion hydrau­lique… L’exploitation de ces infor­ma­tions per­met une aide à la déci­sion et à l’optimisation encore inima­gi­nable il y a peu. Le « SMART Water », est aus­si un bon exemple de tech­no­lo­gies mises en place pour pilo­ter réseaux et usines du SEDIF en temps réel.

La télé­re­lève des comp­teurs d’eau quant à elle, a été déployée entre 2011 et 2015 pour près de 600 000 abon­nés. Croi­sée avec la sec­to­ri­sa­tion du réseau en cours de mise en place, elle per­met d’établir des bilans quo­ti­diens entre la pro­duc­tion et la consom­ma­tion. Elle per­met aus­si la fac­tu­ra­tion au réel et les alertes auto­ma­ti­sées de sur­con­som­ma­tion, et donc de poten­tielles fuites chez les abonnés.

Par ailleurs, à ce jour, près de 20 opérations d’investissement intègrent le BIM. Dites-nous en plus sur le recours à cette technologie.

Le SEDIF a été pion­nier : dès 2015 les pre­mières opé­ra­tions inté­grant le Buil­ding Infor­ma­tion Model (BIM) ont été lan­cées. Le BIM est au départ un outil qui amé­liore le pro­ces­sus de concep­tion puis de réa­li­sa­tion des tra­vaux. Mais il a voca­tion à deve­nir l’outil de ges­tion des ouvrages sur l’ensemble de leur cycle de vie jusqu’à l’entretien, la main­te­nance et la ges­tion patri­mo­niale. Le SEDIF a déci­dé de géné­ra­li­ser l’utilisation de cet outil pour tous les ouvrages d’ici fin 2026 au plus tard.

Pour conclure, quelles sont vos perspectives ?

Pour atteindre ses objec­tifs, il est essen­tiel de déci­der du mode de ges­tion le mieux adap­té. Aujourd’hui en délé­ga­tion de ser­vice public jusqu’à fin 2023, le SEDIF a enga­gé un pro­ces­sus de déci­sion, qui devrait abou­tir avant l’été 2021.

Toutes les pos­si­bi­li­tés sont explo­rées : la régie, la conces­sion… Là encore, la pos­si­bi­li­té d’innover est pré­sente avec de nou­veaux modes de ges­tion inter­mé­diaire exa­mi­nés, comme la SEMOP.

En résu­mé, le choix du futur mode de ges­tion, la conso­li­da­tion du péri­mètre des­ser­vi, et le déploie­ment de tech­no­lo­gies de pointe au béné­fice des consom­ma­teurs, sont nos prin­ci­paux enjeux. Et tou­jours avec le sou­ci d’une ges­tion maî­tri­sée. Preuve en est : le SEDIF a bais­sé trois fois le prix de l’eau depuis 2010.


En bref

  • 151 com­munes des­ser­vies, répar­ties sur 7 départements 
  • Plus de 4,6 mil­lions d’usagers
  • Près de 600 000 abonnés
  • Près de 275 mil­lions de m³ pro­duits en 2019, à par­tir de la Seine, la Marne et l’Oise

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