La Cenerentola de Rossini

La Cenerentola de Rossini

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°738 Octobre 2018Par : Elīna Garanča, Metropolitan Opera de New York, Direction Maurizio BeniniEditeur : Deutsche Grammophon
Par Marc DARMON (83)

Le con­te de Per­rault (puis de Grimm) Cen­drillon a plusieurs fois été mis en musique. Recon­nais­sons ne pas vibr­er à la ver­sion de Massenet, mais j’admets avoir un faible pour la musique de bal­let que Prokofiev en a tirée, de la très grande musique qui offre le sou­tien à des choré­gra­phies qui peu­vent être mag­nifiques (con­seil­lons le DVD du bal­let de Prokofiev à Zurich en 2003, pro­duc­tion désopi­lante et poignante remar­quable­ment filmée par Andy Som­mer, chez l’éditeur Bel Air).

Mais il sera recon­nu unanime­ment que le chef‑d’œuvre musi­cal que Cen­drillon a inspiré est La Cener­en­to­la de Rossi­ni. D’une richesse au moins égale au fameux Bar­bi­er de Séville, La Cener­en­to­la com­bine l’art du bel can­to par­faite­ment maîtrisé par Rossi­ni dans ses opéras sérieux (Moïse, La Don­na del lago) et la cocasserie des airs et ensem­bles de ses opéras légers (Le Bar­bi­er, L’Italienne à AlgerLe Voy­age à Reims…).

Pour une fois, l’héroïne de Rossi­ni n’est pas sopra­no mais mez­zo-sopra­no. Les plus grandes mez­zos s’y sont illus­trées (Bergan­za, Balt­sa…). La plus célèbre, Cecil­ia Bar­toli, a incar­né le rôle pen­dant près de trente ans, depuis ses débuts ; son com­pact disc de 1992 fait tou­jours référence, et le film avec Bar­toli, réal­isé à Hous­ton en 1996, est très forte­ment con­seil­lé (chez Decca).

Mais on a eu le coup de foudre pour cette pro­duc­tion du Met­ro­pol­i­tan Opera en mai 2009, pro­jetée au ciné­ma en direct à l’époque, et depuis disponible en DVD. La mez­zo-sopra­no let­tone Elī­na Garanča y était divine, sa voix est chaude, envoû­tante, et pour­tant d’une agilité indis­pens­able pour sur­v­ol­er les pièges de vocalis­es dont Rossi­ni a saupoudré le rôle. Elle nous saisit dès son pre­mier air, alors qu’elle est encore sous l’esclavage de ses sœurs. Puis elle illu­mine à cha­cune de ses inter­ven­tions, la salle est chaque fois prise d’émotion. Garanˇ­ca ne chante désor­mais plus ce réper­toire « léger », cette soirée a été sa dernière représen­ta­tion de Rossi­ni, mais ses enreg­istre-ments de Rossi­ni nous restent.

On ne racon­tera pas l’histoire, naturelle­ment, sauf pour pré­cis­er que la marâtre de Per­rault est ici un beau-père, basse bouffe qui a mag­nifique­ment inspiré Rossi­ni, et que la fée mar­raine est ici le par­rain du prince, véri­ta­ble ange gar­di­en de Cener­en­to­la, un rôle sym­pa­thique mais musi­cale­ment plus ingrat. Et indiquons qu’une des cocasseries du livret est d’avoir fait se déguis­er le prince et son valet pour inter­ver­tir leurs rôles sur les trois quarts de l’opéra. L’opéra est surtout fait d’ensembles, duos, trios, quatuors, plusieurs quin­tettes, dont celui au pre­mier acte lancé par Garanˇ­ca et qui est d’une rare émo­tion, et deux for­mi­da­bles sextuors.

Très beau disque, très bien filmé comme tou­jours au Met (encore plus beau en Blu-ray). Et il ne faut pas rater en bonus les inter­views des artistes en coulisse par le grand Thomas Hamp­son, entre­tiens pro­jetés à l’époque en direct pen­dant l’entracte.


La Cenerentola de RossiniLa Cener­en­to­la de Rossini
Elī­na Garanča, Met­ro­pol­i­tan Opera de New York, Direc­tion Mau­r­izio Benini
1 DVD ou Blu-ray Deutsche Grammophon

Poster un commentaire