« La finance embarquée redéfinit les règles du jeu »  

Dossier : Vie des entreprises | Magazine N°807 Septembre 2025
Par Johanna LORENT

À la tête du développement du segment « partenaires digitaux » de Mastercard France, Johanna Lorent travaille au cœur des mutations de l’écosystème financier. Fintechs, plateformes SaaS, acteurs de la Banking-as-a-Service… tous participent à l’émergence d’un nouveau modèle : celui d’une finance intégrée, fluide, et contextuelle. Elle nous explique comment Mastercard accompagne cette transformation technologique et culturelle, loin de son image de simple réseau de cartes.

Quel est votre périmètre chez Mastercard et qui sont vos interlocuteurs ?

Je dirige une équipe qui gère les relations avec nos « partenaires digitaux » pour la France. Cela comprend tous les acteurs qui proposent des services financiers, mais qui ne sont pas des banques traditionnelles ou des commerçants. On parle ici d’établissements de paiement ou de monnaie électronique, d’enablers technologiques et prestataires de services de paiement (PSP) ou encore des fintechs de tous types comme des plateformes SaaS de gestion financière, d’acteurs du Buy Now Pay Later, de l’assurance intégrée ou du Web 3. Ce sont eux qui, aujourd’hui, construisent les nouvelles interfaces de la finance, celles qui sont intégrées directement dans les parcours clients. Le rôle de mon équipe est de comprendre leurs besoins et problématiques, de leur proposer les solutions adaptées – que ce soient celles de Mastercard ou de nos partenaires –, et de les accompagner dans leur développement, aussi bien sur le plan technologique que stratégique.

Le terme de « finance embarquée » revient souvent. De quoi s’agit-il exactement ?

La finance embarquée désigne l’intégration et la mise à disposition de services financiers dans des plateformes non financières. Prenons un exemple simple : vous louez une voiture, et on vous propose automatiquement une assurance adaptée à votre location. Ou encore : vous faites un achat en ligne et le commerçant vous propose un paiement fractionné, en quelques clics. 

Ce sont des services financiers, mais distribués par des entreprises qui ne sont pas des institutions financières à l’origine. Cette nouvelle chaîne de valeur suppose une transformation en profondeur de l’architecture technologique et réglementaire du secteur et réinvente son modèle économique. Et c’est justement là que Mastercard intervient, en tant que facilitateur et accélérateur de ces nouveaux modèles.

Quels sont les cas d’usage concrets de paiement embarqué que vous voyez émerger aujourd’hui ?

Ils sont nombreux et touchent tous les secteurs. 

Dans les PME, par exemple, on voit l’émergence de l’usage de cartes de paiement commerciales connectées à leurs logiciels de pré-comptabilité (ex. : outil de gestion de notes de frais) et même de comptabilité. 

Dans le cadre des paiements interentreprises de toutes tailles, les entreprises peuvent régler leurs fournisseurs par carte virtuelle – déjà connectée à leurs outils de réservation, ou à leurs ERP ou leurs plateformes d’achats – et voir l’opération automatiquement ventilée en comptabilité, sans intervention manuelle. Ces nouveaux cas d’usage sont au cœur de la transformation digitale des entreprises et leur permettent d’avoir des circuits de paiement plus rapides, simples et sécurisés, d’automatiser la gestion de leurs dépenses et notes de frais, et d’avoir un reporting financier plus fiable et une comptabilité en temps réel. 

C’est une vraie révolution pour des structures souvent peu ou mal équipées qui cherchent à simplifier les parcours de leurs utilisateurs et à améliorer leur efficacité opérationnelle, le contrôle de leurs dépenses, et la maîtrise de leur trésorerie. 

Enfin, on peut aussi citer l’assurance : certaines mutuelles envisagent désormais de fournir des cartes, principalement virtuelles, pour couvrir les frais de santé, évitant ainsi aux assurés d’avancer les frais. L’expérience client est transformée, et l’acte financier devient presque invisible.

Quel rôle joue Mastercard dans cette transformation ?

Mastercard dynamise l’économie et renforce le pouvoir des consommateurs dans plus de 200 pays et territoires à travers le monde. En collaboration avec nos clients, nous construisons une économie durable où chacun peut prospérer. Nous soutenons une large gamme de solutions de paiement numérique, rendant les transactions sûres, simples, intelligentes et accessibles. Nos technologies de pointe, nos innovations, partenariats et réseaux réunis offrent un ensemble unique de produits et de services, qui aident les porteurs de cartes, les entreprises et les gouvernements à exploiter leur plein potentiel.

Justement, comment accompagnez-vous les fintechs, quelle que soit leur taille ou leur degré de maturité ?

Mastercard

Nous avons trois leviers principaux. Le premier, c’est notre réseau — technique, commercial, humain. Notre infrastructure réseau mondial permet d’être connecté à plus de 150 millions de points d’acceptation, 23 000 institutions financières partenaires, et un écosystème riche de prestataires technologiques. Nous jouons un rôle d’intermédiaire entre des fintechs en recherche de solutions et des prestataires capables de les aider. Cela permet à de jeunes pousses comme à des fintechs établies de s’intégrer et de grandir rapidement.

Le second levier, ce sont nos services : grâce à nos plateformes de données et nos experts, nous accompagnons ces acteurs sur leur stratégie, leur marketing, leur développement à l’international ou encore leur conformité. 

Enfin, le troisième levier, c’est notre marque. Nous avons notamment lancé le programme Mastercard for Fintechs, qui donne accès à des formations, des événements de networking, et une compétition annuelle à destination des jeunes pousses (fintechs pre-seed, seed, série A). Le gagnant bénéficie d’un accompagnement sur mesure, notamment marketing, valorisé à 100 000 euros.

On sent une approche très structurée. Est-ce une réponse à l’essor rapide de cet écosystème ?

Oui, clairement. L’écosystème fintech évolue vite, mais il est aussi très fragmenté. Beaucoup d’acteurs arrivent avec une expertise pointue sur une niche, mais ont besoin de soutien pour s’élargir, se structurer, ou se développer à l’international. Notre rôle, c’est justement de les aider à franchir ces étapes. Nous apportons la stabilité d’une entreprise mondiale, mais avec une grande proximité locale. En France, nous avons des équipes spécialisées qui comprennent le marché, ses contraintes réglementaires, et ses dynamiques d’innovation. Cette capacité à combiner vision globale et action locale est essentielle.

Avez-vous aussi des liens avec le monde académique et les jeunes talents ?

Absolument. Nous avons par exemple participé à un jury du programme Polytechnique-HEC, en partenariat avec l’Observatoire de la Fintech. J’ai été impressionnée par la qualité des projets proposés par les étudiants, leur rigueur, leur compréhension des enjeux business et réglementaires. Ce sont des exercices très complets, qui parfois débouchent sur de véritables créations d’entreprise. Nous sommes ravis de contribuer à cet écosystème, et de pouvoir accompagner certains projets s’ils poursuivent leur développement. C’est aussi pour nous une source d’inspiration et un moyen de rester à la pointe de l’innovation.

Quel message adresseriez-vous à un(e) jeune polytechnicien(ne) qui hésiterait à rejoindre le secteur fintech ?

Je lui dirais que c’est l’un des secteurs les plus passionnants du moment. La finance est en pleine réinvention, grâce à la technologie, à la réglementation, mais aussi à l’évolution des attentes des utilisateurs. C’est un terrain de jeu immense pour des profils comme ceux de l’X, capables d’allier rigueur analytique, curiosité technologique et sens de l’impact. La fintech permet de créer des solutions concrètes, utiles, et de participer à la transformation d’un pilier fondamental de notre société. Et chez Mastercard, nous restons toujours ouverts aux talents qui souhaitent construire cette finance de demain.  

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