Après avoir ouvert des bureaux à Londres, CUBE poursuit son développement en France.

« La conformité ne doit plus être un fardeau, mais un levier stratégique »

Dossier : Vie des entreprises | Magazine N°808 Octobre 2025
Par Ben RICHMOND

Face à l’explosion des normes après la crise financière de 2008, les banques sont plus que jamais sous pression. Pour Ben Richmond, fondateur et CEO de Cube, l’automatisation intelligente ne doit pas remplacer l’expertise humaine, mais l’amplifier. Grâce à l’IA, la RegTech britannique aide les plus grandes institutions financières mondiales à transformer leur conformité réglementaire, longtemps perçue comme un coût, en un véritable avantage compétitif.

Pouvez-vous présenter votre entreprise ? Quelles sont vos missions ?

À la suite de la crise financière mondiale de 2008, le secteur des services financiers a été confronté à une multiplication des lois et réglementations visant à empêcher que des événements similaires ne se reproduisent à l’avenir. La charge de conformité et de la supervision des entreprises régulées a été multipliée par dix du jour au lendemain. En réponse à cette nouvelle réalité, nous avons créé CUBE en 2011, dont la mission est d’aider les institutions financières à gérer de manière plus efficace la complexité, le volume et le rythme toujours croissants des changements réglementaires.

Comment l’intelligence artificielle peut-elle concrètement aider les banques à mieux maîtriser leurs risques réglementaires ?

Les banques peuvent exploiter la puissance de l’IA pour gérer les exigences réglementaires. L’impact potentiel de l’utilisation de l’IA est considérable, pour réduire à la fois les coûts et les risques réglementaires.

L’IA est utile dans de nombreuses tâches telles que la détection, le triage et l’analyse de nouvelles réglementations, la gestion des obligations, la rédaction des politiques, la rédaction de contrôles, l’amélioration de la qualité des contrôles, l’identification et la correction des lacunes dans les obligations et les contrôles.

Quels sont les risques d’une trop forte automatisation dans la gestion des exigences réglementaires, et comment les encadrer ?

Il n’est pas rare de voir des experts en réglementation travailler avec des outils bureautiques sans piste d’audit, consacrant du temps à des tâches fastidieuses, avec à la clé des risques de non-conformité. Le paysage réglementaire actuel est trop vaste pour être géré manuellement. Le volume et la complexité nécessitent l’automatisation, ce qui permet aux experts de se concentrer sur d’autres tâches telles que la réalisation d’analyses d’impact, la gestion des ambiguïtés et l’analyse approfondie des changements réglementaires, tâches que l’automatisation ne peut et ne doit pas remplacer.

Les banques peuvent-elles continuer à absorber indéfiniment la pression réglementaire croissante sans répercussions majeures sur leur modèle économique ?

Ajouter davantage de personnes pour se conformer à des exigences réglementaires toujours plus strictes n’est pas viable à long terme. L’appel lancé actuellement par les dirigeants européens pour s’appuyer sur les recommandations du rapport Draghi montre qu’un seuil de complexité réglementaire a été atteint et que c’est cette complexité qui fait obstacle à l’innovation et à la compétitivité. C’est pourquoi il est si important d’appliquer et d’adopter la technologie de l’IA dans des cas d’utilisation pratiques et bien définis, là où elle peut réduire les risques et diminuer les coûts de mise en conformité.

Comment les institutions financières peuvent-elles structurer leur réponse face à l’inflation normative qui complexifie leur fonctionnement ?

Il faut mettre en place des systèmes capables d’absorber les changements à un rythme soutenu, plutôt que de réagir aux développements réglementaires. Cela signifie, par exemple, que vous devez intégrer les mises à jour réglementaires à votre propre dispositif de contrôle, dès leur apparition, et non après coup. La visibilité, l’agilité et l’audibilité sont désormais des exigences minimales, et non plus un luxe.

Avec CUBE, la gestion des obligations est la première étape et souvent la première valeur que nous apportons à nos clients : un référentiel d’obligations toujours à jour, avec des obligations gérées dans tous les pays et toutes les réglementations, pertinentes pour chaque client. Nous constatons que les différentes réglementations peuvent souvent comporter des obligations similaires en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis ou en Asie. Il est essentiel de gérer ces obligations de manière rigoureuse et de les regrouper pour gagner en efficacité, ce qui évite d’avoir à réinventer la roue à chaque nouvelle mise à jour réglementaire.   

Peut-on imaginer une standardisation européenne (voire mondiale) des processus de compliance ? Est-ce réaliste ou utopique ?

C’est tout à fait possible, et cela représente une opportunité considérable de réduire les coûts et d’améliorer l’efficacité dans la gestion de la conformité et des risques. CUBE a récemment acquis la société ACIN, qui est à la pointe de cette standardisation des processus de conformité et des contrôles, une initiative soutenue par certaines des plus grandes banques du monde.

Comment mettre en place une approche plus efficace et moins coûteuse de la conformité réglementaire, sans compromettre la sécurité ou la qualité ?

L’utilisation d’une technologie d’IA verticale, spécialement conçue à cet effet, est un facteur clé. Grâce à ses données réglementaires, ses modèles d’IA et son infrastructure informatique, CUBE est en mesure de relever ce défi et d’offrir une valeur ajoutée tangible à ses clients. Nous sommes fiers de compter parmi nos clients 50 % des 20 plus grandes institutions financières mondiales.

Les choses changent indéniablement. Lorsque nous avons démarré il y a 14 ans, tout tournait autour de la veille réglementaire. Aujourd’hui, nous sommes en mesure d’extraire et de gérer les obligations réglementaires, et de les relier aux dispositifs de maîtrise des risques de nos clients. Nous identifions les contrôles redondants, tout en mettant en évidence les lacunes, telles que les obligations réglementaires qui ne sont pas couvertes par des contrôles pertinents. Nous sommes en mesure d’informer nos clients des contrôles pertinents sur lesquels ils doivent se concentrer afin de remplir leurs obligations réglementaires de manière efficace.  

En quoi les RegTech comme Cube changent-elles la donne pour les banques en matière de gestion des risques réglementaires ?

L’essor des RegTech, telles que CUBE, redéfinit la manière dont les banques et les institutions financières gèrent les risques réglementaires. La plateforme unifiée de CUBE automatise l’ensemble du processus de conformité et de gestion des risques, en éliminant le superflu pour ne faire apparaître que ce qui est pertinent pour l’empreinte réglementaire unique de chaque entreprise. Elle met en correspondance les changements réglementaires avec les politiques et contrôles internes, créant ainsi un lien clair et vérifiable entre la conformité, le risque opérationnel et les opérations quotidiennes. Nos clients peuvent désormais se comparer à leurs pairs et partager les meilleures pratiques.

Comment les banques peuvent-elles passer d’une posture réactive à une posture proactive vis-à-vis des nouvelles réglementations ?

Il existe en France des initiatives visant à encourager les banques à adopter une approche plus proactive en matière de réglementation. La Fédération Bancaire Française mène le dialogue entre les banques et le secteur public, et l’autorité de contrôle ACPR favorise une approche collaborative et anticipe les réglementations à venir. Cela me semble être une bonne direction à prendre.  

La gestion des risques réglementaires peut-elle devenir un levier stratégique, plutôt qu’un simple centre de coûts ?

Il s’agit déjà d’un levier stratégique. L’étude récente « PwC Global Compliance Survey », a révélé que 87 % des personnes interrogées estimaient que la conformité offrait des conseils et un soutien proactif et pertinent pour atteindre leurs objectifs commerciaux.

L’intégration de la conformité dès le début de la phase de conception d’un nouveau produit ou service contribue à l’instauration de la confiance indispensable à la croissance durable de toute entreprise.  

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